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Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 13 |
EAN13 | 9782824710235 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
LES SECRETS DE LA
P RI NCESSE DE
CADIGNAN
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LES SECRETS DE LA
P RI NCESSE DE
CADIGNAN
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1023-5
BI BEBO OK
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compris à Bib eb o ok.LES SECRETS DE LA
P RI NCESSE DE CADIGNAN
A T H EOP H I LE GA U T I ER.
de la Ré v olution de Juillet qui détr uisit
plusieur s fortunes aristo cratiques soutenues p ar la Cour , madameA la princesse de Cadignan eut l’habileté de mer e sur le compte
des é vénements p olitiques la r uine complète due à ses pr o dig alités. Le
prince avait quié la France av e c la famille r o yale en laissant la princesse
à Paris, inviolable p ar le fait de son absence , car les dees, à
l’acquiement desquelles la v ente des pr opriétés v endables ne p ouvait suffir e , ne
p esaient que sur lui. Les r e v enus du majorat avaient été saisis. Enfin les
affair es de cee grande famille se tr ouvaient en aussi mauvais état que
celles de la branche aîné e des Bourb ons.
Cee femme , si célèbr e sous son pr emier nom de duchesse de
Maufrigneuse , prit alor s sag ement le p arti de viv r e dans une pr ofonde r etraite ,
et v oulut se fair e oublier . Paris fut emp orté p ar un courant d’é vénements
si v ertigineux, que bientôt la duchesse de Maufrigneuse , enter ré e dans la
1Les se cr e ts de la princesse de Cadignan Chapitr e
princesse de Cadignan, mutation de nom inconnue à la plup art des
nouv e aux acteur s de la so ciété mis en scène p ar la Ré v olution de Juillet, de vint
comme une étrangèr e .
En France , le titr e de duc prime tous les autr es, même celui de prince ,
quoiqu’ en thèse héraldique pur e de tout sophisme , les titr es ne signifient
absolument rien, et qu’il y ait ég alité p arfaite entr e les g entilshommes.
Cee admirable ég alité fut jadis soigneusement maintenue p ar la maison
de France ; et, de nos jour s, elle l’ est encor e , au moins nominalement, p ar
le soin qu’ ont les r ois de donner de simples titr es de comtes à leur s
enfants. Ce fut en v ertu de ce sy stème que François I ᵉʳ é crasa la splendeur
des titr es que se donnait le p omp eux Charles-int en lui signant une
rép onse : François, seigneur de V anv es. Louis X I avait fait mieux encor e ,
en mariant sa fille à un g entilhomme sans titr e , à Pier r e de Be aujeu. Le
sy stème fé o dal fut si bien brisé p ar Louis X I V , que le titr e de duc de vint
dans sa monar chie le suprême honneur de l’aristo cratie , et le plus
envié . Né anmoins, il est deux ou tr ois familles en France où la princip auté ,
richement p ossessionné e autr efois, est mise au-dessus du duché . La
maison de Cadignan, qui p ossède le titr e de duc Maufrigneuse p our ses fils
aînés, tandis que tous les autr es se nomment simplement che valier s de
Cadignan, est une de ces familles e x ceptionnelles. Comme autr efois deux
princes de la maison de Rohan, les princes de Cadignan avaient dr oit à un
trône chez eux ; ils p ouvaient av oir des p ag es, des g entilshommes à leur
ser vice . Cee e xplication est né cessair e , autant p our les soes critiques de
ceux qui ne sav ent rien que p our constater les grandes choses d’un monde
qui, dit-on, s’ en va, et que tant de g ens p oussent sans le compr endr e . Les
Cadignan p ortent d’or à cinq fusées de sable accolées et mises en fasce , av e c
le mot MEMI N I p our de vise , et la cour onne fer mé e , sans tenants ni
lambr e quins. A ujourd’hui la grande quantité d’étrang er s qui affluent à Paris
et une ignorance pr esque g énérale de la science héraldique commencent
à mer e le titr e de prince à la mo de . Il n’y a de v rais princes que ceux qui
sont p ossessionnés et aux quels app artient le titr e d’ Altesse . Le dé dain de
la noblesse française p our le titr e de prince , et les raisons qu’avait Louis
X I V de donner la suprématie au titr e de duc, ont empê ché la France de
ré clamer l’altesse p our les quelques princes qui e xistent en France , ceux
de Nap olé on e x ceptés. T elle est la raison p our laquelle les princes de
Ca2Les se cr e ts de la princesse de Cadignan Chapitr e
dignan se tr ouv ent dans une p osition inférieur e , nominalement p arlant,
vis-à-vis des autr es princes du continent.
Les p er sonnes de la so ciété dite du faub our g Saint-Ger main pr
otég e aient la princesse p ar une discrétion r esp e ctueuse due à son nom, le quel
est de ceux qu’ on honor era toujour s, à ses malheur s que l’ on ne discutait
plus, et à sa b e auté , la seule chose qu’ elle eût conser vé e de son opulence
éteinte . Le monde , dont elle fut l’ or nement, lui savait gré d’av oir pris en
quelque sorte le v oile en se cloîtrant chez elle . Ce b on g oût était p our
elle , plus que p our toute autr e femme , un immense sacrifice . Les grandes
choses sont toujour s si viv ement senties en France , que la princesse r eg
agna p ar sa r etraite tout ce qu’ elle avait pu p erdr e dans l’ opinion publique
au milieu de ses splendeur s. Elle ne v o yait plus qu’une seule de ses
anciennes amies, la mar quise d’Esp ard ; encor e n’allait-elle ni aux grandes
réunions, ni aux fêtes. La princesse et la mar quise se visitaient dans la
pr emièr e matiné e , et comme en se cr et. and la princesse v enait dîner
chez son amie , la mar quise fer mait sa p orte . Madame d’Esp ard fut
admirable p our la princesse : elle chang e a de log e aux Italiens, et quia les
Pr emièr es p our une Baignoir e du Rez-de-chaussé e , en sorte que madame
de Cadignan p ouvait v enir au théâtr e sans êtr e v ue , et en p artir incognito .
Peu de femmes eussent été cap ables d’une délicatesse qui les eût privé es
du plaisir de traîner à leur suite une ancienne rivale tombé e , de s’ en dir e
la bienfaitrice . Disp ensé e ainsi de fair e des toilees r uineuses, la
princesse allait en se cr et dans la v oitur e de la mar quise , qu’ elle n’ eût p as
accepté e publiquement. Per sonne n’a jamais su les raisons qu’ eut madame
d’Esp ard p our se conduir e ainsi av e c la princesse de Cadignan ; mais sa
conduite fut sublime , et comp orta p endant longtemps un monde de p
etites choses qui, v ues une à une , semblent êtr e des niaiseries, et qui, v ues
en masse , aeignent au gig antesque .
En 1832, tr ois anné es avaient jeté leur s tas de neig e sur les av entur es
de la duchesse de Maufrigneuse , et l’avaient si bien blanchie qu’il fallait
de grands efforts de mémoir e p our se rapp eler les cir constances grav es de
sa vie antérieur e . D e cee r eine adoré e p ar tant de courtisans, et dont les
légèr etés p ouvaient défray er plusieur s r omans, il r estait une femme
encor e délicieusement b elle , âg é e de tr ente-six ans, mais autorisé e à ne s’ en
donner que tr ente , quoiqu’ elle fût mèr e du duc Ge or g es de Maufrigneuse ,
3Les se cr e ts de la princesse de Cadignan Chapitr e
jeune homme de dix-neuf ans, b e au comme Antinoüs, p auv r e comme Job ,
qui de vait av oir les plus grands succès, et que sa mèr e v oulait avant tout
marier richement. Peut-êtr e ce pr ojet était-il le se cr et de l’intimité dans
laquelle elle r estait av e c la mar quise , dont le salon p asse p our le pr emier
de Paris, et où elle p ouvait un jour choisir p ar mi les héritièr es une femme
p our Ge or g es. La princesse v o yait encor e cinq anné es entr e le moment
présent et l’ép o que du mariag e de son fils ; des ann