L allégorie dans la farce de La Pipée - article ; n°1 ; vol.28, pg 37-50
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1976 - Volume 28 - Numéro 1 - Pages 37-50
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 40
Langue Français

Extrait

Monsieur Michel ROUSSE
L'allégorie dans la farce de "La Pipée"
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1976, N°28. pp. 37-50.
Citer ce document / Cite this document :
ROUSSE Michel. L'allégorie dans la farce de "La Pipée". In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises,
1976, N°28. pp. 37-50.
doi : 10.3406/caief.1976.1105
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1976_num_28_1_1105L'ALLÉGORIE DANS LA FARCE DE LA PIPÉE
Communication de M. Michel ROUSSE
{Rennes)
au XXVIIe Congrès de l'Association, le 28 juillet 1975.
La production théâtrale de la fin du Moyen Age (1450-
I55°) a particulièrement utilisé l'allégorie. J'ai retenu
d'étudier le fonctionnement de l'allégorie dans une farce
assez peu connue, mais qui, par ses dimensions (935 vers)
comme par ses qualités d'écriture et d'imagination, mérite
une place à part dans les œuvres dramatiques de l'époque.
On peut la lire le recueil d'Edouard Fournier, Le
Théâtre français avant la Renaissance, et j'espère publier
bientôt une édition que j 'en ai faite. Afin de vous permettre
de mieux suivre cet exposé, je vais en donner ici un résumé
très succinct.
Première séquence (v. 1-131) : Verdier et Rouge-Gorge
se querellent et raillent leurs mésaventures galantes. Sur
vient Jaune-Bec, contre lequel ils retournent leurs quol
ibets.
Deuxième séquence (v. 132-559) : Bruit d'Amour (Bonne
renommée d'Amour) regrette en strophes lyriques le temps
où il était en faveur. Il est interrompu par les interventions
intempestives d'un petit mercier en quête de clientèle.
Celui-ci, qui porte le nom de Cuider (Présomption), se
révèle un être particulièrement adroit, et Bruit d'Amour
l'engage à l'aider : il veut se venger de Verdier et de Rouge-
Gorge qui se gaussent des jeunes filles. Cuider fera donc
une pipée pour les attraper. L'appât en sera sa voisine
Plaisante Folie, une « belle garse d'environ quinze à seize
ans ь. Elle sait y faire pour plumer les galants. Cuider va
la chercher et la ramène sous les regards de convoitise 38 MICHEL ROUSSE
des trois « oiseaux ». La pipée se prépare et Plaisante Folie
détaille son savoir-faire. Cuider installe
sous un arbrisseau, se cache dans une loge de feuillage et
Bruit d'Amour se dissimule.
Troisième séquence : Jaune-Bec, Verdier et Rouge-
Gorge s'approchent successivement de Plaisante Folie à
qui ils débitent des fadaises amoureuses ; tout en leur
répondant, celle-ci leur arrache les plumes pendant que
Cuider leur colle des gluaux. Jaune-Bec et Verdier sont
chassés, mais Rouge-Gorge est retenu. Bruit d'Amour
unit alors en mariage Cuider et Plaisante Folie, il leur
donne Rouge-Gorge comme serviteur, et les engage à
prendre à la pipée tous ceux qu'iïs pourront attraper.
Ce résumé trop bref fait grand tort à la pièce en la rame
nant aux linéaments d'un récit.
Mon propos sera double : je réfléchirai en premier lieu
à la démarche créatrice de l'auteur : il s'est fondé, me
semble-t-il, sur le système allégorique et sa démarche
créatrice s'identifie en partie à une démarche productrice
d'allégorie ; puis j'inverserai le point de vue et nous passe
rons de l'auteur au public pour étudier comment il pou
vait percevoir la trame allégorique d'une œuvre théâtrale
comme La Pipée.
* *
Mon hypothèse est qu'à l'instar d'un certain nombre
d'auteurs de farces qui ont élaboré leur œuvre à partir
d'un proverbe ou d'un dicton, l'auteur de la Pipée a déve
loppé sa pièce autour de trois noyaux dont l'un est une
citation du Roman de la Rose, et les deux autres des pro
verbes connus. Il a mêlé et étroitement imbriqué les germes
de fable que contenait chacun de ces éléments. D'une
métaphore concise, d'une personnification discrète, il a
tiré par des développements adroits un spectacle original
et cohérent.
Au centre de sa pièce se trouvent en effet cités deux vers
du Roman de la Rose : c'est le dernier conseil de Cuider à
Plaisante Folie avant qu'elle ne se poste pour la pipée : l'allégorie dans la farce de la pipée 39
Cuider — Que dit le Roman de la Rouse ?
« Foule est qui son amy ne plume
Juscques a la derrière (i) ».
Noctés bien ses vers, belle seur.
Plaisant F allie — Je scay ma liczon tout par cuer,
II ne la me fault ja aprendre.
(v. 549-554)
Plusieurs remarques s'imposent : d'abord, la référence
est explicite, le titre est donné, et la citation est scrupu
leusement exacte ; ensuite Cuider souligne l'importance
de ces deux vers. C'est en quelque sorte un nouvel Évang
ile qu'il propose ; « Noctés bien ses vers, belle sœur »
sont des termes de prédicateur. Plaisante Folie en parle
comme de sa « leçon », comme du fondement de sa conduite.
La place même de cette citation dans la pièce la met, de
plus, particulièrement en valeur.
Au centre de l'œuvre, il me semble qu'elle se propose
comme un signal révélant ce qui a mû l'imagination créa
trice du poète (au sens le plus large). Il avait là son thème :
la femme plume son ami, et la métaphore portée par le
verbe j>lumer et le substantif plume fournit la forme qu'il
va donner à son affabulation : le galant est un oiseau que
la femme plume.
Ces vers sont tirés du discours de la Vieille à Bel Accueil
(v. 13667-13668 de l'édition Lecoy). Avant et après ce
passage, Jean de Meung recourt à plusieurs reprises à la
métaphore du verbe plumer pour symboliser la façon dont
la jeune fille doit dépouiller son amoureux (v. 12880,
13669, 13679...).
L'auteur de la Pipée en soulignant de façon expresse
sa référence au Roman de la Rose nous a désigné, me
semble-t-il, non pas la « source » de son œuvre, mais le
point qui a déclenché en lui un travail créateur spécifique.
La belle plume l'amoureux trop crédule, propose le Roman
de la Rose, et l'auteur de la farce se saisit de la métaphore,
la fait jouer, la prolonge : il dessine l'amant comme un
oiseau et pour mettre en place scéniquement son intrigue,
(1) Dernière. 4O MICHEL ROUSSE
il intègre la métaphore dans un système d'images qui eut
une grande vogue dans la littérature médiévale : la des
cription de l'amour dans les termes de la chasse aux
oiseaux. Nous devons aux siècles suivants les feux et les
flammes ; le XVe siècle connaissait peu ces ardeurs, l'amou
reux y était pris au filet ou à la glu comme les oiseaux à
la pipée. C'est à ce système métaphorique que fait appel
notre farce et c'est de là qu'elle va tirer l'action qui va
l'animer.
L'image de la pipée était déjà chez Jean de Meung pour
décrire la façon dont les beaux parleurs usent de leur séduc
tion (v. 21461-26466, t. III), mais elle est partout au
xve siècle, et Charles d'Orléans deux fois dans ses rondeaux
s'y réfère :
Fortune par ses faulz atrais
En pipant, a pris a la glu
Mon cueur. . .
(СЫН, р. 378)
Laissez aler ces gorgias
Chascun yver a la pipée . . .
(VIII, p. 29) (2)
Guillaume Alexis, dans Le Blason des faulses amours,
dresse un tableau proche de notre farce :
Se ung cocardeau
Qui soit nouveau
Tumbe en leurs mains,
C'est ung oyseau
Prins au gluau
Ne plus ne mains.
Car tant de plains
Faits par leurs mains
Lui font tumber sur le museau
Que, aincoys qu'il parte de leurs poins,
II sera plumé de tous poins
Et puis : a Dieu, mon amy beau I
{Œuvres poétiques, I, str. 80.)
(2) Édition de Pierre Champion, Charles d'Orléans, Poésies, II, Ron
deaux, Paris, 1927. l'allégorie dans la farce de la pipée 41
II faudrait ici faire une place à part à une œuvre à peu
près contemporaine de notre farce, un long poème du Jar
din de Plaisance : Comment le dieu d'amours pour resjouyr
amans et amantes qui sont au jardin de plaisance ordonne
faire une chasse appelée la pipée du dieu d'amours (feuillet
CLXXXV verso). Voici comment est organisée « la chasse
en forme de

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