La syntaxe de Malherbe, traducteur de Sénèque - article ; n°1 ; vol.8, pg 139-146
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1956 - Volume 8 - Numéro 1 - Pages 139-146
8 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1956
Nombre de lectures 46
Langue Français

Extrait

Monsieur Raymond Lebègue
La syntaxe de Malherbe, traducteur de Sénèque
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1956, N°8. pp. 139-146.
Citer ce document / Cite this document :
Lebègue Raymond. La syntaxe de Malherbe, traducteur de Sénèque. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1956, N°8. pp. 139-146.
doi : 10.3406/caief.1956.2089
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1956_num_8_1_2089SYNTAXE DE MALHERBE LA
TRADUCTEUR DE SÉNÈQUE
Commmunication de Raymond LEBEGUE,
de l'Institut, professeur à la Sorbonně, au VU* congrès
de Г Association, le 28 juillet 1955
J'ai montré ailleurs la contribution des traductions franç
aises du XVIe siècle à la diffusion de l'Humanisme, à
l'enrichissement de la pensée et des connaissances, au
renouvellement de la littérature, et au développement du
vocabulaire, et même leur influence sur la syntaxe.
Aujourd'hui, je choisirai une époque un peu plus
récente, et je me limiterai à un seul traducteur. Je ne
chercherai pas à le situer parmi les érudits de son temps,
— bien qu'il eût une bonne culture classique, il affectait
de mépriser l'érudition, — mais parmi les artisans de la,
prose classique. Ce prosateur quasiment ignoré, c'est Mal--
herbe.
On ne sait guère l'importance de ses travaux de tra
ducteur : il entreprit la traduction du De beneficiis, des
Lettres à Lucilius et des Questions naturelles de Sénèque,
philosophe cher à son ami Du Vair ; puis il fit celle du
33e livre des Histoires de Tite-Live, dont un fragment inédit
venait d'être découvert. Enfin, en 1620-1621, il songea a
traduire le roman byzantin des Amours de Rhodante et
Dosiclès et VArgénis de son contemporain Jean Barclay.
De Rhodante et Dosiclès, qu'il eût sans doute traduit
sur une version en latin, et de VArgénis nous n'avons rien
à dire, puisque ces projets n'ont pas été réalisés.
La traduction de Tite-Live est la seule qu'il ait pris
soin de publier, toutes celles de Sénèque étant posthumes.
Il attribuait à sa forme la plus haute valeur, puisque
selon Ch. Sorel, quelques amis lui ayant demandé de. faire
une grammaire française, il répondit « qu'on n'avait qu'à
lire sa traduction de Tite-Live et que c'était de cette sorte
qu'il fallait écrire ». 140 LA TRADUCTION
Entre autres changements qu'il fait subir à la phrase
de l'historien romain, on remarque le remplacement fré
quent de la juxtaposition par la subordination ; Malherbe
recourt souvent à la proposition consécutive qui lui sert
à préciser le rapport de cause à effet et à construire des
périodes étoffées et équilibrées.
Mais, malgré leur état d'inachèvement, c'est à ses tra
ductions de Sénèque que je veux m'attacher. D'abord,
alors qu'aucun brouillon de ses poésies n'a survécu, nous
avons la chance de conserver le manuscrit autographe de
de sa traduction des Bienfaits et du premier livre des
Questions naturelles : mieux encore que dans les deux
éditions successives du 33e livre de Tite-Live; nous décou
vrons sur ces feuillets noircis de ratures et de variantes
les scrupules du styliste. .
Mais le motif principal de notre choix, c'est que Mal
herbe, après d'autres Français du XVIe siècle, a eu affaire
à un prosateur latin aussi peu cicéronien que possible. Le
style de ce philosophe avait séduit maint lettré, qui s'était
efforcé de l'imiter. C'est le cas de l'auteur des Essais, à
l'époque où il nourrit sa pensée des traités de Sénèque,
et particulièrement des Lettres à Lucilius. Le chapitre Que
philosopher, c'est apprendre à mourir contient plus d'une *,
phrase traduite de Sénèque. Montaigne s'y applique à
respecter le tour et le trait et à lutter de concision avec
l'original. Exemples :. :
Incertum est quo loco te mors exspectet : itaque tu Ulam
omni loco exspecta ш il est incertain où la mort nous
attende, attendons-la partout.
Pour treize mots latins, onze mots français ; Montaigne
fait l'économie de la conjonction itaque, et introduit un
chiasme.
Meditare mortem : qui hoc dicit, meditari libertatem
jubet = la préméditation de la mort est préméditation de
la liberté.
Qui mort didicit, servire dedicit « qui a appris à mourir,
il a désappris à servir.
Prima autem pars est aequitatis, aequalitas = l'égalité
est la première pièce de l'équité.
On retrouve chez Montaigne les parallélismes, les répé
titions de mots, les brèves sentences du texte latin.
Malherbe lui, conservera-t-il le style de Sénèque ? Quand
il le traduit, il est sans doute en Provence, auprès de Ou
Vair, dont la philosophie chrétienne s'appuie sur la morale
de Sénèque, mais qui est aussi un orateur célèbre et un-
technicien de l'art oratoire. Et la doctrine de Malherbe LEBÈGUE Ml RAYMOND
est déjà constituée : il Га déjà appliquée dans la Consol
ation à Cléophon et dans la révision de la Sophonisbe de
son jeune compatriote Montchrestien.
De ses trois traductions de Sénèque et des variantes de
deux d'entre elles on peut tirer la matière d'une thèse de
stylistique. Je m'en tiendrai, ici, aux caractères essentiels.
Trois raisons principales empêchent Malherbe de calquer
sa phrase sur celle de Sénèque : son goût de la clarté et de
la logique, sa recherche de la force, son penchant pour la
phrase nombreuse, pour la période construite et équilibrée.
Nous allons justifier ces trois propositions.
En prose comme en vers, Malherbe exige une clarté
limpide. Traducteur, il s'applique à supprimer ou plutôt
transposer tout ce qui dans le texte original — idiotismes,
traits de mœurs, couleur locale, etc.. — est un obstacle à
la compréhension. Il a risqué quelques latinismes. Mais
il ne traduit jamais mehercules par par Hercule. Il cherche
sans cesse des équivalents dans la France de son temps ;
les exemples sont innombrables, et parfois savoureux. J'ai
cité autrefois la « poudre à canon » que Malherbe a intro
duite dans la 33e lettre à Lucilius. Notons, au hasard de
la lecture :
Servus nequam « un maraud de valet, securis (hache de
justice) ш glaive, atrium « basse-cour, socculus « pant
oufle, lusoriae = gondoles, vestales = religieuses, lectica
e carrosse, elatus combustus = mort et enterré. Le pli de
la toge dénouée est remplacé par la poche percée. Baba «
fol à marotte et à chaperon.
C'est ce même souci qui lui fait traduire le démonstratif
neutre par un substantif : haec = ces subtilités, post haec
« après vos belles raisons.
Il dégage la valeur psychologique d'une apiposition :
llebilus consularis, homo ejusdem infamiae = Rebilus ne
valait guère mieux, encore qu'il eût été consul.
Avec une addition explicative, il éclaire le sens d'une
image. Sénèque invite Lucilius à quitter les affaires ; tout
d'un coup éclate une image, exprimée en quatre mots ;
Malherbe la développera en trois phrases :
Nemo cum sarcinis enatat « quand un vaisseau se
brise, ceux qui se jettent à la nage, ne se chargent point
de leurs hardes.
Sénèque définit en quatre mot une des formes de la
dépravation de son temps ; Malherbe renonce à la brièveté
saisissante du trait, pour expliquer l'état d'esprit des
Romains : LA TRADUCTION 142
Argumentům est deformitatis pudicitia : = s'il en est
quelqu'une chaste, sans la voir et sans s'en informer, on
peut dire dire qu'elle est laide.
Dans son excellente thèse, F. Brunot avait insisté sur
l'importance que Malherbe attache à la logique. Il veut
de la clarté et de la précision dans le raisonnement, dans
l'enchaînement des idées. Sénèque voit dans l'orgueil,
l'avidité et l'envie les causes (principales de l'ingratitude.
Malherbe prend soin de rapporter à l'idée première
chacun des trois développements :
II y en a trois occasions principales... Après cette bonne
opinion de nous-mêmes, la convoitise est la seconde cause
de V ingratitude... L'envie est la troisième cause qui fait
les

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