La nouvelle française au XVe siècle - article ; n°1 ; vol.23, pg 67-84
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1971 - Volume 23 - Numéro 1 - Pages 67-84
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1971
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Professeur Lionello SOZZI
La nouvelle française au XVe siècle
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1971, N°23. pp. 67-84.
Citer ce document / Cite this document :
SOZZI Lionello. La nouvelle française au XVe siècle. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1971,
N°23. pp. 67-84.
doi : 10.3406/caief.1971.974
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1971_num_23_1_974LA NOUVELLE FRANÇAISE
AU XVe SIÈCLE
Communication de M. Lionello Sozzi
{Turin)
au XXIIe Congrès de Г Association, le zz juillet 1970.
1. — Tout avancement, tout renouvellement culturel ne
touche pas nécessairement au même moment à tous les do
maines et à tous les genres. Des décalages, des dissemb
lances, des retards ne manquent pas de se produire. Bien
loin de tout écart simpliste, de tout brusque changement, de
toute opposition radicale, l'ancien et le nouveau s'interpé
nétrent, s'harmonisent, se soudent. Le xve siècle français
représente l'époque que la leçon de l'humanisme est en train
de modifier en profondeur, où agit l'enseignement de Pé
trarque, où s'opèrent les premières réactions d'une culture
qui se veut originale et autonome, où la nouvelle philologie
et la connaissance élargie et approfondie des Anciens
influencent plusieurs genres littéraires, la poésie, la prédicat
ion, l'histoire. Tout cela est bien connu et, désormais, la
rgement accepté par la critique. Cependant, il est normal éga
lement que, au sein de certaines branches de la production
littéraire de l'époque, les éléments inédits semblent à pre
mière vue se déceler avec plus de difficulté, car des ouvrages
et surtout certains genres ne semblent pas encore intéressés 68 LIONELLO SOZZI
par les changements qu'a opérés la nouvelle culture, mais
paraissent s'appuyer sur des structures traditionnelles,
avancer timidement et avec lenteur vers de nouveaux hori
zons, accepter avec quelque résistance toute nouvelle orien
tation.
Or, dans la littérature du xve siècle, le genre de la nouvelle
a l'air, à première vue, de trahir plus que d'autres cette len
teur et ce retard, de s'opposer avec plus de ténacité au goût
nouveau et de persister dans l'exploitation d'une technique
désormais très ancienne et largement acceptée par un public
de lecteurs que le souffle humaniste, d'ailleurs, n'arrive pas
à toucher.
Inspirée, d'un côté, d'une tradition narrative qui remonte
aux fabliaux, de l'autre influencée par le moralisme didac
tique de Yexemplum, la nouvelle du xve siècle semble osciller
entre ces deux extrémités — gauloiserie traditionnelle, ense
ignement moral — sans assimiler les thèmes et les tendances
qui ne paraissent pas s'accorder avec un goût sclérosé et
immobile. Même la présence du Decameron, largement connu
par l'intermédiaire de la traduction de Premierfait, ne semble
pas modifier en profondeur cet état de fait, car, première
ment, la traduction de Premierfait n'est pas menée de façon
directe sur le texte italien, ce qui diminue sensiblement toute
chance d'une influence efficace et agressive, et, en second
lieu, l'exemple même de Boccace est utilisé, d'un côté, dans
le cadre d'un moralisme persistant (il suffit de mentionner
la très large fortune de la nouvelle de Griselidis), et, de l'autre,
il est ramené dans les limites un peu étroites d'un comique
bouffon et élémentaire, à l'exclusion du Boccace humaniste
ou du Boccace pathétique et tragique que l'époque de la
Renaissance saura redécouvrir, et avec une nette préférence
pour le Boccace plus badin et plus farceur de la septième et
de la huitième journée. Les Cent Nouvelles Nouvelles s'ins
pirent, il est vrai, du modèle boccacien, mais elles opèrent
justement un rétrécissement très révélateur du champ nar
ratif et d'ailleurs l'auteur lui-même reconnaît n'avoir su
« attaindre le subtil et tresorné langage du livre des Cent LA NOUVELLE FRANÇAISE AU QUINZIÈME SIECLE 69
Nouvelles » (i) : il avoue s'être éloigné, par conséquent, de la
teneur hautement littéraire d'un ouvrage où l'allure amusante
des aventures racontées n'était jamais au détriment d'une
rédaction qui se voulait très surveillée.
M. Rasmussen a prouvé, dans son ouvrage sur La prose
narrative française du XVe siècle, combien cette prose décèle
une technique et une rhétorique figées, impersonnelles,
immuables (2). Pour ma part, je crois avoir démontré, dans
une étude sur la fortune en France des « facéties » de Poggio
Bracciolini, jusqu'à quel point cette fortune représenta pour
l'art narratif français un « rendez-vous manqué », car elle
s'accompagna ostensiblement d'importants changements,
d'une restriction très indicative de la matière racontée et véritable transformation de l'esprit de l'ouvrage, de sa
substance et de son but (3). L'art de la « facétie » représente
en effet une importante acquisition de la culture humaniste.
Elle correspond à la faculté qu'ont acquise les humanistes
(les humanistes florentins en particulier) de prendre vis-à-
vis du réel, vis-à-vis même de leur activité intellectuelle, une
attitude désenchantée et ironique, d'exprimer une volonté
de satire très décidée et dépourvue de toute crainte révéren-
tielle (« ïbi — écrit Pogge dans la conclusion de son livre
— parcebatur nemini in lacessendo ea quae non probantur a
nobis... »), un refus de tout schéma moralisateur et une notion
toute nouvelle de \z.facetudo en tant que humanitas, liberté
intérieure et acuité d'un jugement énoncé sans aucun ména
gement. Tous les humanistes, de Pogge à Alberti, de Valla
à Pontano, du Politien à Philelphe, ont essayé le nouveau
genre ; et le Pogge, en particulier, a contribué plus que tout
autre à utiliser le schéma des facéties en vue d'un tableau
(1) Les Cent Nouvelles Nouvelles, éd. critique par F. P. Sweetser,
Paris-Genève, Droz-Minard, 1966, p. 22.
(2) J. Rasmussen, La prose narrative française du XVe siècle, Copenhag
ue, Munksgaard, 1958.
(3) L. Sozzi, Le « facezie » di Poggio nel Quattrocento francese, dans
Miscellanea di studi e ncerche sul Quattrocento francese a cura di F. Simone,
Torino, Giappichelli, 1966. Je renvoie à cette étude pour toutes les cita
tions de Pogge et de Tardif. Voir aussi l'étude récente de P. Koj, Die
friihe Rezeption der Fazetien Poggios in Frankreich, Hambourg, Romanis-
ches Seminar der Universitát, 1969. 70 LIONELLO SOZZI
pénétrant des faiblesses et des ridicules des hommes, une
sorte de comédie humaine avant la lettre, une comédie hu
maine en raccourci, présentée dans une forme très dense et
très rapide, d'une nerveuse agilité, inspirée d'un idéal très
conscient de concision (« nullus ornatus, nulla amplitudo ser-
monis... »).
Or, il est bien connu que le Liber facetiarum eut non seul
ement en France mais en Europe, au cours du XVe siècle,
une fortune retentissante : à peu près quarante éditions
du texte latin entre 1470 et la fin du siècle, sans compter
les nombreux manuscrits et sans compter, bien entendu, les
traductions en langue vulgaire. Des traductions françaises,
l'une, effectuée par le moine lyonnais Julien Macho, parut
en 1480 : elle ne présente qu'une dizaine de facéties. L'autre,
publiée avant 1496 mais remontant sans doute à 1490 envi
ron, est due à l'humaniste Guillaume Tardif ; elle comprend
cent douze facéties. A ces données, il faut encore ajouter
l'influence directe des facetiae sur les Cent Nouvelles Nouvelles,
car quatorze nouvelles du recueil français sont tirées de
toute évidence du livret de l'humaniste toscan. Il s'agit donc
d'un succès des plus surprenants ; cependant, ce qui frappe
encore plus est l'intention très évidente, de la part des
Français, de prêter à leur modèle des allures et des tons très
éloignés de ceux que l'humaniste italien avait voulu expéri
menter. Cela paraît d'autant plus significatif si l'on song

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