Le prince en sa cour. Des vertus aux usages (Guillaume de Tyr, Gilles de Rome, Michel Pintoin) - article ; n°3 ; vol.142, pg 633-646
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Le prince en sa cour. Des vertus aux usages (Guillaume de Tyr, Gilles de Rome, Michel Pintoin) - article ; n°3 ; vol.142, pg 633-646

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Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres - Année 1998 - Volume 142 - Numéro 3 - Pages 633-646
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Publié par
Publié le 01 janvier 1998
Nombre de lectures 34
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Monsieur Bernard Guenée
Le prince en sa cour. Des vertus aux usages (Guillaume de Tyr,
Gilles de Rome, Michel Pintoin)
In: Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 142e année, N. 3, 1998. pp. 633-
646.
Citer ce document / Cite this document :
Guenée Bernard. Le prince en sa cour. Des vertus aux usages (Guillaume de Tyr, Gilles de Rome, Michel Pintoin). In:
Comptes-rendus des séances de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, 142e année, N. 3, 1998. pp. 633-646.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/crai_0065-0536_1998_num_142_3_15895COMMUNICATION
LE PRINCE EN SA COUR. DES VERTUS AUX USAGES
(GUILLAUME DE TYR, GILLES DE ROME, MICHEL PINTOIN),
PAR M. BERNARD GUENÉE, MEMBRE DE L'ACADÉMIE
Vers 1279, Gilles de Rome écrivait son De regimine principum
pour le jeune Philippe, fils aîné de Philippe III le Hardi, qui allait
devenir, quelques années plus tard, IV le Bel. Gilles était
un ermite de Saint-Augustin. Il avait dix-sept ans lorsque son
ordre l'envoya étudier à Paris, en 1260. Il y suivit les cours de saint
Thomas, dont il devint un grand admirateur. De 1269 à 1272, Tho
mas commenta la Politique d'Aristote, qui venait tout juste d'être
découverte par l'Occident. Et, en 1279, Gilles de Rome réussissait
à la perfection la synthèse entre la tradition des miroirs au prince
capétiens et la pensée aristotélicienne1.
Ce chef-d'œuvre de la littérature politique eut tout de suite, et
jusqu'à la fin du XVIe siècle, en France et ailleurs, un extraordi
naire succès. Dès 1282, Henri de Gauchy en donnait une traduc
tion française. Il y eut quatre autres traductions françaises,
vingt-cinq traductions en diverses autres langues, quatre ver
sions latines abrégées. Quant à l'œuvre latine intégrale, il en
reste près de 250 manuscrits, ce qui est considérable.
Michel Pintoin, qui a vécu de 1349 à 1421, et qui a été chantre
de Saint-Denis, a écrit en latin une Chronique de Charles VI qui
couvre l'histoire du règne de 1380 à 1420. C'est une œuvre qui
entend donner, sur quarante ans, la suite des événements, mais
qui a aussi des ambitions littéraires. L'auteur s'est donc aidé de
modèles. Le plus sollicité semble avoir été YHistoria rerum in
partibus transmarinis gestarum où Guillaume (1130-1186), arche
vêque de Tyr, a raconté l'histoire du royaume latin de Jérusalem
jusqu'en 1184. Michel Pintoin y a puisé sa conception de l'his
toire et en a repris des phrases entières. Il est vrai que YHistoire
de Guillaume de Tyr n'est pas parmi les manuscrits conservés de
1. Dictionnaire des Lettres françaises. Le Moyen Âge, G. Hasenohr et M. Zink éd., Paris,
1992, p. 543. L.-Ph. Genêt, Les idées sociales et politiques en Angleterre du début du xrV siècle au
milieu du XVf siècle, dossier de soutenance de thèse de doctorat d'État sur travaux, multi-
graphié, Paris, 1997, p. 276-288. 634 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
la bibliothèque de Saint-Denis, mais le chantre l'a forcément
eue à portée de main pendant de longues années. C'est un des
nombreux manuscrits de la bibliothèque qui sont aujourd'hui
perdus2.
Le De regimine principum, lui non plus, n'est pas parmi les
manuscrits conservés de la bibliothèque de Saint-Denis. Rien ne
dit qu'il n'y était pas sous Charles VI. En tout cas, un exemplaire
de la traduction d'Henri de Gauchy y était. Et il est remarquable
que ce livre était un des deux livres qui, avant d'entrer dans la
bibliothèque de Saint-Denis, avait été en la possession de Richard
Lescot3. Richard Lescot était entré tout jeune à l'abbaye de Saint-
Denis, en 1329. Pendant plus de vingt ans, jusqu'en 1360, il y fut
un auteur incroyablement prolifique. Il écrivit de nombreuses
œuvres historiques, dont beaucoup sont perdues, et plusieurs
importants traités politiques. Il ne se contenta pas d'avoir dans sa
bibliothèque Le livre du gouvernement des rois et des princes. Il s'en
pénétra et l'annota. Or si, pour une raison que nous ignorons,
Richard Lescot cessa pratiquement d'écrire en 1360, il vécut jus
qu'en 1400. Et son successeur, qui reprit après lui la tête de l'ate
lier historiographique dionysien, fut Michel Pintoin. Comment
imaginer que celui-ci aurait pu ne pas connaître l'œuvre de Gilles
de Rome ?
Ma question est donc la suivante. Peut-on ranger le De regimine
principum parmi les œuvres dont Michel Pintoin a repris des
membres de phrases ou des phrases entières ? Peut- on retrouver
dans la forme même de la Chronique de Charles VI des preuves de
l'influence directe de l'œuvre de Gilles de Rome ?
Le De regimine principum est une œuvre immense et complexe
où cohabitent plusieurs traités. Je ne retiendrai pour mon enquête
que quelques-uns de ses 210 chapitres. Dans la première partie du
livre I, tout un groupe de chapitres traite de ce qui convient ou ne
convient pas à la majesté royale (quodnon decetregiam majestatemf.
D'autres chapitres traitent des mœurs des juvenes\ Je pourrai, à
l'occasion, m'y reporter. Mais je concentrerai mon attention sur
les chapitres où l'auteur traite des vertus que doivent avoir les rois
2. Chronique du Religieux de Saint-Denys contenant le règne de Charles VI de 1380 à 1422,
publiée en latin et traduite par M. L. Bellaguet, 6 vol., Paris, 1839-1852, reproduite avec une
introduction de Bernard Guenée, 3 vol., Paris, 1994 (désormais RSD).
3. Chronique de Richard Lescot, religieux de Saint-Denis (1328-1344)..., J. Lemoine éd.,
Paris, 1896, p. viii, n. 1. D. Nebbiai-Dalla Guarda, La Bibliothèque de l'abbaye de Saint-Denis
en France du IXe au Xllf siècle, Paris, 1985, p. 201 et 235.
4. Aegidii Romani... De regimine principum Libri III, Rome, 1556; reproduit Francfort,
1968 (désormais GR), I, 1, 5-11 ; fol. 9-23.
5. GR, I, 4, 1-2 ; fol. 112-116. GR, II, 2, 10-14 ; fol. 186 v°-194 v°. LE PRINCE ET SA COUR 635
et les princes6. Il en distingue deux groupes. Il y a d'abord les ver
tus qui cultivent le bien en soi, comme les quatre vertus cardi
nales. Mais il y a aussi les vertus dont nous devons faire preuve
dans nos rapports avec autrui {ut communicamus cum aliis)' . C'est à
ces vertus sociales du prince que je vais m'attacher, sans d'ailleurs
m'astreindre à suivre Gilles de Rome pas à pas, ma seule ambition
étant de le confronter à Guillaume de Tyr avant lui, et à Michel
Pintoin après lui.
Commençons par souligner les lignes de force de l'exposé de
Gilles de Rome. Dans nos relations avec autrui (communicando...
cum aliis), le problème est de nous bien conduire {sibene conversari
volumus...)*. C'est dans la conversatio, c'est-à-dire dans la conduite,
la manière d'être, la manière de se comporter avec autrui, que vont
devoir briller les vertus sociales du prince. La conduite du prince
doit être aussi noble que sa naissance. Il y a en effet deux sortes
de noblesse, la noblesse « secundum opinionem », comme cette
noblesse qu'on doit à sa naissance, et la noblesse « secundum veri-
tatem », comme la noblesse des mœurs. Il est plus facile à un noble
de naissance de se conduire noblement. Encore faut-il que cette
noblesse vraie accompagne et confirme la noblesse reconnue à ses
origines9. Ceci étant posé, la vertu consiste à éviter les excès. Car
on critique toujours les extrêmes, et on loue le juste milieu {semper
extrema vituperantur ; médium autem laudatur)10. Être vertueux, c'est
trouver la voie moyenne11.
Dans les rapports avec autrui, la vertu du juste milieu, c'est l'amab
ilité {amicabilitas)12 . On peut dire aussi l'affabilité {affabilitas)^ . Il y en
a qui sont trop aimables {nimis amicabiles). Ce sont des flatteurs {blan-
ditores), ou des gens qui ne veulent attrister personne. D'autres sont
des rustres {agrestes), incapables de se bien conduire en société. Dans
les rapports humains, entre le trop et le trop peu, la vertu du juste
milieu, c'est l'amabilité, ou affabilité1'. Il y a d'ailleurs amabilité et
amabilité. Le roi doit être aimable, mais se garder de trop de familiar
ité ifamiliaritas), car cela ruinerait le respect dû à la dignité royale15.
6.£A,I,2;foI.26v°-91.
7. C/M, 2, 28 ; fol. "8v°.
8. GR, I, 2, 28 ; fol. 79.
9. GR, II, 3, 18 ; fol. 232.
10. GR, 1,2, 30; fol. 82 v°.
11. GR, I, 2, 17 ; fol. 59 v\ GR, 1, 2, 28 ; fol. 79 v°.

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