George Sand et le Berry - article ; n°1 ; vol.6, pg 193-207
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1954 - Volume 6 - Numéro 1 - Pages 193-207
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1954
Nombre de lectures 70
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Thérèse Mark-Spire
George Sand et le Berry
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1954, N°6. pp. 193-207.
Citer ce document / Cite this document :
Mark-Spire Thérèse. George Sand et le Berry. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1954, N°6. pp.
193-207.
doi : 10.3406/caief.1954.2059
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1954_num_6_1_2059GEORGE SAND ET LE BERRY
Communication de Mme THÉRÈSE MARiX-SPIRE
au Ve congrès de V Assocation, à Paris,
le 4 septembre 1953
Je vous avoue très franchement que si j'étais l'un d'entre vous,
je mettrais tout carrément en travers de ces papiers : zéro, hors du
sujet.
J'avoue aussi — et là je suis sans excuses — que jusqu'à ce
matin, j'ignorais ce qu'était exactement la géographie littéraire.
Et la nature de ma communication s'en approche si peu que je ne
serais certainement pas là sans l'amicale insistance — ou impru
dence — de MM. Chinard, Pommier et Josserand et aussi peut-
être à cause de cette phrase optimiste du bel exposé de ce matin
« la géographie littéraire touche à tout ».
Il y a quelques semaines M. Josserand me priait de vous parler
en vingt minutes de George Sand et du Berry. Soyons franc, il
m'en accordait volontiers le double, soit quarante minutes, pour
exposer les deux tiers de l'œuvre de George Sand, puisqu'il y est
partout question du Berry, qu'elle existerait à peine sans lui —
qu'au moins son œuvre serait radicalement différente et qu'en tout
cas, ce pays aux horizons bleutés et légèrement ondulés, mais en
somme médiocrement beaux, n'aurait pas connu sans elle une r
enommée universelle. ,
D'ailleurs le sujet avait été traité, sans être épuisé, en 1438
pages par Mlle Vincent (I) qui, elle, tout comme M. Jourdain
de la prose, faisait de la géographie littéraire. Elle nous a laissé
des renseignements fort précieux, avec cartes et schémas des lieux
visités par George Sand et exploités dans son œuvre. Dans l'en
semble, elle y constate une extrême précision, puisqu'à quarante-
trois ans de distance, elle a pu retrouver jusqu'au chemin de
traverse que prenait le Champi pour aller retrouver Madeleine
(1) Louise Vincent, George Sand et le Berry, Paris, Champion. 1919, 9
vol. in-8\ — Cf. Id., La Langue et 1-е style de George Sand dans les romans
champêtres, Paris, 10I6, in-8*. 194 GÉOGRAPHIE LITTÉRAIRE
Blanchet (I). D'une façon générale, l'œuvre berrichonne de George
Sand touchant à tout — langue, folklore, musique — , philologues
et musicologues — et je cite les plus justement réputés : Godefroy,
Hatzfeld, Littré, Jaubert, Ch. Bruneau — concluaient dans le
même sens; et le musicologue Tiersot, qui a milité toute sa vie
pour la chanson populaire, la louait hautement d'avoir été une
des toutes premières à comprendre le péril pour nos chansons pro
vinciales qui se perdaient et d'avoir trouvé du premier coup le
remède pour les sauver. Par contre, Г eminent folklór iste Van
Gennep, bien plus sévère, quoiqu'il avoue un peu légèrement
n'avoir lu qu'une toute petite partie de cette œuvre « rebutante »
et semble visiblement agacé de ces miettes folkloriques partout
répandues, nie l'originalité de l'écrivain, suspecte la valeur du
témoignage et surtout — point capital en matière folklorique —
l'origine de la documentation, l'affirme de seconde main, bâtie
sur la bibliothèque de sa grand-mère — et il nomme L'Astrée,
Perrault, Walter Scott, Ossian, Nodier, plus tard, ce félon de
La Villemarqué et Amélie Bosquet (2).
Or, rien de moins exact. Que cette documentation se soit enri
chie toute sa vie d'une façon chaotique et désordonnée, toute sa
culture s'est faite ainsi, mais elle a puisé aux sources authentiques.
Tout l'y portait : son éducation, son tempérament, ses amitiés.
Aussi, renonçant à étudier comment Madame Sand a utilisé
sa province, je me bornerai à essayer de montrer pourquoi elle a
été amenée à réchauffer continuellement son inspiration incon
sciemment d'abord, systématiquement ensuite à la terre berr
ichonne, exploitant ses paysages, ses pierres, sa flore, sa faune,
s'intéressant à la psychologie du paysan, à ses mœurs, à sa langue,
s'acharnant à sauver son folklore de chansons, de danses et de
légendes.
D'abord, elle l'aime ce pays. A Paris, plus tard, tout lui paraî
tra horrible, la boue parisienne lui lève le cœur à côté de cette
belle et bonne berrichonne ! Le café le plus exquis ? 11 st
imule bien moins que le plus indigeste gâteau berrichon, que la
lourde fromentée de la mère Nanette. « J'ai pleuré toute la nuit
dernière, dans ma chambre d'auberge, écrit-elle de l'hôtel de
France en 1837, uniquement par désespoir de ne pas voir le ciel
et de ne pas entendre souffler l'air » (3). Et quatre années plus tôt,
à Venise, une brusque association d'idées accroche « les aigres
il) Cf. L. Vincent, George Sand et le Berry, II, Si-85 et dune façon géné
rale tout le chapitre III.
(-2) A. Van Gennep, George Sand folkloriste, Mercure de France, 1926,
CLXXXVIII, 371-374.
(3) Georsre Sand, Corresvovdavce, 1812-Ш6, Paris, С. Levy, 1S82-1884, 6 vol.
in-18, И, 37. MME MAR1X-SPIRE 195
concerts de chats de la Châtre » (I), et en quelques nuits elle écrit
cette adorable étude de mœurs provinciales: André. Voici quel
ques exemples entre autres de cet amour persistant et tenace pour
sa province.
L'explication par l'hérédité reste à peu près nulle. Un seul
aïeul a des attaches au Berry, mais si légères ! Mlle Vincent a
beau étudier très minutieusement l'installation des Dupin en Berry
depuis le XIe siècle, il n'en reste pas moins vrai que l'arrière-
grand-père et le grand-père de George Sand, ce séduisant
Francueil-Dupin, l'ami de Jean-Jacques, bien que nés l'un et
l'autre à Châteauroux et trouvant dans le Berry prétexte à gain, se
contentent de venir le dilapider follement à l'Hôtel Lambert, à
Paris et à Chenonceaux, où le second surtout mène un train de
prince. Quant aux autres aïeuls, vous connaissez cette extravagante
hérédité où le sang des rois de Pologne vient se mêler au sang
des plus humbles prolétaires parisiens : limonadier et marchands
d'oiseaux. Ne poussons pas plus loin l'indiscrète investigation et
ne retenons pour l'instant que le maître oiseleur, Delaborde, père
de Sophie, la future mère de George Sand. Sophie, la filleule de
Barra, « qui avait un nom illustre dans la partie des oiseaux » dit
Г Histoire de ma vie (2) lui devait son art de les appeler à volonté.
Peu à peu, l'enfant comme sa mère acquerra cette puissance
fascinatrice qui émerveillait ses amis, et dans l'œuvre, à côté des
charmeurs et des charmeuses d'oiseaux, Fadette, Madeleine Mél
èze (Teverino) qui marche à la lettre dans une nuée d'oiseaux.
George Sand fera une place royale à l'oiseau lui-même, « l'être
supérieur de la création » (3).
Là ne se borne pas l'éducation de Sophie Dupin. De sa voix si
douce et si fraîche, elle apprend à Aurore des chansons, mais
surtout lui apprend à regarder, à sentir, à entendre. Voit-elle des
liserons : « Respire-les, conseille la maman, cela sent bon le miel ».
Rencontre-t-elle une eau claire et courante, voit-elle un grand
effet de soleil: « voilà qui est joli, regarde ». Et elle ponctue
toujours par: « il faudra te souvenir », ou « ne l'oublie pas » (4).
Dans le même temps, une petite berrichonne, Ursule Josse, la
nièce de la femme de chambre, son aînée de six mois, troque
avec elle ses jeux, lui apprend le cab, les éûalines et les mélodies
du pays.
. Ceci vaut une explication et un léger retour en arrière. Dupin-
Francueil, le fastueux grand-père de George Sand, deux ans et
demi avant sa mort était venu se fixer au château Raoul, à
(l) l<i., Aiulré, préface de 1И51. pp. 3-4.
(î) Sand, Histoire «ie ma vie, Paris, C. Lévy, l$7tí, 4 vol. in-lá, 1, 15.
(H) Id., ibid.. I. п. — Cf. Comuelo. Pari

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