Max Havelaar/Texte entier
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MultatuliMax HavelaarTraduction A. J. Nieuwenhuis et Henri Crisafulli.Dentu, 1876 (p. T).MAX HAVELAARPARMULTATULITRADUCTION DEA. J. NIEUWENHUIS et HENRI CRISAFULLI—Tome PremierROTTERDAM, PARIS,J. v. d. HOEVEN E. DENTUÉDITEURS1876.TOUS DROITS RÉSERVÉS.À LAMÉMOIRE TRÈS VÉNÉRÉEDEEVERDINE, HUBERTE, BARONNE VAN WYNBERGEN,ÉPOUSE FIDÈLE,MÈRE TENDRE ET HÉROÏQUE,NOBLE FEMME ;—J’ai souvent entendu plaindre les femmes de poëte ; et sans doute, pour tenir dignement dans la vie ce difficile emploi, aucune qualitén’est de trop. Le plus rare ensemble de mérites n’est que le strict nécessaire, et ne suffit même pas toujours au commun bonheur.Voir sans cesse la muse, en tiers dans vos plus familiers entretiens, recueillir dans ses bras et soigner ce poëte qui est votre mari,quand il vous revient meurtri par les déceptions de sa tâche, ou bien le voir s’envoler à la poursuite de sa chimère.... voila l’ordinairede l’existence pour une femme de poëte. Oui, mais aussi, il y a le chapitre des compensations, l’heure des lauriers qu’il a gagnés à lasueur de son génie, et qu’il dépose pieusement aux pieds de la femme légitimement aimée, aux genoux de l’Antigone qui sert deguide en ce monde à cet aveugle errant.Car, ne vous y trompez pas : presque tous les petit-fils d’Homère sont plus ou moins aveugles à leur façon ; ils voient ce que nous nevoyons pas ; leurs regards pénètrent plus haut et plus au fond que les nôtres ; mais ils ne savent pas voir droit devant ...

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Nombre de lectures 57
Langue Français
Poids de l'ouvrage 12 Mo

Extrait

Multatuli
Max Havelaar
Traduction A. J. Nieuwenhuis et Henri Crisafulli.
Dentu, 1876 (p. T).
MAX HAVELAAR
PAR
MULTATULI
TRADUCTION DE
A. J. NIEUWENHUIS et HENRI CRISAFULLI

Tome Premier
ROTTERDAM, PARIS,
J. v. d. HOEVEN E. DENTU
ÉDITEURS
1876.
TOUS DROITS RÉSERVÉS.
À LA
MÉMOIRE TRÈS VÉNÉRÉE
DE
EVERDINE, HUBERTE, BARONNE VAN WYNBERGEN,
ÉPOUSE FIDÈLE,
MÈRE TENDRE ET HÉROÏQUE,
NOBLE FEMME ;

J’ai souvent entendu plaindre les femmes de poëte ; et sans doute, pour tenir dignement dans la vie ce difficile emploi, aucune qualité
n’est de trop. Le plus rare ensemble de mérites n’est que le strict nécessaire, et ne suffit même pas toujours au commun bonheur.
Voir sans cesse la muse, en tiers dans vos plus familiers entretiens, recueillir dans ses bras et soigner ce poëte qui est votre mari,
quand il vous revient meurtri par les déceptions de sa tâche, ou bien le voir s’envoler à la poursuite de sa chimère.... voila l’ordinaire
de l’existence pour une femme de poëte. Oui, mais aussi, il y a le chapitre des compensations, l’heure des lauriers qu’il a gagnés à la
sueur de son génie, et qu’il dépose pieusement aux pieds de la femme légitimement aimée, aux genoux de l’Antigone qui sert de
guide en ce monde à cet aveugle errant.
Car, ne vous y trompez pas : presque tous les petit-fils d’Homère sont plus ou moins aveugles à leur façon ; ils voient ce que nous ne
voyons pas ; leurs regards pénètrent plus haut et plus au fond que les nôtres ; mais ils ne savent pas voir droit devant eux leur petit
bonhomme de chemin, et ils seraient capables de trébucher et de se casser le nez sur le moindre caillou, s’il leur fallait cheminer
sans soutien, dans ces vallées de prose où demeure la vie.”
Henry de Pène.
AVANT-PROPOS
______L’agent de police. Monsieur le Président, voici l’homme qui a assassiné la femme Barbarette.
Le Président. Il faut pendre cet homme. Comment s’y est-il pris ?
L’agent de police. Il l’a coupée en menus morceaux. Il l’a salée et enfermée dans une bourriche.
Le Président. C’est très mal, ce qu’il a fait là... on le pendra.
L’accusé Lothario. Monsieur le Président, ce n’est pas moi qui ai assassiné la femme Barbarette ; moi, je l’ai nourrie, vêtue et
soignée ; je puis citer des témoins qui déclareront que je suis un honnête homme, et non un assassin.
Le Président. Vous serez pendu. Vous l’avez coupée en morceaux, mise à la croque au sel, et renfermée dans une bourriche, la
femme Barbarette !… et vous êtes content de vous ! Voila pourtant trois chefs d’accusation bien acquis !… — Qui êtes-vous, ma
bonne femme ?
La femme Barbarette. Monsieur le Président, il ne m’a pas mise à la croque au sel… au contraire, il m’a fait beaucoup de bien…
c’est un digne homme !
L’accusé Lothario. Vous entendez, monsieur le Président ; elle dit que je suis un honnête homme.
Le Président. Hum ! Hum ! ... Il ne vous a pas coupée en morceaux, salée ni enfermée dans une bourriche… mais c’est un
impertinent. Qu’on le pende !
(Théâtre inédit.)
MAX HAVELAAR.
_______
I
Je suis commissionnaire en cafés, et je demeure, Canal des Lauriers, n°. 37.
Il n’est pas dans mes habitudes d’écrire des romans ou autres choses de la même farine. J’ai donc longuement réfléchi, avant de me
résoudre à commander deux rames de papier de plus qu’à l’ordinaire, et à commencer l’ouvrage que vous avez en mains, cher
lecteur.
Cet ouvrage, il vous faudra le lire, que vous soyez commissionnaire en cafés, vous-même, ou n’importe quoi.
Non seulement, je n’ai jamais écrit quoi que ce soit qui ressemble à un roman, mais en ma qualité de commerçant, tout ce qui
ressemble à un roman m’est parfaitement insupportable.
Depuis des années, je me demande à quoi servent les romans, et rien ne me stupéfie plus que l’impudence avec laquelle un poëte ou
un romancier ose vous faire accroire ce qui n’est jamais arrivé, et, le plus souvent, ce qui ne peut être arrivé.
Si, moi, dans ma branche de commerce, — je suis commissionnaire en cafés et je demeure Canal des Lauriers, n°. 37 — je faisais
une déclaration à un commettant, — un commettant, est un négociant qui vend du café, — où il y eut la millième partie des
mensonges qui forment le gros des poésies et romans, il s’adresserait immédiatement à Busselinck et Waterman.
Ce sont aussi des commissionnaires en cafés, mais vous n’avez pas besoin de connaître leur adresse.
Donc, je me garde bien d’écrire des romans ou de faire d’autres fausses déclarations. J’ai toujours observé que ceux qui se mêlent
de ces affaires-là finissent mal. J’ai quarante trois ans ; il y en a vingt que je fréquente la Bourse, et je peux me présenter quand on
demande un expert en ces matières. En ai-je vu tomber des maisons ! Et, le plus souvent, quand je remontais aux causes de leur
chute, je les trouvais dans la mauvaise direction que leurs chefs avaient reçue dans leur jeunesse.
Moi, je dis : de la vérité, et du bon sens, et je m’y tiens.
Naturellement, je fais une exception pour l’É c r i . t u r e S a i n t e
Notre mauvaise éducation commence à la lecture des poésies enfantines de Van Alphen, et cela dès son premier vers sur les
marmots, qu’il prétend être tous adorables. Comment, diantre, ce brave homme a-t-il pu adorer ma petite sœur Gertrude, aux yeuxchassieux, ou mon frère Gérard qui passait son temps à se fourrer les doigts dans le nez. Il prétend que c’est par tendresse, qu’il a
fait ces poésies-là !
Quand j’étais enfant, je me disais souvent : „ah ! mon petit père, que je voudrais te rencontrer ! Et si tu m’avais refusé des billes de
marbre, ou un gâteau contenant mon nom en toutes lettres, — je m’appelle Batave, — oh ! je n’aurais pas pris de gants pour
t’appeler : „menteur !”
Or, jamais, je n’ai vu Van Alphen. Il était même déjà mort, je crois, lorsqu’il nous racontait en vers que mon père était mon meilleur
ami, — moi, je lui préférais le petit Paul Winser, qui demeurait, près de nous, rue des Bataves — et que mon petit chien était la
reconnaissance même…. Nous n’avions pas de chiens, chez nous, parcequ’ils sont tous plus malpropres les uns que les autres.
Mensonge, que tout cela !
Et l’éducation des enfants se continue de la même façon. Ainsi, votre petite sœur est venue dans un gros chou, chez la fruitière du
coin !
Tous les Hollandais sont braves et généreux !
Les Romains étaient bien heureux que les Bataves leur laissassent une petite place au soleil !
Le bey de Tunis avait des coliques néphrétiques dès qu’il voyait flotter le drapeau hollandais !
Le duc d’Albe était un monstre !
La marée, en 1672, je crois, dura plus longtemps que d’ordinaire, pour défendre et protéger la Hollande !
Mensonges !
La Hollande est restée la Hollande, parce que nos ancêtres faisaient bien leurs affaires, et qu’ils avaient la foi véritable. Voilà tout.
Plus tard, on recommence de plus belle.
Ainsi, par exemple, une fille, c’est un ange. Un ange ! L’auteur de cette trouvaille n’a jamais eu de sœurs.
L’amour, c’est la béatitude ! On enlève l’objet aimé, un objet quelconque, et l’on fuit au bout du monde — mais, le monde n’a pas de
bouts, et cet amour-là n’est qu’une sottise.
Nul ne dira que je vis mal avec ma femme — c’est une fille de Last et Co, commissionnaires en cafés, — on n’a jamais trouvé rien à
redire à notre mariage. Je suis membre souscripteur du jardin zoologique N a t u r , a ( A L r a t i ns a tM u a r g e i s e t s r t a l a
m a î t r mae femmse a uns châlee long d e deudx centes franc s, et pl ourta’nt, il na’a jamrais étté que,stion )entre nous d’un
amour ayant absolument besoin de se loger au bout du monde.
Notre mariage accompli, nous avons fait une petite excursion à La Haye. Là, elle a acheté de la flanelle, et m’en a fait des gilets que
je porte encore ; jamais l’amour ne nous a poussés plus loin.
Sottises et mensonges, vous le voyez bien.
Et mon mariage est-il moins heureux que celui des insensés qui se rendent phthisiques ou chauves, par amour ? Mon ménag

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