« Funus acerbum » - article ; n°1 ; vol.11, pg 73-89
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Description

Publications de l'École française de Rome - Année 1972 - Volume 11 - Numéro 1 - Pages 73-89
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1972
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

« Funus acerbum »
In: Etudes sur la religion romaine. Rome : École Française de Rome, 1972. pp. 73-89. (Publications de l'École
française de Rome, 11)
Citer ce document / Cite this document :
Boyancé Pierre.« Funus acerbum ». In: Etudes sur la religion romaine. Rome : École Française de Rome, 1972. pp. 73-89.
(Publications de l'École française de Rome, 11)
http://www.persee.fr/web/ouvrages/home/prescript/article/efr_0000-0000_1972_ant_11_1_1533ACERBUM * FUNUS
Les études de symbolique funéraire ont reçu des travaux de Franz 275
Cumont une impulsion qui n'est pas près de s'évanouir. Mais leur suc
cès même comporte quelque danger. Je crains fort qu'on ne se départ
isse parfois de la prudence dont il nous a donné l'exemple et que, s'au-
torisant du succès de nombre de ses recherches, on n'aille un peu à l'aven
ture en un domaine dont pourtant nous ne devrions jamais oublier les
périls. Or, si Franz Cumont nous a donné une leçon, c'est bien celle de
ne jamais séparer les textes des monuments figurés. Quand ceux-là nous
font défaut complètement, il est bien rare qu'on puisse atteindre des
conclusions assurées. Là même où ils existent, il reste fort délicat de les
manier. La question que je veux traiter ici paraît présenter ce premier
intérêt que la liaison étroite dont je parle et qui est partout nécessaire
s'y fait avec une relative rigueur.
Le second intérêt est qu'on y peut saisir une continuité entre un
rite, son ou plutôt ses interprétations dans le mythe littéraire et enfin
dans les monuments figurés. Un troisième intérêt est que ce rite est
un rite qui semble assez spécifiquement romain et que les représenta
tions mythiques qui l'illustrent sont, au contraire, foncièrement hellé
nisées. Nous y saisissons sur le vif une interpénétration, dont on n'a
pas tellement d'occasions d'avoir des exemples précis.
Franz Cumont s'était spécialement attaché à des croyances qui
avaient avant lui retenu l'attention, notamment d'Erwin Eohde, de
Salomon Eeinach et d'Eduard Xorden, et qui concernent les morts avant
l'âge, ceux que le grec appelle des άωροι (*). On sait que les enfers vir-
giliens leur donnent une place toute particulière (2). Partant de là, Cu
mont a retracé, dans une conférence destinée aux élèves de l'Ecole nor
male, tout l'ensemble d'idées qui touche à ces morts prématurés et il-
* BEA, LIV, 1952, p. 275-289.
i1) Erwin Eohde, Psyche, trad, française d'A. Reymond, Paris, 1928, p. 611
et suiv.; Salomon Reinach, dans V Archiv für Religionswissenschaft, IX (1906), p. 312;
Eduard Xorden, Aeneis VI Buch, 3e éd., 1926, p. 11.
(2) Enéide, eh. VI, v. 426 et suiv. 74 ÉTUDES SUR LA RELIGION ROMAINE
276 lustré ce qui, en elles, viendrait de l'Orient et de l'astrologie i1). Il lui
a par malheur échappé qu'il y avait à Eome même un rite concernant
ces άωροι. Ce rite nous est bien attesté d'une part par Sénèque, d'autre
part par Virgile et le commentaire de Virgile par Servius (2). Ce dernier
commentaire, Virgile lui-même nous proposent, en outre, quelques don
nées relatives à son origine et à son interprétation.
Sénèque l'a mentionné à plusieurs reprises: deux fois, d'abord, chose
curieuse, de façon indirecte, non pour lui-même, mais comme un terme
de comparaison. Et c'est là, disons-le en passant, un fait psychologique,
dont nous aurons tout à l'heure à faire état. Dans le De breuitate uitae,
Sénèque se plaint que jusqu'à notre mort nous laissions les vaines oc
cupations accaparer notre vie, que nous ne vivions pas vraiment. Π
parle de ceux qui travaillent même à ce qui est au delà de la mort, qui
songent à se construire des tombeaux ambitieux et à se procurer des
honneurs funéraires. « Pourtant, par Hercule, les obsèques de ces gens-là
devraient être menées, comme s'ils avaient très peu vécu, à la lueur des
torches et des cierges » (At méhercules istoruni funera, tamqiiam min
imum uixerint, ad faces et cereos ducendo, sunt, X, 20, 5). Dans les Lettres
à Lucilius, il est question de ces voluptueux qui ne vivent que la nuit,
qui font de la nuit le jour: « Ces gens-là, à mes yeux, sont comme des
trépassés; quelle faible différence, en effet, les sépare de funérailles, et
même de funérailles prématurées, eux qui vivent à la lumière de tor
ches et de cierges? » (Isti uero mïhi defunctorum loco sunt. Quantulutn
enim a funere absunt et guidem acerbo, qui ad faces et cereos uiuunti 122,
10). Dans le Be tranquiïlitate animi, enfin, les obsèques des personnes
mortes avant l'âge sont évoquées parmi les faits qui devraient nous rap
peler sans cesse combien notre vie est précaire et menacée: « Tant de
fois, passant devant notre porte, la torche et le cierge ont précédé les
obsèques de gens morts avant le temps » (Totiens praeter Urnen imma-
turas exequias fax cereusque pr accessit, XI, 11, 7). Sénèque nous apprend
donc que le funus acerbuin, les immaturae exequiae — expressions abso
lument synonymes pour désigner les funérailles des gens morts avant
l'heure, des άωροι — étaient à Eome précédés de torches et de cierges.
277 Les passages où ce rite est utilisé à titre de comparaison nous enseignent,
(!) Virgile et les morts prématurés, Publications de l'Ecole normale supérieure,
II, 1945, p. 121-152. Ce mémoire, complété par des notes, forme le chapitre VII de
Lux perpetua, Paris, 1949, p. 303 et suiv.
(2) Cf. Ed. Cuq, article Funus du Dictionnaire des antiquités, p. 1390, col. 1. « FUNUS ACEKBUM » 75
en outre, qu'il est en quelque sorte caractéristique, qu'il évoque à lui
seul, qu'il symbolise l'idée d'une mort prématurée.
Virgile nous a décrit dans des vers célèbres l'un de ces cortèges fu
néraires, en le rapportant aux origines de l'histoire romaine. Il s'agit
des obsèques de Pallas, fils d'Evandre: « Et déjà la renommée, qui s'en
vole messagère d'un si grand deuil, emplit l'esprit d'Evandre, les mai
sons et les remparts d'Evandre, elle qui naguère annonçait au Latium
les victoires de Pallas. Les Arcadiens se précipitent vers les portes de
la ville et, selon l'usage antique, ils ont saisi les torches funèbres; la route
est éclairée de la longue file des flammes et dessine au loin sa ligne dans
la campagne ».
Et iam fama uolans, tanti praenuntia luctus,
Euandrum Euandrique domos et moenia replet,
quae modo uictorem Latio Pallanta ferebat.
Arcades ad portas ruer e , et de more uetusto
funereas rapuere faces', lucet tiia longo
ordine flammarum et late discriminât agros.
(En., XI, 139 et suiv.)
En deux passages, le poète a lui-même souligné que Pallas est un
άωρος: Evandre, son vieux père, s'écriera, v. 166-167:
guod si inmatura manebat
mors natum . . .
Et, v. 27-28, ü a été déclaré:
. . . quem. . .
abstulit atra dies et funere mersit acerbo.
La fin de ce dernier vers se trouvera répétée dans nombre d'épi-
taphes d'enfants morts avant l'âge, ce qui en précise bien la portée i1).
On peut soupçonner que Virgile, en décrivant le deuil pour Pallas, a
présent à l'esprit un autre deuil contemporain, dont nous savons com
bien il l'a ému, celui d'un autre prince, fils de roi à sa manière: je veux
parler de Marcellus. En effet, pour un autre prince de la famille
dì Buecheler, ep. 608, renvoie à De Rossi, Inscr. christ. E., II, p. ix, qui a ras
semblé les exemples. Cf. aussi Roman Ilewycz, Über den Einfluss Vergile auf die
Carmina latina epigraphica, Wiener Studien, 1918, p. 144, et 1919, p. 48; R. Latti-
more, Themes in Greek and Latin Epitaphs, Urbana, 1942, p. 187. ■
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76 ÉTUDES SUR LA RELIGION ROMAINE
riale, mort, sinon aussi jeune, du moins, lui aussi, prématurément, pour
Germanicus, Tacite nous montre de même «les torches brillant à tra-
278 vers le Champ de Mars » (Annales, III, 4): collucentes per Campum Martis
faces i1). Et il est très vraisemblable que les Fastes municipaux d'Ostie
attestent le même rite pour les funérailles de Lucius ou de Caius César (2).
Ce qu'on lit au sujet de ce passage du chant XI dans le comment
air

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