Le faure forbans au pays de l or ocr
257 pages
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Extrait

GEORGES LE FAURE LES Bibliothèque des Grandes Âveatures Éditions JULES TALLANDIER 75, Rue Dareau, Paris (XIVe) LES Forbans au Pays de l'Or LA BARQUE FUNÈBRE Sous les premiers feux du soleil, les flots étincelaient, lourds comme du plomb. A leur surface, pas une ride. On eût dit un miroir métal­ lique. Seuls, les huit, avirons qui plongeaient en cadence troublaient l'onde, poussant lentement le canot vers le large. Sous les larges chapeaux de latahier qui les coiffaient, les faces glabres des forçats ruisselaient de sueur et quand, après s'être courbés sur l'aviron, ils se redressaient, leurs regards se dirigeaient, d'un même mouvement, chargés de haine, du côté du surveillant. Celui-là était assis à l'arrière, ne quittant pas de l'œil son dangereux équipage. Pour toute arme, un revolver dans un étui de cuir, dont la courroie fauve sabrait diagonalement son dolman de flanelle. Le bord avançant de son casque colonial noyait imparfai­ tement d'ombre un front large, non dépourvu d'intelligence, et les yeux bien ouverts, regardant avec franchise. Sous le nez busqué, la moustache se hérissait, point mécham­ ment, masquant des lèvres épaisses et bonnes : le menton carré trahissait une certaine somme d'entêtement. Ses yeux, quand ils ne se promenaient point sur les rameurs, Se fixaient sur l'horizon, où, derrière une buée chaude s'ele- vant de la surface de la mer, se devinait la terre basse de Cayenne avec, de-ci de-là, vaguement estompées, des silhouettes de constructions légères que dominait la forteresse de Céprou. Soudain, venant de l'île Royale, une sonnerie de cloche se fit entendre, fine, aigrelette, donnant l'impression d'un joujou. 4 LES FORBANS, AU PAYS DE L'OR Pendant quelques secondes, instinctivement, les forçats sus­ pendirent le jeu de leurs rames et leurs regards s'abaissèrent vers le fond de l'embarcation. Un cercueil de bois blanc, tragique dans la simplicité de ses planches non peintes, à peine rabotées, y était étendu'. — Pauvre vieux ! murmura l'un. — Ce que c'est tout de même que de nous ! — Quoi 1 on est mieux dessous que dessus. Le surveillant fit entendre un petit claquement de langue impatienté. — Nage, commanda-t-il d'une voix ferme. Les avirons replongèrent dans l'eau. Là-bas, la petite cloche sonnait toujours. — Ah ! les gredins ! fit tout à coup l'un des rameurs, ce qu'ils ont l'oreille fine ! « Regardez, chef, les voilà qui se préparent pour la table d'hôte. Autour de l'embarcation, l'onde avait perdu sa rigidité métal­ lique. En se penchant par-dessus bord, on distinguait vaguement d'énormes masses brunes qui filaient entre deux eaux, mettant à la surface de petits bouillonnements. Et, au fur et à mesure que, là-bas, la petite cloche de l'île Royale tintait plus lugubrement, la limpidité de la mer se trou­ blait d'une plus grande quantité de grands corps qui faisaient escorte au canot. Le surveillant détournait la tête avec dégoût. Les physionomies des forçats, un moment attristées, étaient redevenues sinistrement impassibles. L'un d'eux se pencha vers son voisin et lui ricana à l'oreille : — Hein ! Chardin, si tout de même c'était lui qu'était dans la boîte. Un éclair s'alluma dans la prunelle de l'autre qui gronda avec un accent de haine : — Y aurait du bon ! Et, poussant un soupir qui siffla entre ses dents, il enfonça- rageur sa rame dans la mer... On fit ainsi quelques encablures au milieu d'un silence pro­ fond que seuls troublaient, par instants, les coups de queue des requins fouettant l'onde. L'impatience les prenait du lugubre repas qu'on leur faisait trop attendre. — Si tout de même on essayait, reprit celui qui avait déjà parlé. — Quoi 1 demanda Chardin, n'osant comprendre. — Un soup. L'autre eut un haussement d'épaules. — Comment I avec quoi î —- La belle affaire i on l'empoigne tous ensemble et on le LES FORBANS AU PAYS DE L'OR 5 jette par-dessus bord. — Et puis, nage vers la Guyane hollan­ daise. — Pour se faire pincer par les agents ! — Vers la Guyane anglaise, alors. — Gomme ça, en plein jour ; t'es fou, Varlot I — En plein jour... avec une brume pareille... C'est à peine si on voit Cayenne. Quant à l'île Royale, disparue... évanouie... fondue dans le brouillard. La voix du surveillant se fit entendre. — Du silence, là-bas, et nage ferme. Les torses frémissants se courbèrent sur les avirons et la barque fila avec rapidité, toujours suivie de son escadron de requins. Reprenant l'entretien, Chardin déclara : — C'est de la folie I -ïa des moments où la folie est la seule chose raisonnable à faire — cent cinquante milles à boulotter... l'histoire de quarante-huit heures à se serrer le ventre... La cloche tintait toujours, égrenant dans l'air embrasé les lugubres notes du glas. — Stop ! commanda le surveillant, qui venait de tirer sa montre ; d'après l'heure seulement, en raison de la brume épaisse, il pouvait évaluer la distance parcourue. Maintenant, ils se trouvaient en eau profonde. Les avirons s'étaient arrêtés net. D'une voix dans laquelle il y avait comme une tristesse, le surveillant commanda : — Allons-y. Les forçats s'étaient levés, avaient rangé leurs avirons sur le plat du canot et se courbaient vers le fond pour s'emparer du cercueil. Pendant cette manœuvre, ils échangèrent rapidement entre eux quelques mots brefs. Leurs visages conservaient une impassibilité sinistre ; mais leurs paupières lourdes et flasques masquaient des regards où brillaient d'étranges lueurs. Cependant les requins — avertis par leur instinct — dres­ saient hors de l'eau leurs têtes hideuses, ouvrant" et refer­ mant leur terrible mâchoire avec impatience. — Oui — oui — les petits — un moment encore, ricana l'un des hommes. — Silence 1 commanda le surveillant. En présence de la mort, son âme simple se révoltait contre le cynisme de ces brutes. Le cercueil avait été posé sur l'avant du canot, l'une des extré­ mités appuyée sur le bord. — Adieu ! vat ! — dit le surveillant, après une courte hésita­ tion. 6 LÈS FOBBANS AU PAYS DE L'OR Penchés vers le cercueil pour la manœuvre, les quatre for­ çats eurent pendant quelques secondes leurs têtes groupées. L'un d'eux dit rapidement : — C'est convenu avec Chardin. — Alors, ça va. — Bien. Quand le corps sera à la mer et que je prendrai mon aviron — ce sera le signal — un coup l'étourdit et ça y est. Mais pas de fianchage au dernier moment. — Nous prends-tu pour des filles ? A Cayenne, l'administration pénitentiaire, jalouse et économe des deniers de la métropole, a trouvé un procédé excessive­ ment simple de rendre peu coûteux les derniers- devoirs à rendre aux condamnés. Au lieu de les inhumer, elle les immerge. Un canot, monté par quatre rameurs, remplace le classique corbillard et emmène, aux sons de la cloche tintante de la cha­ pelle, le corps jusqu'à sa dernière demeure. Là, à une assez grande distance de la terre, le canot fait halte, on enlève une des parois du cercueil, paroi mobile qui permet de faire glisser le corps à la mer et le canot ramène a terre le cercueil vide qui pourra ainsi servir pour une pro­ chaine fois. Ainsi fut-il fait. Le misérable cadavre, enveloppé d'un mauvais linge, glissa hors de sa funèbre boîte. Horrible spectacle : il n'avait point disparu" entièrement dans les flots que ceux-ci se teintèrent de pourpre instantanément Les requins, à l'affût, l'avaient happé. Pendant quelques secondes, il y eut à la surface de l'onde des remous produits par les combats furieux que se livraient les monstres autour de cette misérable proie. Puis, tout redevint calme ; il n'y eut, pour trahir le drame qui venait de se passer, que les cercles sanglants qui allaient s'agrandissant de seconde en seconde, sur les flots brûlants Le surveillant, au moment où le corps avait glissé du cercueil, avait porté la mam à son casque, dans un salut plein" de gra­ vité. L'opération funèbre terminée, il commanda : — En route ! Varlot jeta à ses camarades un rapide regard, pour S'assurer qu'ils étaient bien tous en communion d'idées. Il lut sur leur physionomie une même décision irrévoca­ blement arrêtée de tenter un moyen suprême et désespéré de recouvrer leur liberté. Alors, il saisit son aviron. C'était le signal. Au risque de faire chavirer la barque, les autres se ruèrent vers l'arrière où s'était assis le surveillant. L'agression fut si rapide -qu'il n'eût même pas le temps de porter la main à son revolver. LES FORBANS AU PAXS DE I/OB 7 Assommé par un coup d'aviron qui, écrasant son casque, lui fendait le crâne, il roula de son banc dans le fond de l'embar­ cation. En un clin d'ceil, les autres l'eurent saisi. — A l'eau ! firent-ils. Mais une voix cria : _ — Etes-vous fous... les agneaux î — Qu'est-ce qui te prend î nous a-t-il pas assez torturés et n'est-ce pas notre tour à avoir notre revanche î Mais celui qui prenait ainsi, de façon aussi inattendue, la défense du surveillant n'était point homme à s'émouvoir des grondements menaçants de ses compagnons. Plus adroit qu'eux, sans doute parce qu'il avait une idée déjà arrêtée, il s'était emparé, en bondissant avec les autres sur le malheureux, de son revolver. Et maintenant, le canon de l'arme braqué vers le groupe terrible que faisaient ses compagnons, il les immobilisa, bien plus foudroyés de stupeur que de crainte. — Ah hen I ah ben I ât l'un d'eux en regardant les autres, si je m'attendais à celle-là ! elle est verte, hein ! « Qu'est-ce qui te prend, Maubert, c'est-y le soleil qui te tape sur le cihoulot ? Maubert, un petit homme aux épaules étroites, au buste de gringalet, avec une mine chafouine dans laquelle luisaient des yeux pleins de ruse et de vice, Maubert répliqua : — Y m'prend, mon vieux Varlot, que je vous brûle l'un après l'autre, si vous ne vous asseyez immédiatement pour écouter, sages comme des images, ce que j'ai à vous dire... Ces paroles avaient été prononcées d'un ton faubourien et av
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