Du badin médiéval au naïf de la comédie du XVIIe siècle - article ; n°1 ; vol.26, pg 61-76
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1974 - Volume 26 - Numéro 1 - Pages 61-76
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1974
Nombre de lectures 82
Langue Français

Extrait

Professeur Charles Mazouer
Du badin médiéval au naïf de la comédie du XVIIe siècle
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1974, N°26. pp. 61-76.
Citer ce document / Cite this document :
Mazouer Charles. Du badin médiéval au naïf de la comédie du XVIIe siècle. In: Cahiers de l'Association internationale des
études francaises, 1974, N°26. pp. 61-76.
doi : 10.3406/caief.1974.1051
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1974_num_26_1_1051DU BADIN MÉDIÉVAL
AU NAIF DE LA COMÉDIE DU XVIIe SIÈCLE
Communication de M. Charles MAZOUER
[Bordeaux]
au XXVe Congrès de l'Association, le 25 juillet 1973.
Le badin ? C'est celui qui reste bouche bée, qui regarde
bouche béante (du provençal badar) ; bref le niais. Mais
quelle réalité cette appellation recouvre-t-elle dans notre
théâtre médiéval ? Avec l'extension la plus large (assez
rare) : tout acteur dans une pièce comique. Cela nous
mène à une réponse plus générale et plus vraie : le badin,
avant tout acteur, représente un emploi, tenu, aux dires
de Marot [Éftitafthe de Jean Serre) ou de Rabelais [Tiers
Livre, chap. XXXVII), par l'acteur le plus habile et le
plus expérimenté de la bande comique. Caractérisé par
son accoutrement, sa souplesse physique (1), le badin
l'est aussi par la teneur de ses propos et certains traits de
caractère, qui se retrouvent de pièce en pièce. C'est-à-dire
que, pour l'historien de la littérature dramatique, le badin
est un personnage dramatique. Apparaissant dans plusieurs
genres du théâtre médiéval (y compris dans les mystères),
le badin se dépense particulièrement nos farces.
Plus précisément, les traits de ce personnage dramatique
se repèrent vite : « un imbécile dont les propos niais et
les actions stupides mettent en joie un public peu exi
geant », écrit M. Lebègue (2). Mais cette niaiserie, cette
(1) Aspects étudiés par Michel Rousse.
(2) Le théâtre comique en France de « Pathelin » à « Mélite », Paris,
Hatier, 1972, p. 33. CHARLES MAZOUER 62
naïveté souvent, font problème. Outre que le badin peut
n'être point cet imbécile, il arrive souvent que la limite
soit difficile à tracer rigoureusement entre la vraie et la
feinte niaiserie, entre la naïveté certaine et celle qui est
simplement jouée.
Quoi qu'il en soit de cette ambiguïté constitutive du
rôle de badin, notre personnage — qu'on définirait encore
plus justement par sa spontanéité naturelle, sa pétulante
jeunesse, sa fantaisie (sa conduite marque nettement la
prédominance de ce que la psychanalyse classique appelle
le principe de plaisir) — notre personnage, bien représenté
au Moyen Age, semble disparaître avec les bandes comiques
du xvie siècle. En fait, si l'emploi disparaît, les traits du
personnage dramatique se retrouveront, jusqu'en 1660,
chez certains personnages de Naïfs.
* * *
Le badin de la farce va nous révéler la difficulté : tantôt
parfaitement lucide et astucieux, tantôt vraiment naïf et
niais, ce personnage finit par se définir comme celui qui
tient le rôle de l'idiot.
Déroutants d'abord, les badins exempts de toute sottise.
Celui du Rapporteur s'amuse à semer la division et la
zizanie dans un ménage, puis entre la femme et sa voisine.
Prenant chacun séparément, il distille les calomnies néces
saires pour provoquer les affrontements. Comme il joue,
et comme il est fier !
Voyla assez beau jeu pour rire,
Vous veres tantost la bataille
De femme par dessus la paille.
Mon Dieu, quel deduict se sera.
Mauldict soit-il qui se feindra
De frapper (...)
Je les ay faictes couroucer,
Par mon serment j'en suys joyeulx (3).
(3) № 30 du Recueil de Le Roux de Lincy et Fr. Michel, t. 2, p. 17 BADIN MÉDIÉVAL AU NAÏF DE LA COMÉDIE 63 DU
Et, quand la mêlée sera devenue générale, il encouragera
chacun à la bagarre : « Dessus, dessus, poussés, compere. »
Certes, il n'avait pas prévu que ses victimes s'uniraient
in fine pour le punir ; mais aucune niaiserie. Une fantaisie,
plutôt, qui confine au cynisme. D'autres badins sont de
gais lurons. Jehan de Lagny (Jehan de Lagny et M es sire
Jehan) aime beaucoup les belles, et sait les abuser en leur
promettant le mariage ; une ruse tissée contre lui échoue :
Don Juan victorieux, il continuera de promener son insou
ciant instinct, en chantant :
C'est a ce joly moys de may
Qui toutes herbes renouvelle,
Et vous presenteray les belles,
Entièrement le cœur de moy (4).
Oudin est marié ( Galant qui a fait le coup) , mais à une
sotte qui quitte le ménage pour un pèlerinage. En l'absence
de Crespinette, il engrosse sa servante. Mais la pieuse
chrétienne revient, à laquelle on va faire croire qu'Oudin
est « enceint », et ne peut se délivrer qu'en passant son mal
à la servante ! La niaiserie est toute du côté de l'épouse,
et le badin se montre un fin trompeur :
Vous estes des rusés le choys,
Tant en finesse qu'en malice (5).
Dans ces trois exemples, aucune niaiserie, aucune naïveté
du badin. On aura par contre relevé au passage des traits
du rôle : puissance de l'instinct (spécialement de l'instinct
amoureux), plaisir du jeu, de la fantaisie.
Infiniment plus nombreux, parmi les badins, sont les
véritables naïfs, à la fois niais et proches de la nature. Car
le badin est multiforme, et se glisse dans divers états
sociaux : il peut prendre la défroque du valet, mais aussi
celle de jeunes sots ou d'écoliers ; il sera tour à tour gars
de la campagne ou mari. Ses noms sont divers, et parfois
(4) Ibid., n° 31, p. 13.
(5) In Choix de farces... de Mabille, t. 1, p. 240, vv. 265-6. CHARLES MAZOUER 64
il n'est pas explicitement désigné comme badin. Mais on
le reconnaît vite à ses comportements caractéristiques, qui
sont souvent conduites typiques de Naïfs. Proche de la
nature, il accorde une grande importance aux fonctions
naturelles. Gourmand, son souci pressant est de manger
et de boire. Que sait faire Jeninot chez ses maîtres (farce
de Jeninot) ? Il le déclare sans ambage :
Je sçay bien abiller à boire,
Autant au soir comme au matin (...)
Quand je tiens une tartelette,
Un flanet, ou un cassemuzeau,
Je le fourre soubz mon museau
Aussi bien qu'homme de ville (6).
Pour la sensualité, le Robinet de la Veuve la dit sans reculer
devant les expressions les plus crues. Dès que la veuve
propose le mariage à son valet, Robinet bondit de joie :
Vertu sainct Gris !
Que vous tinsai-je de mes gris [= griffes]
Acollee dans un beau lict !
Mais venons à la niaiserie des badins. Les exemples abon
dent. Suivons Jaquet, le badin de M es sire Jehan. Amené
à faire l'entremetteur entre sa mère et Messire Jehan, il
multiplie les maladresses et les niaiseries. Il monnaye
ses services (sous forme d'un festin), mais sans discrétion.
Ce dialogue fait couler des sueurs froides à l'amant Messire
Jehan :
Le badin. — Mon serment, el [= ma mère] vous
ayme mieulx
Que mon pere, je le sçay bien.
Messire Jehan. — Taises vous.
Le badin. — Je n'en diray rien
A mon pere. Ne vous en chaille ;
Car mon pere poinct ne me baille
Du vin a boyre comme vous.
Messire Jehan. — Et qu'esse icy ? Vous teres-vous ?
Le badin. — Et comment donc ? qu'esse qui
m'ot (7) ?
(6) In Ancien Théâtre François, t. i, p. 291.
(7) In Le Roux, op. cit., t. 2, n° 29, p. 5-6. DU BADIN MÉDIÉVAL AU NAÏF DE LA COMÉDIE 65
Et le badin de claironner partout :
Car messire Jehan s'en vient coucher
Ceste nuict avecques ma mere,
Et s'y n'en sera rien mon pere.
Escoute ! hay ! ma mere, haut (8).
Bref, comme tous les badins, Jaquet ignore ce qu'il faut
taire, les questions qu'il ne faut pas poser (9). A relire
de tels exemples de niaiserie, on est sensible à un dernier
caractère des badins, qui sont des êtres de fantaisie.
Êtres de rêve plus que de réalité, ils construisent volont
iers d'improbables chimères. Colinet (Mari jaloux) se
voit homme notable (grand seigneur ou évêque !) au
moment où il entre en condition ; Mimin se fait des ill
usions sur ses capacités intellectuelles (Maître Mimin
étudiant), ou guerrières (Mimin qui va à l

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