Laclos épistolier ou la préméditation - article ; n°1 ; vol.29, pg 187-203
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1977 - Volume 29 - Numéro 1 - Pages 187-203
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1977
Nombre de lectures 38
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Laurent Versini
Laclos épistolier ou la préméditation
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1977, N°29. pp. 187-203.
Citer ce document / Cite this document :
Versini Laurent. Laclos épistolier ou la préméditation. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1977,
N°29. pp. 187-203.
doi : 10.3406/caief.1977.1144
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1977_num_29_1_1144/Q
LACLOS ÉPISTOLIER
OU LA PRÉMÉDITATION
Communication de M. Laurent VERSINI
{Nancy)
au XXVIIIe Congrès de l'Association, le 27 juillet 1976.
Laclos a profité comme tous les épistoliers de l'une des
orientations nouvelles qu'a prises depuis vingt-cinq ans
environ la critique universitaire, en fournissant — mais ce
serait grand dommage que l'entreprise fût abandonnée
en si bonne voie — ces études de genres, de sous-genres, de
techniques dont nous avions besoin à côté des travaux
d'histoire littéraire au sens strict, et auxquelles les spécial
istes présents aujourd'hui ont contribué, pour arriver à
ce débat sur la lettre, couronnement de tant d'autres. Plu
tôt que de redire ce que j'ai dit ailleurs en ajoutant peu de
neuf à un travail qui justement a été l'un des derniers, en
ce qui concerne Laclos, à s'inscrire dans ce mouvement,
je voudrais me demander maintenant quel malin génie
détourne ces efforts, l'exemple de la littérature dont Laclos
est le prétexte étant je crois caractéristique, en me conten
tant de retenir quelques-unes des contributions les plus
typiques parmi celles qui ont été consacrées récemment
au maniement de la lettre par Laclos.
Les années 60 avaient vu se succéder des ouvrages soit
particulièrement pénétrants et neufs, comme ceux de
M. Jean Rousset (1), soit d'un sérieux très estimable et
(1) « Une forme littéraire : le roman par lettres », N.N.R.F., mai-juin
1962, pp. 830-841 et 1010-1022, recueilli in Forme et signification, Essais
sur les structures littéraires de Corneille à Claudel, Paris, Corti, 1962,
pp. 65-108. l88 LAURENT VERSINI
utile, comme celui de M. Jean-Luc Seylaz (2), soit d'un
niveau honorable, comme celui de Miss Dorothy Thelan-
der (3) ; avec plus ou moins de maîtrise, ces études avaient
en commun de considérer la lettre chez Laclos comme char
gée de transmettre un message, fût-il ambigu ou énig-
matique, de regarder le genre épistolaire comme une des
expressions privilégiées d'une société et d'une époque, et
de s'interroger sur les effets d'un art conscient, sans pour
autant refuser de voir dans un roman qui faisait converger
sur lui les admirations, un livre capable de faire signe à
notre époque pour des raisons insoupçonnées de l'auteur.
Après tout, le fondateur de la critique historique et bi
ographique n'autorisait-il pas, dans une formule bien connue
et même ressassée, à « voir une œuvre autre chose
encore que ce qu'y a vu l'auteur » (4) ?
Mais tenons-nous-en à la technique épistolaire : stimul
ée, en ce domaine comme dans d'autres, par l'actualité
du « nouveau roman » qui habituait à chercher dans un
roman non plus une histoire ou une signification mais un
savoir-faire, des procédés inédits et un « roman du roman »,
la critique universitaire a trouvé un terrain particuli
èrement favorable à ces exercices dans un genre d'où l'au
teur semble plus absent que dans tout autre, et qui, du
moins dans sa forme polyphonique, se prête admirable
ment à des études de structure, à des considérations sur
les fonctions diverses de la lettre, et, par-delà, du langage,
ou sur les rapports subtils que peuvent entretenir l'expé
diteur — pardon, le scripteur, non, l'émetteur, et depuis
quelque temps le destinateur — , le destinataire — non,
le récepteur — , et les personnages du deuxième, du tro
isième ou du quatrième degré, le tout replacé dans un
espace-temps à autant de dimensions que l'on voudra, un
peu comme dans le fascinant Degrés de M. Michel Butor.
(2) Les L.D. et la création romanesque chez Laclos, Genève-Paris, Droz-
Minard, 1958.
(3) Laclos and the Epistolary Novel, Genève, Droz, 1963.
(4) Sainte-Beuve, Causeries du Lundi, t. XIII, p. 257. LACLOS ÉPISTOLIER OU LA PRÉMÉDITATION 189
C'est dire que, même sans prononcer le mot, on a fait
très tôt du structuralisme, du meilleur et du moins bon,
à propos des Liaisons dangereuses, et que la nouvelle cri
tique a fait du roman épistolaire de Laclos un de ses
exemples favoris. De même que les novations de Jacques
le fataliste, par exemple, doivent une bonne part de leur
faveur actuelle au prestige récurrent dont le maniement
intempérant de l'anachronisme pare un Diderot promu
pionnier du nouveau roman, de même l'inépuisable géo
métrie des Liaisons, la balistique raffinée de cette partie
de billard offraient à une étude purement formelle un
champ d'action privilégié. Il était tentant d'envoyer Les
Liaisons rejoindre Les Chimères, Les Chats de Baudelaire
ou plutôt de Jakobson, ou Mallarmé, ou d'exercer sur une
littérarité considérée comme ludique une analyse ludique,
sur le romancier le plus ingénieux les méthodes les plus
ingénieuses, pour décider que la forme a dans Les liaisons
une existence autonome, qu'elle fonctionne selon ses règles
propres que le poéticien met sa jouissance à repérer sans
avoir à se soucier d'un esprit créateur, d'une intention-
nalité, d'un artiste, et encore moins histoire, du
moindre conditionnement sociologique, moral ou politique.
Depuis une dizaine d'années, on lit partout qu'il est
naïf, borné de prétendre : i° que la forme épistolaire ait
pu s'imposer à Laclos pour d'autres raisons que celles,
mystérieuse résurrection de Pégase ou de la Muse, qui font
que cette forme s'est engendrée elle-même par une sorte
de génération spontanée — Diderot aurait-il prévu que
l'Anguillard aurait également raison un jour en ce domaine
de la création poétique, pour laquelle il avait l'ingénuité
de réclamer une « tête de fer », au moins dans la phase déci
sive de la conception ? ; 2° que Les Liaisons puissent avoir
eu la moindre signification avant que l'acte même d'écrire
l'ait engendrée.
Estimer comme M. Todorov que la signification est le
produit de l'écriture et non l'inverse (5) ou comme M. Roe-
(5) Littérature et signification, Larousse, 1967, p. 20. 1 9O LAURENT VERSINI
lens que « le " signifiant ", en l'occurrence la lettre et le
roman êpistolaire, a créé le " signifié ", Га au moins informé,
orienté, déterminé » (6), revient à dire ou qu'une œuvre
n'a tout son sens que lorsqu'elle est achevée, évidence qui
nous a valu de belles études de genèse, ou que Laclos comme
Racine est tributaire sinon de règles du moins des « exi
gences relativement élémentaires posées par le genre litté
raire » (7), ce qui est également reconnu par la critique phi
lologique et historique, ou, ce qui serait de plus lourde
conséquence, que Laclos n'a rien à dire, et que la manière
de dire ce rien a engendré la seule signification que l'on
puisse reconnaître à son livre. Voilà reportée sur le romanc
ier des Lumières la hantise du « livre sur rien » de Flau
bert ou de Mallarmé, ce « rien » étant finalement syno
nyme de littérature, puisque « le texte littéraire se signifie
lui-même », « n'est pas " représentatif " d'autre chose que » (8).
Quel chemin parcouru en dix ans, depuis l'époque où il
était devenu banal, à la suite de la critique existentialiste,
de voir en Laclos comme en ses personnages des êtres de
« projet », ou de parler avec M. André Malraux d'une
mythologie de la volonté, cette mythologie et tout projet
conscient, volontaire, toute préméditation selon le mot
que j'ai préféré, disparaissant au profit d'une nouvelle
mythologie, celle de l'écriture.
Voilà donc ranimé le débat sur la primauté ou la

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