Jean-Baptiste Rousseau — C a n t a t e sDianeÀ peine le soleil, au fond des antres sombres ,Avait du haut des cieux précipité les ombres,Quand la chaste Diane, à travers les forêts, Aperçut un lieu solitaireOù le fils de Vénus et les dieux ...
À peine le soleil, au fond des antres sombres , Avait du haut des cieux précipité les ombres, Quand la chaste Diane, à travers les forêts, Aperçutun lieu solitaire Où le fils de Vénus et les dieux de Cythère Dormaientsous un ombrage frais : Surprise, elle s’arrête ; et sa prompte colère S’exhale en ce discours, qu’elle adresse tout bas À ces dieux endormis, qui ne l’entendent pas :
Vouspar qui tant de misérables Gémissentsous d’indignes fers, Dormez,Amours inexorables, Laissezrespirer l’univers.
Profitonsde la nuit profonde Dontle sommeil couvre leurs yeux ; Assuronsle repos au monde, Enbrisant leurs traits odieux.
Vous,par qui tant de misérables Gémissentsous d’indignes fers, Dormez,Amours inexorables, Laissezrespirer l’univers.
À ces mots elle approche; et ses nymphes timides, Portant sans bruit leurs pas vers ces dieux homicides, D’une tremblante main saisissent leurs carquois ; Et bientôt du débris de leurs flèches perfides Sèmentles plaines et les bois. Tous les dieux des forêts, des fleuves, des montagnes, Viennent féliciter leurs heureuses compagnes, Et de leurs ennemis bravant les vains efforts, Exprimentainsi leurs transports :
Quelbonheur ! quelle victoire ! Queltriomphe ! quelle gloire ! LesAmours sont désarmés.
Jeunescœurs, rompez vos chaînes : Cessonsde craindre les peines Dontnous étions alarmés.
Quelbonheur ! quelle victoire ! Queltriomphe ! quelle gloire ! LesAmours sont désarmés.
L’Amour s’éveille au bruit de ces chants d’allégresse ; Maisquels objets lui sont offerts ! Quelréveil ! dieux ! quelle tristesse, Quand de ses dards brisés il voit les champs couverts ! « Un trait me reste encor dans ce désordre extrême. « Perfides, votre exemple instruira l’univers. » Il parle : le trait vole, et, traversant les airs, Vapercer Diane elle-même : Juste,mais trop cruel revers, Qui signale, grand dieu, ta vengeance suprême !
Respectonsl’Amour Tandisqu’il sommeille ; Etcraignons qu’un jour Cedieu ne s’éveille.
Envain nous romprons Tousles traits qu’il darde, Sinous ignorons Letrait qu’il nous garde.
Respectonsl’Amour Tandisqu’il sommeille ; Etcraignons qu’un jour Cedieu ne s’éveille.