Réceptions de l Enéide au Moyen Age - article ; n°1 ; vol.53, pg 173-189
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 2001 - Volume 53 - Numéro 1 - Pages 173-189
17 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2001
Nombre de lectures 48
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Francine Mora
Réceptions de l'Enéide au Moyen Age
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 2001, N°53. pp. 173-189.
Citer ce document / Cite this document :
Mora Francine. Réceptions de l'Enéide au Moyen Age. In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 2001,
N°53. pp. 173-189.
doi : 10.3406/caief.2001.1420
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_2001_num_53_1_1420RECEPTIONS DE L'ENEIDE
AU MOYEN ÂGE
Communication de Mme Francine MORA
(Université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines)
au Llle Congrès de l'Association, le 5 juillet 2000
Si le Moyen Age a pratiquement oublié le grec, il n'a par
contre jamais perdu le contact avec les œuvres littéraires
de l'Antiquité latine. Depuis les travaux de Hans-Robert
Jauss(l), on sait que tout auteur a commencé par être un
lecteur. Cette lecture assidue des textes du passé, de ceux
qu'on appelait à l'époque les auctores, les détenteurs
d'autorité, le Moyen Age s'y est adonné sans relâche,
puisant là formes et concepts pour sa propre création
poétique (2). La littérature médio-latine en porte témoi
gnage, ainsi que la en langue vernaculaire. Au
moment où elle prend naissance, au début du XIIe siècle,
cette dernière en effet est encore jeune et novice sur le
plan linguistique, mais elle est riche du poids d'une expé
rience littéraire vieille de plusieurs siècles.
Dans ce patrimoine poétique légué au Moyen Age par
ses prédécesseurs latins, l'œuvre de Virgile prend un
relief tout particulier. Et pourtant la hiérarchie médiévale
des auctores, comme on l'a souvent souligné, ne coïncide
pas exactement avec la nôtre (3). Des auteurs païens ou
(1) Pour une esthétique de la réception, trad. С. Maillard, Paris, Gallimard, 1978.
(2) Voir Ernst-Robert Curtius, La Littérature européenne et le Moyen-Age
latin, trad. J. Bréjoux, Paris, PUF, 1956.
(3) Voir Gunter Glauche, Schullekture itn Mittelalter. Entstehung und Wan-
dlungen des Lektiirekanons bis 1200 nach den Quellen dargestellt, Munich, 1970. 174 FRANCINEMORA
chrétiens de la fin de l'Antiquité comme Prudence, Juven-
cus, Sedulius, Boèce ou Martianus Capella sont universe
llement lus, recopiés et admirés, alors qu'ils sont
aujourd'hui presque complètement oubliés. Mais le pres
tige de l'œuvre virgilienne et notamment de l'Enéide, sans
doute en raison de la supériorité traditionnellement
conférée à l'épopée depuis la Poétique d'Aristote, ne se
dément pas tout au long de l'époque médiévale. Ce qu'on
peut remarquer, toutefois, c'est que la réception de cette
œuvre ne reste pas uniforme. Car YEnéide, loin d'être
perçue comme un texte isolé, est très régulièrement asso
ciée à d'autres textes qui la soutiennent et infléchissent
l'image que l'on peut s'en faire. Et comme ces textes
varient d'un siècle à l'autre, en raison des nouvelles atten
tes du public qui engendrent de nouvelles médiations
culturelles, c'est une œuvre très différente qui est ainsi
constamment recréée de siècle en siècle.
Nous nous proposons donc, dans une approche qui
restera forcément schématique, mais où nous allons
essayer de mettre en relief les principales mutations,
d'esquisser les grandes lignes de cette réception pluri-
forme(4). Trois étapes majeures peuvent être dégagées
d'emblée : celle qui correspond à la première « renais
sance » de l'époque carolingienne, où l'on s'efforce, dans
une perspective chrétienne, de « refaire Virgile en
mieux » ; celle qui se dessine avec la deuxième « renais
sance » du XIIe siècle, où YEnéide est repensée dans une
perspective platonicienne; et enfin celle qui s'ouvre, à
partir de la fin du XIIe siècle, sur le succès croissant d'une
littérature française de plus en plus affranchie de ses
modèles latins.
(4) Pour une étude plus détaillée, nous nous permettons de renvoyer à nos
deux ouvrages, L'Enéide médiévale et la chanson de geste, Paris, Champion,
1994 et L'Enéide médiévale et la naissance du roman, Paris, PUF, 1994. L'ENÉIDE AU MOYEN ÂGE 1 75
De l'épopée virgilienne, l'époque carolingienne retient
d'abord, dans un premier temps, la dimension politique,
et surtout le panégyrique d'Enée, conçu à la fois comme le
lointain ancêtre et le paradigme d'Auguste, puis de tous
les empereurs romains (5). Là s'exerce sans doute la
médiation culturelle de poètes latins de l'Antiquité
tardive comme Claudien (IVe s.) ou Sidoine Apollinaire
(Ve s.), chez qui le genre épique n'avait survécu que sous
la forme, plus limitée dans ses ambitions, du panégyrique
de cour (6). Mais a aussi joué, bien sûr, la volonté poli
tique des empereurs carolingiens et de leur entourage,
soucieux de fonder la légitimité du nouveau pouvoir
impérial en exploitant le motif de la translatio imperii. A
cette époque où la littérature en langue vernaculaire n'a
pas encore fait son apparition, la réception et la récriture
de l'Enéide sont purement médio-latines. Elles ont donné
naissance à des poèmes bien oubliés aujourd'hui, mais de
manière assez injuste, car ils méritent de retenir l'attention
tant par leur élaboration poétique que par la pensée qui
les soutient, et qui leur donne une forte organisation
structurale. Comme l'écrit Peter Godman, c'est à travers
eux qu'on voit se mettre en place « la puissante vision
d'une Rome renaissante » (7).
De ces poèmes, les deux plus intéressants sont d'une
part le Karolus Magnus et Leo Papa, écrit tout au début du
IXe siècle, pour glorifier l'empereur Charlemagne, par un
auteur inconnu que certains identifient à l'historien Egin-
hard, et d'autre part le poème rédigé vers 826-828 In honor
ent Hîudowici, c'est-à-dire en l'honneur de Louis le Pieux,
fils de Charlemagne, par Ermold le Noir, un clerc exilé à
Strasbourg pour avoir comploté contre son souverain et
désireux de rentrer en grâce. Dans ces deux œuvres, le
(5) Voir Peter Godman, Poets and emperors. Frankish politics and carolingian
poetry, Oxford, Clarendon Press, 1987.
(6) Voir par exemple le De laudibus Stiliconis, poème de Claudien en l'hon
neur du général Stilicon, ou les panégyriques de Sidoine en l'honneur de
trois empereurs romains successifs autant qu'éphémères, Anthémius, Avi-
tus et Majorien.
(7) P. Godman, op. cit., p. 92 : « a potent vision of renascent Rome ». FRANCINE MORA 176
rapport à l'Enéide s'établit grâce au procédé de la techni
que allusive, bien connu des auteurs latins, procédé qui
consiste, on le sait, à introduire dans un poème des vers
ou des fragments de vers empruntés, à la fois pour aff
icher une filiation et pour donner à ces emprunts une réso
nance nouvelle.
Le premier poème, le Karolus Magnus, écrit en hexa
mètres dactyliques — le mètre de l'épopée — , représente
le seul fragment conservé d'un ensemble qui était sans
doute à l'origine beaucoup plus vaste (8). Il raconte pour
l'essentiel l'entrevue à Paderborn du Pape Léon III, chassé
de ses états, et de l'empereur Charlemagne qui lui offre la
protection de son armée. Dans cette rencontre au sommet,
de nombreux remplois formels visent à faire se profiler,
derrière la silhouette du souverain carolingien, l'ombre
prestigieuse d'Enée. Ainsi le songe prémonitoire qui
annonce à Charlemagne l'arrivée du Pape mutilé et
sanglant démarque très nettement la vision qui, au livre II
de l'Enéide, fait apparaître devant Enée le fantôme mutilé
d'Hector. On retrouve d'un passage à l'autre les « larmes
abondantes » (effundere fletus) et les « meurtrissures
affreuses » (типа gerentem vulnera/ voînera illa gerens),
avec quelques déplacements étudiés; par exemple, la
« barbe hérissée » (squalentem barbam) laisse la place aux
« yeux souillés » (squalentes o

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