Alexandre Dumas
LE CAPITAINE PAMPHILE
(1840)
Édition du groupe « Ebooks libres et gratuits » Table des matières
PRÉFACE ..................................................................................5
Chapitre I Introduction à l'aide de laquelle le lecteur fera
connaissance avec les principaux personnages de cette
histoire et l'auteur qui l'a écrite. ..............................................6
erChapitre II Comment Jacques I voua une haine féroce à
Tom, et cela à propos d'une carotte....................................... 17
Chapitre III Comment mademoiselle Camargo tomba en la
possession de M. Decamps. ....................................................23
Chapitre IV Comment le capitaine Pamphile, commandant
le brick de commerce la Roxelane fit, sur le bord de la
rivière Bango, une meilleure chasse que n'avait fait
Alexandre Decamps, dans la plaine Saint-Denis..................35
erChapitre V Comment Jacques I fut arraché des bras de sa
mère expirante et porté à bord du brick de commerce la
Roxelane (capitaine Pamphile)..............................................44
erChapitre VI commença par plumer
des poules et finit par plumer un perroquet..........................56
Chapitre VII Comment Tom embrassa la fille de la
portière, qui montait de la crème, et quelle décision fut
prise à propos de cet événement............................................67
Chapitre VIII Comment Tom démit le poignet d'un garde
municipal, et d'où venait la frayeur que lui inspirait cette
respectable milice. ..................................................................75
Chapitre IX Comment le capitaine Pamphile apaisa une
sédition à bord du brick la Roxelane, et de ce qui s'ensuivit.92 Chapitre X Comment le capitaine Pamphile, croyant
aborder sur une île, aborda sur une baleine, et devint le
serviteur du Serpent-Noir....................................................102
Chapitre XI Comment le capitaine Pamphile remonta le
fleuve Saint-Laurent pendant cinq journées, et échappa au
Serpent-Noir vers la fin de la sixième. .................................113
Chapitre XII Comment le capitaine Pamphile passa deux
nuits fort agitées, l'une sur un arbre, l'autre dans une
hutte. .....................................................................................124
Chapitre XIII Comment le capitaine Pamphile fit la
rencontre de la mère de Tom sur les bords de la rivière
Delawarre, et de ce qui s'ensuivit. ....................................... 144
erChapitre XIV Comment Jacques I , n'ayant pu digérer
l'épingle du papillon, fut atteint d'une perforation de la
péritonite...............................................................................164
Chapitre XV Comment Tony Johannot, n'ayant pas assez
de bois pour passer son hiver, se procura une chatte, et
comment, cette chatte étant morte, Jacques II eut la queue
gelée. ..................................................................................... 174
Chapitre XVI Comment le capitaine Pamphile proposa un
prix de deux mille francs et la croix de la Légion d'honneur,
afin de savoir si le nom de Jeanne d'Arc s'écrivait par un Q
ou par un K. .......................................................................... 187
Chapitre XVII Comment le capitaine Pamphile, ayant
abordé sur la côte d'Afrique, au lieu d'un chargement
d'ivoire qu'il venait y chercher, fut forcé de prendre une
partie de bois d'ébène. .......................................................... 193
Chapitre XVIII Comment le capitaine Pamphile, s'étant
défait avantageusement de sa cargaison de bois d'ébène à
la Martinique, et de son alcool aux grandes Antilles,
retrouva son ancien ami le Serpent-Noir cacique des
– 3 – Mosquitos, et acheta son caciquat pour une demi-pipe
d'eau-de-vie. ........................................................................ 209
Chapitre XIX Comment le cacique des Mosquitos donna
une constitution à son peuple, pour se faciliter un emprunt
de douze millions. .................................................................219
Conclusion ............................................................................232
Pièces justificatives ...............................................................234
À propos de cette édition électronique.................................246
– 4 – PRÉFACE
Résumé :
Ce récit plein de fantaisie, écrit en 1840, mêle histoires
d’animaux et aventures maritimes. Avec une dose de satire
sociale aux dépens du régime de Louis-Philippe.
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Commentaires :
Ce roman trop oublié est un chef-d'œuvre unique chez
Dumas. Il aurait pu être signé de Sterne, ou de Swift : c'est dans
leur ton qu'il évoque la traite des noirs. Le récit est plein de
gaieté et de verve, de burlesque parodique : on y trouve les
grandes scènes du roman d'aventures, la prise du navire
marchand, la mutinerie à bord, l'Amérique de Fenimore
Cooper. Les personnages sont empruntés à la tradition
comique : l'Anglais en proie au spleen, le trompeur, le
gourmand, le niais, le chef indien. C'est aussi une œuvre
sombre : une suite de morts, animaux massacrés, esclaves tués
en route, immigrants anglais décimés par la maladie, indigènes
exterminés. Le héros, Pamphile, incarne la société commerçante
et pharisienne dans laquelle l'artiste est condamné à vivre. C'est
le monde de Monte-Cristo sans le comte.
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– 5 – Chapitre I
Introduction à l'aide de laquelle le lecteur fera
connaissance avec les principaux personnages de
cette histoire et l'auteur qui l'a écrite.
Je passais, en 1831, devant la porte de Chevet, lorsque
j'aperçus, dans la boutique, un Anglais qui tournait et retournait
en tous sens une tortue qu'il marchandait avec l'intention d'en
faire, aussitôt qu'elle serait devenue sa propriété, une turtle
soup.
L'air de résignation profonde avec lequel le pauvre animal
se laissait examiner, sans même essayer de se soustraire en
rentrant dans son écaille, au regard cruellement gastronomique
de son ennemi, me toucha. Il me prit une envie soudaine de
l'arracher à la marmite, dans laquelle étaient déjà plongées ses
pattes de derrière ; j'entrai dans le magasin, où j'étais fort connu
à cette époque, et, faisant un signe de l'œil à madame Beauvais,
je lui demandai si elle m'avait conservé la tortue que j'avais
retenue, la veille, en passant.
Madame Beauvais me comprit avec cette soudaineté
d'intelligence qui distingue la classe marchande parisienne, et,
faisant glisser poliment la bête des mains du marchandeur, elle
la remit entre les miennes, en disant, avec un accent anglais très
prononcé, à notre insulaire, qui la regardait la bouche béante :
– Pardon, milord, la petite tortue, il être vendue à
monsieur depuis ce matin.
– 6 – – Ah ! me dit en très bon français le milord improvisé, c'est
à vous, monsieur, qu'appartient cette charmante bête ?
– Yes, yes, milord, répondit madame Beauvais.
– Eh bien, monsieur, continua-t-il, vous avez là un petit
animal qui fera d'excellente soupe ; je n'ai qu'un regret, c'est
qu'il soit le seul de son espèce que possède en ce moment
madame la marchande.
– Nous have la espoir d'en recevoir d'autres demain matin,
répondit madame Beauvais.
– Demain, il sera trop tard, répondit froidement l'Anglais ;
j'ai arrangé toutes mes affaires pour me brûler la cervelle cette
nuit, et je désirais, auparavant, manger une soupe à la tortue.
En disant ces mots, il me salua et sortit.
– Pardieu ! me dis-je après un moment de réflexion, c'est
bien le moins qu'un aussi galant homme se passe un dernier
caprice.
Et je m'élançai hors du magasin en criant, comme madame
Beauvais :
– Milord ! milord !
Mais je ne savais pas où milord était passé ; il me fut
impossible de mettre la main dessus.
Je revins chez moi tout pensif : mon humanité envers une
bête était devenue une inhumanité envers un homme. La
singulière machine que ce monde, où l'on ne peut faire le bien
de l'un sans le mal de l'autre ! Je gagnai la rue de l'Université, je
– 7 – montai mes trois étages, et je déposai mon acquisition sur le
tapis.
C'était tout bonnement une tortue de l'espèce la plus
commune : testudo lutaria, sive aquarum dulcium ; ce qui veut
dire, selon Linné chez les anciens, et selon Ray chez les
modernes, tortue de marais ou tortue d'eau douce.
Or, la tortue de marais ou la tortue d'eau douce tient à peu
près, dans l'ordre social des chéloniens, le rang correspondant à
celui que tiennent chez nous, dans l'ordre civil, les épiciers, et,
dans l'ordre militaire, la garde nationale.
C'était bien, du reste, le plus singulier corps de tortue qui
eût jamais passé les quatre pattes, la tête et la queue par les
ouvertures d'une carapace. À peine se sentit-elle sur le plancher,
qu'elle me donna une preuve de son originalité en piquant droit
vers la cheminée avec une rapidité qui lui valut à l'instant même
le nom de Gazelle, en faisant tous ses efforts pour passer entre
les branches du garde-cendre, afin d'arriver jusqu'au feu, dont
la lueur l'attirait ; enfin, voyant, au bout d'une heure, que ce
qu'elle désirait était impossible, elle prit le parti de s'endormir,
après avoir préalablement passé sa tête et ses pattes par l'une
des ouvertures les plus rapprochées du foyer, choisissant ainsi,
pour son plaisir particulier, une température de cinquante à
cinquante-cinq degrés de chaleur, à peu près ; ce qui me fit
croire que, soit vocation, soit fatalité, elle était destinée à être
rôtie un jour ou l'autre, et que je n'avais fait que changer son
mode de cuisson en la retirant du pot-au-feu de mon Anglais
pour la transporter dans ma chambre. La suite de cette histoire
prouvera que je ne m'étais pas trompé.
Comme j'étais obligé de sortir et que je craignais qu'il
n'arrivât malheur à Gazelle, j'appelai mon domestique.
– 8 – – Jose