N e forçons point noſtre talent ; Nous ne ferions rien avec grace. Jamais un lourdaut, quoy qu’il faſſe, Ne ſçauroit paſſer pour galant. Peu de gens que le Ciel cherit & gratifie, Ont le don d’agréer infus avec la vie. C’eſtun point qu’il leur faut laiſſer ; Et ne pas reſſembler à l’Aſne de la Fable, Qui,pour ſe rendre plus aimable Et plus cher à ſon Maiſtre, alla le careſſer. Comment,diſoit-il en ſon ame, CeChien, parce qu’il eſt mignon, Vivrade pair à compagnon AvecMonſieur, avec Madame, Etj’auray des coups de baſton ? Quefait-il ? il donne la pate, Puisauſſi-toſt il eſt baiſé. S’il en faut faire autant afin que l’on me flate, Celan’eſt pas bien mal-aiſé. Danscette admirable penſée, Voyant ſon Maiſtre en joye, il s’en vient lourdement, Leveune corne toute uſée ; La luy porte au menton fort amoureuſement. Non ſans accompagner, pour plus grand ornement De ſon chant gracieux cette action hardie. Oh oh ! quelle careſſe, & quelle melodie ! Dit le Maiſtre auſſi-toſt. Holà, Martin bâton. Martin bâton accourt ; l’Aſne change de ton. Ainſifinit la Comedie.
V. L’Aſne & le petit Chien.
Fables de La Fontaine: Barbin & Thierry | Georges Couton