« Jacques » ou l illusion romanesque - article ; n°1 ; vol.28, pg 315-330
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1976 - Volume 28 - Numéro 1 - Pages 315-330
16 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 54
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

J.-M. Bailbé
« Jacques » ou l'illusion romanesque
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1976, N°28. pp. 315-330.
Citer ce document / Cite this document :
Bailbé J.-M. « Jacques » ou l'illusion romanesque. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1976, N°28.
pp. 315-330.
doi : 10.3406/caief.1976.1124
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1976_num_28_1_1124« JACQUES »
OU L'ILLUSION ROMANESQUE
Communication de M. Joseph-Marc BAILBÉ
{Rouen)
au XXVIIe Congrès de l'Association, le 30 juillet 1975.
« II y a déjà tant de choses impalpables entre deux époux
.... quand ce ne serait que leurs rêves. »
Giraudoux, Intermezzo, II, 3.
« Livre douloureux », au « dénouement désespéré », écrit
G. Sand, dans sa notice de 1853, en rattachant son oeuvre
à Leone Leoni et André, tous deux composés à Venise :
« J'habitais une petitemaison basse, le long d'une étroite rue'
d'eau verte, et pourtant limpide, tout à côté du petit pont
dei Barcaroli. Je ne voyais, je ne connaissais, je ne voulais
voir et connaître quasi personne. J'écrivais beaucoup,
j'avais de longs et paisibles loisirs, je venais d'écrire Jacques
dans cette même petite maison. J'en étais attristée » (1).
En vérité la proximité de l'aventure vénitienne [Jacques
parut le 20 sept. 1834), la correspondance entre Musset et
G. Sand suffiraient à fournir des renseignements précieux,
si la romancière n'avait fermement déclaré à son ancien
amant qu'il n'était pas question pour elle d'utiliser des
(1) G. Sand, André, Paris, M. Lëvy, 1869 (Notice d'avril 1851). Les
références С Lévy, 1928. au texte de G. Sand renvoient à l'édition de Jacques, Paris, JOSEPH-MARC BAILBÉ 3l6
moments de sa vie à des fins littéraires : « Ce n'est l'histoire
d'aucun de nous. Il m'est impossible de parler de moi dans
un livre dans la disposition d'esprit où je suis » (2). D'autre
part, la nature et l'inspiration de ce roman par lettres, qui
ne relate que les faits et sentiments essentiels transformés
et ordonnés par le souvenir, appellent une comparaison
avec les thèmes rousseauistes de la Nouvelle Héloïse, lec
ture favorite des deux écrivains (3). L. F. Benedetto a
choisi cette perspective, dans un article très suggestif,
pour indiquer les liens qui rattachent G. Sand à de telles
dispositions sentimentales (4). Mais faut-il s'en tenir à
cette double approche ? N'y a-t-il pas aussi, dans Jacques,
plus de lucidité qu'on ne le suppose, et une volonté non
avouée de brouiller les pistes et de changer de manière dans
la création littéraire ? Accueilli avec la plus grande hostilité
par les uns, en raison des thèses que l'auteur propose sur
l'amour et le suicide (« Ce roman n'est que ridicule, il aurait
pu être dangereux ») (5), vu avec sympathie par d'autres,
qui reconnaissent qu'il se fait lire de tout le monde, en
raison de l'agrément de certaines pages et du naturel de
l'écrivain, ce roman me paraît être tout entier commandé
(2) G. Sand, Lettre à Musset du 12 mai 1834. La préface de Jacques
(juillet 1834, du Grand St-Bernard), dédiée à M. et Mme A. Fleury,
contenait ces lignes : « Je vous dédie un livre que je vous prie de me
pardonner. Corrigez les pages où j'ai fait parler l'amour conjugal, et
déchirez le dénouement , car grâce à Dieu et à vous-même vous le trou
verez bien invraisemblable. J'ai achevé ce livre au pied d'un glacier ;
vous le lirez auprès d'un bon feu, ou sur l'herbe prmtanière de notre
baraque ».
(3) Musset, Lettre à G. Sand du 10 mai 1833 : « Je lis Werther et la
Nouvelle Héloïse. Je dévore toutes ces folies sublimes dont je me suis
tant moqué. » Sur le rapprochement à faire avec M. de Wolmar, voir
Jacques, p. 95.
(4) L. F. Benedetto, « A propos d'un roman de G. Sand », RHLF,
juillet-sept. 191 1.
(5) F. C, « Jacques, par G. Sand », Revue Européenne, tome 9, 1834,
E. 192. Voir aussi Clément de Ris, Critiques d'art et de littérature, Paris,
•îdier, 1862, p 249 : « En espérant faire passer Jacques pour le type du
sacrifice, Mme Sand me paraît avoir confondu l'exagération avec la gran
deur, et l'impossible avec la rareté ». Et encore Theobald Walsh, G. Sand,
Paris, Hivert, 1837, p. 21 : « Jacques, le plus mauvais et le plus dangereux
en ce qu'il est le mieux fait et le plus clair .. Le mal qu'il contient est
un mal tout pratique et à la portée de chacun. » Voir aussi Lettre de G.
Sand au Rédacteur du Journal de l'Indre, 9 nov. 1835 (à propos de la
moralité de Jacques), répondant aux articles d'Alex, de St-Cbéron dans
ce journal les 17, 21 et 24 oct. 1835. « JACQUES » OU L'ILLUSION ROMANESQUE 317
par un phénomène d'illusion romanesque que je me propose
d'étudier. En effet, le terme d'illusion, employé avec insis
tance et non sans mouvements d'humeur par la romancière
à des moments décisifs (6), rend compte à la fois de la
nature de certains épisodes, de la psychologie des per
sonnages, voire de la méthode que G. Sand utilise en s' élo
ignant des proclamations oratoires habituelles, pour laisser
une part non négligeable au jeu, aux hypothèses, à l'inter
prétation. Ne nous y trompons pas toutefois. G. Sand ne
renonce en rien à ses revendications ; elle ne s'est pas réconc
iliée pour autant avec la société et le mariage, mais sa
lettre à Sosthène de la Rochefoucauld révèle une évolution :
« Vous le trouverez [ ce roman ] peut-être moins impie et
moins immoral que les autres ; mais ne croyez pas que ce
soit une conversion, ce n'est qu'un essai » (7) .
Le roman raconte l'histoire d'un couple, sa formation,
sa lente dégradation, son échec. Fernande, à la sortie du
couvent, est sacrifiée par sa mère à l'ambition d'une riche
alliance avec Jacques, ancien militaire, qui a vingt ans
de plus qu'elle et une plus grande expérience de la vie.
Cet homme « froid, sec et sentant la pipe » cache en réalité
une vive sensibilité. Fernande, après son mariage, à la
suite de circonstances fort romanesques, s'éprend d'Octave
et lui dit son amour. Jacques, inquiet, puis résigné, tire la
leçon de la situation, et bien qu'il soit soutenu par la vive
amitié de Sylvia, se suicide, dans une volonté d'authentic
ité, pour ne pas nuire au bonheur de Fernande (8). Telles
sont les grandes lignes de ce texte qui se développe sur trois
342- (6) Voir notamment pp. 53, 105, 112, 116, 128, 133-4, X4°» 3*9» 32^,
(7) G. Sand à Sosthène de la Rochefoucauld, le 18 juillet 1834 ; voir
aussi p 345, Sylvia à Jacques « Je hais la vie désormais, je la hais encore
plus que tu ne fais, car tu acceptes ton sort et moi je me révolte contre
le ciel et contre les hommes qui l'ont fait ce qu'il est ».
(8) A de Vigny, Journal d'un poète, 20 déc. 1834 : « Si le suicide est
permis, c'est dans l'une de ces situations où un homme est de trop au
milieu d'une famille, et où sa mort rendrait la paix à tous ceux que trouble
sa vie » Voir aussi, Comtesse Merlin, Les Lionnes de Parts, Paris, Amyot,
1845, p. 158 : « Au nombre des plaies de notre époque sont l'apathie, le
dégo t, l'enivrement moral de la jeunesse Obermann, Werther, Lord
Byron ont présenté la vie comme une énigme sans mot dont le develop- 3l8 JOSEPH-MARC BAILBÉ
actes principaux : i) Avant le mariage ; 2) L'arrivée
d'Octave ; 3) Le sacrifice de Jacques.
Le point de départ est fondé sur les illusions et les rêves
romanesques de Fernande : « Je suis si folle que je m'amuse
de tout ». Elle veut se détacher, malgré l'opposition de sa
mère et de son amie Constance, de toutes les conventions
sociales qui altèrent le mariage, « barbare institution ».
Elle souhaite être enlevée par un héros, brave et généreux,
dans une sorte de conte de fées : « J'ai dormi dans ma cage
et j'ai fait des songes dorés ». Sa douceur, sa naïveté, son
manque de pénétration 

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