Jules Janin, témoin du théâtre romantique - article ; n°1 ; vol.35, pg 155-168
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1983 - Volume 35 - Numéro 1 - Pages 155-168
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1983
Nombre de lectures 29
Langue Français

Extrait

Jacques Landrin
Jules Janin, témoin du théâtre romantique
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1983, N°35. pp. 155-168.
Citer ce document / Cite this document :
Landrin Jacques. Jules Janin, témoin du théâtre romantique. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises,
1983, N°35. pp. 155-168.
doi : 10.3406/caief.1983.2409
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1983_num_35_1_2409JULES JANIN,
TEMOIN DU THEATRE ROMANTIQUE
Communication de M. Jacques LANDRIN
(Dijon)
au XXXIV* Congrès de l'Association, le 21 juillet 1982.
« Janin, malgré tout son esprit et quoi qu'il fasse, est un
écrivain qu'il ne faut jamais prendre au sérieux : le fond même
de son inspiration est le turlupinage. — Turlupinage sur
vénalité », ainsi s'exprime à son sujet Sainte-Beuve ; de leur
côté, les Goncourt notent : « Tout est faux chez ce faux
bonhomme, jusqu'au rire qui est un rire théâtral » (1). Ce
ne sont là que quelques-unes des aménités dont s'est vu
gratifié Janin de son vivant et dont la tradition s'est perpétuée
jusqu'à nos jours. Par un étrange paradoxe, cet homme qui
a été si dénigré, si méprisé, a été aussi surnommé en son
temps « le Prince de la Critique ». Ses jugements faisaient
autorité. Constamment à l'écoute de l'actualité, il apparaît
comme un témoin de son époque. Ses feuilletons du Journal
des Débats, qui restituent, dans toute leur spontanéité, ses
impressions telles qu'elles ont jailli lors d'une représentation
dramatique, apportent des renseignements non négligeables
sur l'accueil que reçut le théâtre romantique. Aussi, malgré
les préjugés qu'on peut avoir contre' Janin, ne nous semble-
t-il pas vain d'étudier ses réactions en face de la nouvelle
école, d'en rechercher les causes, d'en suivre l'évolution, d'en
souligner, parfois, les contradictions.
(1) Sainte-Beuve, Cahiers. I. Le Cahier vert (1834-1847), édit.
Raphaël Molho, Gallimard, 1973, p. 98. Edmond et Jules de Goncourt,
Journal, édit. Ricatte, Flammarion, 1956, t. I, p. 1075. 156 JACQUES LANDRIN
Dans le Janin de vingt-cinq ans qui, parti de son Forez
natal à la conquête d'une place dans le monde des lettres,
passe, sans scrupule, d'un journal à un autre, on croirait
reconnaître un jeune ambitieux de La Comédie Humaine :
même ardent désir de parvenir, même cynisme que chez un
Rastignac ou un Rubempré. Son coup d'essai est un coup de
maître. Le V novembre 1830, son premier feuilleton dramat
ique, au Journal des Débats, consacré au Nègre d'Ozanneaux,
était écrit dans un style si étincelant avec ses cliquetis de mots,
ses alliances saugrenues d'expressions que, du jour au len
demain, ce fut la célébrité. En rompant avec le ton sérieux
de ses prédécesseurs au Journal des Débats, Janin s'affirmait
d'emblée comme un romantique, s'il est vrai que le romant
ique cherche à s'affranchir de la tradition à l'inverse du
classique qui veut s'y insérer. Toutefois, le critique ne saurait
se contenter d'opérer une révolution dans le style ; en cette
période où le romantisme lutte pour s'imposer au théâtre,
il doit apporter son soutien aux auteurs et contribuer à vaincre
les réticences du public. « Le feuilleton, devait dire Janin
en 1859 dans ses Variétés Littéraires, c'est le clairon avant la
bataille ; et, pendant la bataille, il bat la charge à la façon du
tambour » (2).
En 1833, Nisard, représentant le classicisme le plus intran
sigeant, lance un Manifeste contre la littérature facile où il
s'en prend aux trois genres en honneur chez les romantiques :
le roman, le conte et le drame. C'est Janin qui relève le
gant et prend vigoureusement la défense de la jeune école,
réfutant Nisard point par point. Pour le théâtre, qui nous
intéresse plus directement, il trouve ses accusations tout à fait
injustes. Personne, affirme-t-il, n'a le droit de critiquer l'au
dace du drame moderne ; il est trop tôt pour le juger, puis
qu'il n'a pas encore donné tous ses fruits (3).
Janin appartient bien à cette génération qui, née avec le
siècle, se croit promise à un grand destin. Cette génération
(2) Janin, Variétés Littéraires, Hachette, 1859, p. 71.
(3)Manifeste de la jeune littérature, Réponse à M. Nisard,
in Revue de Paris, janvier 1834, p. 17. JULES JANIN, TÉMOIN DU THÉÂTRE ROMANTIQUE 157
arrive à l'âge d'homme en 1830, à cette époque d'exaltation,
où les plus vastes espérances s'ouvrent devant les romant
iques (4).
A lire les souvenirs éblouis que Janin a gardés de cette
époque, on l'imaginerait volontiers sous les traits d'un bou-
singot échevelé. Mais les feuilletons des années 1830 nous
obligent à nuancer cette image. Loin de célébrer avec ferveui
l'aube des temps nouveaux, ils font entendre un long lamento
sur la décadence de l'art théâtral. On s'attendait à voir un
partisan de la nouvelle école, et l'on trouve un critique,
attaché aux principes du classicisme.
Les exigences de son métier de feuilletoniste peuvent expli
quer, en partie, le découragement qui saisit Janin devant la
production de son époque. Il est contraint d'aller voir n'im
porte quelle pièce dans n'importe quel théâtre, et souvent
les pires platitudes. Deux genres menacent, lui semble-t-il,
d'envahir toute la scène française : le vaudeville et le mélo
drame. Mais enfin, Scribe, qu'il poursuit de sa hargne, n'est
pas le seul auteur dramatique. A côté de pièces fort médiocres,
il y a aussi des pièces de qualité, qui furent des événements
dans la vie théâtrale du temps, comme Hernani, Marion
Delorme, Antony. Les réactions de Janin en face de ces
grandes créations permettent de saisir sur le vif comment
étaient perçues les innovations romantiques par un esprit à
la fois ouvert à l'actualité et demeuré fidèle aux valeurs
classiques.
Son jugement sur La Maréchale d'Ancre est révélateur de
son goût. Si le choix d'une émeute populaire pour sujet d'une
intrigue lui cause quelque inquiétude, il est vite rassuré pai
ce qu'il sait de l'auteur : « Un esprit correct, un homme fort
peu enclin à l'enthousiasme et toujours arrêté par la peur
d'en mettre trop dans ce qu'il fait » (5). Il loue, en somme,
(4) Janin, Histoire de la Littérature dramatique, t. V, p. 1.
(5) Débats, 27 juin 1831. 158 JACQUES LANDRIN
chez Vigny la sobriété classique ; cette sobriété, il l'apprécie
particulièrement au dernier acte. Si le dernier acte est d'un
effet terrible, à cause du duel entre Borgia et Concini, qui
tombent sans s'avouer vaincus, c'est qu'il fallait bien un
dénouement ; mais Vigny n'a rien fait pour exagérer l'hor
reur : « II a caché aux yeux le bûcher, le bourreau, le
confesseur, les fers, le cachot, l'eau bénite ; il a caché tout
ce qu'on montre avec tant de complaisance ».
A l'égard de Dumas, l'attitude de Janin est bien différente.
La « première » ď Antony suscite de sa part un compte
rendu sévère. Il reproche à la pièce ses emprunts, ses invra
isemblances et son immoralité. En flétrissant le préjugé de la
naissance, Dumas ne fait que s'inscrire dans la tradition des
déclamations du Fils Naturel. Cet Antony qui continue d'a
imer une femme mariée souffre d'une passion malheureuse
comme Werther. Au dernier acte, Adèle, restée seule avec
Antony, s'abandonne au bonheur d'un tête-à-tête, quand tout
à coup un domestique vient annoncer le retour de son mari
Cette scène, Janin la rapproche de la dernière scène d'Her-
nani, en soulignant la supériorité de Victor Hugo sur Dumas :
« C'est à peu près la belle scène espagnole ďHernani, avec
toute la différence de la prose vulgaire aux plus beaux
vers » (6).
Quant à l'action dramatique et aux caractères, ils comport
ent de nombreuses invraisemblances. Faire entrer Antony
sous le

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