1857 : poèmes et contre-poèmes - article ; n°1 ; vol.41, pg 285-303
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1989 - Volume 41 - Numéro 1 - Pages 285-303
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1989
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Martine Bercot
1857 : poèmes et contre-poèmes
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1989, N°41. pp. 285-303.
Citer ce document / Cite this document :
Bercot Martine. 1857 : poèmes et contre-poèmes. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1989, N°41.
pp. 285-303.
doi : 10.3406/caief.1989.1720
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1989_num_41_1_17201857 : POÈMES ET CONTRE-POÈMES
Communication de Mme Martine BERCOT
(Reims)
au XL* Congrès de l'Association, le 21 juillet 1988
En 1967, Claude Pichois constatait chez Baudelaire une
remarquable propension à l'auto-imitation : « II ne cesse
pas de s'emprunter à lui-même », écrit-il (1) ; il se para
phrase, se cite sans le dire ou mieux le précise et le justifie,
par exemple dans sa notice de 1863 consacrée à Delacroix,
en ces termes :
Ici, Monsieur, je vous demanderai la permission de me citer
moi-même, car une paraphrase ne vaudrait pas les mots que
j'ai écrits autrefois (2).
Lorsque Baudelaire publie le 24 août 1857, deux mois
après la mise en vente des Fleurs du Mal, L'Invitation au
voyage en prose, est-ce qu'il se paraphrase ? Est-ce un
cas d'auto-imitation imputable à l'inspiration avare que
Claude Pichois dénonce chez Baudelaire ? Une tradition
critique incline à le penser et accrédite le terme de doublet
pour désigner le poème en prose et, plus généralement,
ceux des poèmes en prose qui rappellent, par leur titre
ou leurs thèmes, des poèmes des Fleurs du Mal. Dans
une note afférente à L'Invitation au voyage en vers,
(1) Etudes et témoignages, « Baudelaire ou la difficulté créatrice », Neuchâtel,
La Baconnière, 1967, p. 246.
(2) Cité ibid., p. 248. MARTINE BERCOT 286
Claude Pichois indique que « Baudelaire en reprendra les
thèmes dans le doublet en prose » (3). Le poème en prose
paraît généralement développer le poème en vers. Ainsi,
Antoine Adam considère que le en prose « déve
loppe les thèmes exposés dans l'œuvre en vers » (4). Pour
Benoit Chérix, « le poète s'est exprimé plus explicitement
dans un poème en prose portant le même titre que la
pièce des Fleurs du Mal et dont le texte éclaire cette der
nière en en précisant les contours » (5). Pour Georges
Blin, « La prose, nettement postérieure à la Fleur dont
elle est la réplique et le développement, rend un son inf
iniment moins pur et moins musical » (6), et il souligne
les « considérations d'ordre moral ou pratique » qui la
« tirent vers l'exposition d'idées ». Quant à Suzanne Ber
nard, elle voit dans le poème en prose un « commentaire »
du poème en vers, où elle déplore les « éléments étrangers »
qui « gênent la cristallisation poétique » (7). En somme,
le poème en prose redouble le poème en vers en le déve
'
loppant et la doublure ne vaut pas le modèle.
Qu'en est-il des autres « Poèmes nocturnes » publiés le
24 août 1857 dans Le Présent ? Outre Le Crépuscule du
soir et La Solitude — déjà parus en 1855 et que nous
écarterons ici — , trois poèmes y précèdent L'Invitation
au voyage : Les Projets, l'Horloge et La Chevelure. C'est
seulement le 20 mai 1859 dans la Revue Française et le
15 octobre 1860 dans L'Artiste que paraîtront respect
ivement La Chevelure et L'Horloge en vers, poèmes tous
deux repris dans la seconde édition des Fleurs du Mal en
1861. Rétrospectivement, les deux poèmes en prose se
trouveront aussi placés sous le signe de la ressemblance.
On débat encore pour décider lequel des deux poèmes
(3) Baudelaire, Œuvres complètes, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade »,
1975, tome 1, p. 929.
(4)Les Fleurs du Mal, Garnier, 1961, voir p. 340-341.
(5) Commentaire des du Mal, Genève, Cailler, 1949, p. 201.
(6) Us Fleurs du Mal, José Corti, 1942.
(7) Le poème en prose de Baudelaire jusqu'à nos jours, Nizet, 19S9, p. 144-145. 1857 : POÈMES ET CONTRE-POÈMES 287
intitulés La Chevelure a été composé le premier. Baudelaire
a-t-il « déversifié » le poème en vers, selon une pratique
chez lui attestée antérieurement ? Ou bien, comme l'écrit
Claude Pichois, « repart-il d'éléments déjà destinés à la
poésie en vers » pour composer à partir du poème en
prose le poème en vers que nous connaissons (8) ? En
tout cas, le « doublet » (9) est toujours du côté du poème
en prose. C'est toujours lui qui, selon le terme de Georges
Blin, « fait la réplique » (10). Et si L'Horloge échappe à
cette étiquette, c'est que les deux poèmes homonymes
paraissent n'avoir en commun que leur titre. Enfin Les
Projets n'ayant pas d'homonyme parmi Les Fleurs du
Mal, l'exégèse n'y discerne que des motifs communs à
certains poèmes en vers.
En fait, le succès des Fleurs du Mal et la durable tradi
tion qui reconnaît dans la versification la marque de la
poésie expliquent qu'en cas de ressemblance, le poème en
vers paraisse toujours l'original. Et le fait que l'édition de
référence soit la seconde, celle de 1861, estompe aux yeux
de la postérité la concurrence que se font en 1857 poèmes
en vers et poèmes en prose. Pourtant, la chronologie de
publication des poèmes inspire moins l'idée d'une imitation
à sens unique que celle d'une alternance ou d'un parallé
lisme, en quelque sorte écriture double, que Baudel
aire contribue à étayer, lorsqu'il écrit à Alphonse de
Calonne, le 10 novembre 1858, qu'entreprendre à la fois
Les Peintres qui pensent, les Poèmes nocturnes et les
« Nouvelles Fleurs du Mal », « c'est une méthode ».
Cette méthode, si c'en est une, ou au moins cette pra
tique, n'est pas précisément neuve en 1858. Robert Kopp
le montre dans l'introduction à son édition des Petits
Poèmes en prose (11) en répertoriant les exemples anté
rieurs de « déversification » de poèmes en vers et de versi-
(8) Œuvres complètes, éd. cit., voir p. 1322.
(9) Voir Ibid, p. 1321.
(10)éd. cit., p. 335.
(11) Edition José Corti, 1969. " MARTINE BERCOT 288
fication de textes en prose. Mais la condamnation de
l'auteur des Fleurs du Mal, le 20 août 1857, lui en impose
de facto l'exercice en le conduisant à refaire son livre.
Deux projets coexistent alors : faire les Poèmes nocturnes
et refaire les Fleurs du Mal dont on peut douter que
Baudelaire, s'il eût été acquitté comme Flaubert six mois
plus tôt, les eût incontinent remises sur le chantier. Se
référant notamment aux termes de la lettre adressée par
Baudelaire à sa mère le 19 février 1858 (12), Jean Pommier
écrivait en 1968 : « A trente-six ans, il se débarrasse enfin
de ce recueil qu'il a depuis si longtemps sur les bras. Au
moment où il remet son manuscrit (13), il semble bien
comprendre Les Fleurs dans cet ensemble de vieilleries
dont il aspire à se délivrer ». Et il ajoute : « II ne se
soucie point de composer des vers nouveaux. Il estime,
comme il le dira plus tard, le sujet épuisé, l'ornière déf
initivement creusée. Il veut faire peau neuve ; en finir avec
le troisième volume des traductions de Poe, avec ses
Curiosités esthétiques. Une autre idée lui sourit : faire
passer en français un ouvrage de Thomas de Quincey (Le
Mangeur d'opium). Et dès à présent, voici la prose des
Poèmes nocturnes (premier titre des poèmes en dont
six ont paru en revue — fait symbolique — juste deux
mois après la publication du livre de vers) » (14). Le fait
est que la d'août répond à un projet, mentionné
le 25 avril 1857. Baudelaire s'est sans doute attiré les
foudres de Poulet-Malassis — par ses retards ou la minutie
des corrections apportées à ses Fleurs du Mal — et il lui
écrit : « Je comptais vous demander un nouveau service
(les Poèmes nocturnes qui seront faits après les
(12) Baudelaire, Correspondance, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade »,
1973, tome 1, p. 451.

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