La genèse du Génie du Christianisme - article ; n°1 ; vol.3, pg 191-208
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1953 - Volume 3 - Numéro 1 - Pages 191-208
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1953
Nombre de lectures 40
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Professeur Pierre Christophorov
La genèse du "Génie du Christianisme"
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1953, N°3-5. pp. 191-208.
Citer ce document / Cite this document :
Christophorov Pierre. La genèse du "Génie du Christianisme". In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises,
1953, N°3-5. pp. 191-208.
doi : 10.3406/caief.1953.2033
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1953_num_3_1_2033GENÈSE DU GÉNIE DU CHRISTIANISME - LA
Communication de M. P. CHRISTOPHOROV
au IVe congrès de l'Association, à Paris,
le 3 septembre 1952
Ce n'est pas sans appréhension que je vais aborder aujourd'hui
la genèse d'une œuvre aussi vaste et aussi variée que le Génie du
Christianisme. Commencée en 1799 sous la forme d'une brochure
de 48 pages environ, et publiée quatre ans plus tard en cinq vo
lumes in-8, cette œuvre est certainement la plus belle aventure
intellectuelle de Chateaubriand.
- Rappelons-nous, en effet, le chemin que l'écrivain a dû par
courir pour arriver de l'Essai sur les Révolutions au Génie du
Christianisme l
C'est Chateaubriand lui-même qui a fourni la première version
de la genèse du Génie du Christianisme. Elle parut dès 1 802 dans
la préface de l'édition princeps de l'ouvrage. Je lirai donc cette
page bien connue :
« Ma mère, après avoir été jetée à 72 ans dans des cachots, où
elle vit périr une partie de ses enfants, expira un lieu obscur
sur un grabat, où ses malheurs l'avoient reléguée. Le souvenir de
mes égarements répandit sur ses derniers jours une grande amer
tume ; elle chargea, en mourant, une de mes sœurs de me rappeler
à cette religion dans laquelle j'avais été élevé. Ma sœur me man
da le dernier vœu de ma mère : quand la lettre me parvint au-delà
des mers, ma sœur elle-même n'existait plus; elle était morte
aussi des suites de son emprisonnement. Ces deux voix sorties du
tombeau, cette mort qui servait d'interprète à la mort m'ont frappé.
Je suis devenu chrétien. Je n'ai point cédé, j'en conviens, à de
grandes lumières surnaturelles ; ma conviction est sortie du cœur :
j'ai pleuré, et j'ai cru ».
Quelques précisions chronologiques s'imposent ici. La mère de
Chateaubriand meurt le 31 mai 1798. Sa sœur Julie lui écrit de
Saint-Servan, en Bretagne, le 1er juillet, mais la lettre ne lui par
vient qu'environ 13 mois plus tard, de toute façon après le 15 août
1799. Peu avant, le 26 juillet 1799, sa sœur était morte. LA GENÈSE DE L* ŒUVRE 192
** - ч
Du vivant de l'auteur des doutes s'étaient déjà élevés sur la
véracité de son témoignage, et depuis lors une controverse a fait
couler beaucoup d'encre. Mme de Durfort en a fait une précieuse
mise au point en 1937 dans le Bulletin de la Société Chateaub
riand. Cependant, ce qui renouvela les données du problème, ce
fut la publication, en 1925, de quelques lettres de Chateaubriand
à Baudus, rédacteur du Spectateur du Nord, dont l'importance fut
fort opportunément soulignée par M. Maurice Levaillant. Mon
maître M. Jean Pommier dans une fine et pénétrante étude {Eu
rope, 1 927) reprenait toute la question. Chateaubriand ayant avoué
qu'au début le Génie était une réponse à la Guerre des Dieux de
Parny, M. Pommier mettait en lumière la violente passe d'armes
que le poème de Parny avait provoquée entre tenants et adver
saires de la Révolution, et par là il faisait mieux sentir en quoi le
projet de Chateaubriand revêtait un caractère d'actualité littéraire
et politique. En s* appuyant sur les lettres à Baudus, il démontrait
ensuite que le Génie, commencé au printemps de 1 799, était aux
yeux de lui-même « un ouvrage de circonstance »,
(( une réponse » à la Guerre des Dieux et dont la vente était assu
rée « à cause du nombreux parti qui le porte ». A propos de la
version de Chateaubriand, M. Pommier disait avec raison : « Tous
les faits matériels inscrits dans ces lignes, sont, en ce qui touche
Gh., controuvés » et il ajoutait « c'est à l'ensemble de la pers
pective qu'il faut avoir le courage de renoncer ». Ces faits matér
iels et cette critique nous éloignent définitivement de la version
de Chateaubriand. Désormais, nous n'aurons qu'à nous engager
dans cette voie largement ouverte devant nous. "
Ceci posé, reprenons la narration des faits. Les pièces essen
tielles du dossier sont 7 lettres de Chateaubriand (4 à Baudus et
3 à Fontanes) auxquelles il faut ajouter une lettre du comte de
Bedée. ,
Pendant la période qui nous occupe, Chateaubriand est, nous le
savons, à Londres. En janvier 1796, Fontanes arrive en Anglet
erre et y reste environ 5 mois. Il est encore à Londres lorsque
Chateaubriand reçoit la nouvelle de la mort de sa mère car, pas
plus tard que le 29 juin, celui-ci en fait part à son oncle, le comte
de Bedée, qui réside dans l'île de Jersey. Vers la fin de juin,
Fontanes part pour l'Allemagne. Il envoie de ses nouvelles à Cha
teaubriand et reçoit de son ami une lettre affectueuse. Chateau
briand travaille aux Natchez et il n'y est nullement question du
Génie (15-8-1798).
Trois mois plus tard, nous le surprendrons toujours aux prises
avec les Natchez. Il n'y a rien encore sur le Génie (lettre à Baudus,
le 7 novembre).
Ici intervient un événement étranger à la rédaction des Natchez : P. CHRISTOPHOROV x 193 _
la publication de la Gtterre des Dieux de Parny (janvier 1 799). Fut-
il à ce moment question à Londres de répondre à la Guerre des
Dieux par un ouvrage spécialement composé ? Et suggéra-t-on à
ChateaubrianJ un semblable projet ou en eût-il lui-même l'idée ?
Toujours est-il que Chateaubriand écrivait le 5 avril 1 799 à Bau-
dus. Comme dans 'sa lettre précédente, il cherche du travail, des
traductions. Mais il y a mieux dans cette lettre,, nous y trouvons,
selon l'expression de M. Pommier, « l'acte de naissance » du
Génie du Christianisme : « J'ai un petit manuscrit sur La Religion
chrétienne par rapport à la morale et à la poésie », écrit Chateaub
riand. « Cet ouvrage est très chrétien, tout analogue à la circons
tance, et ne saurait guère manquer de ce succès attaché aux ou
vrages de circonstance. Ce pamphlet contient à peu près trois
feuilles d'impression in-8; j'en demande 15 guinées. Fauche veut-
il l'acheter? ». Supposons que Fauche eût accepté tout de suite
l'offre de Chateaubriand, le Génie eût paru sous la forme d'une
, brochure de 48 pages ! Mais non, Baudus ne répond pas. Entre
temps Dulau, ecclésiastique converti en éditeur depuis l'émigrat
ion, dut prêter l'oreille et s'intéresser au manuscrit. Cependant, il
ne le fait qu'avec une certaine réserve car Chateaubriand revient
à la charge auprès de Baudus un mois plus tard, le 6 mai : « 11
s'agissait, rappelle-t-il, à son correspondant, de deux choses : d'une
entreprise de traductions pour Fauche, et d'un petit ouvrage sur
la Religion chrétienne, par rapport à la poésie. Cet est
un ouvrage de circonstance, commencé à la prière de Fontanes
et une sorte de réponse à ce pauvre Parny... Je ne crois pas que
l'opuscule sur la religion puisse manquer sa vente à cause du nom-'
breux parti qui le porte ». Ces textes sont très nets.
A partir de ce moment, le film se déroulera très vite. Le 6 mai
Chateaubriand annonçait' à Baudus que l'impression de la bro
chure allait commencer incessamment. Or il n'en sera rien. Il a
déjà compris, comme il le dira, « l'intérêt du sujet ». Il est comme
je chasseur sur une bonne piste. Les encouragements ne doivent
guère manquer car il parlera un peu plus tard du « succès qu'on
veut bien [lui] promettre » (19-2-1800). Courageusement, l'écri
vain pousse de l'avant. Le 19 août la brochure de 48 p. est deve
nue un volume d'environ 430 pages, et l'impression a été amor
cée. Il réaffirme que l'ouvrage « est une sorte de réponse indirecte
au poème de la Guerre des Dieux et autres livres de ce genre

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