Robert Challe et Le Journal littéraire : du dialogue à la méprise - article ; n°1 ; vol.48, pg 43-56
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1996 - Volume 48 - Numéro 1 - Pages 43-56
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1996
Nombre de lectures 65
Langue Français

Extrait

Michèle Weil
Robert Challe et "Le Journal littéraire" : du dialogue à la méprise
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1996, N°48. pp. 43-56.
Citer ce document / Cite this document :
Weil Michèle. Robert Challe et "Le Journal littéraire" : du dialogue à la méprise. In: Cahiers de l'Association internationale des
études francaises, 1996, N°48. pp. 43-56.
doi : 10.3406/caief.1996.1236
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1996_num_48_1_1236ROBERT CHALLE ET
LE JOURNAL LITTÉRAIRE :
DU DIALOGUE À LA MÉPRISE
Communication de Mme Michèle WEIL
(Université Paul Valéry, Montpellier III)
au XLVIF Congrès de l'Association, le 17 juillet 1995
La correspondance que Challe entretient avec les
rédacteurs du Journal Littéraire se lit comme une « his
toire véritable », d'un romanesque vrai (1). C'est l'his
toire d'une complicité, idéalisée puis perdue, entre un
écrivain et des journalistes-philosophes du début du
XVIIIe siècle. Leur débat éclaire la conception que ces
nouveaux journalistes se font de leur mission, de leurs
responsabilités morales, sociales, littéraires. Mais il
témoigne aussi de la résistance de « l'Auteur », comme
se nomme Challe, conscient de sa liberté créatrice (2),
décidé à sauver son esthétique personnelle du roman.
Voici l'histoire tragi-comique d'une double méprise.
*
*
(1) Prosper Marchand, dans son Dictionnaire historique, Pierre de Hondt,
1758, écrit, p. 186 : « De Challe étoit un des Correspondans des premiers
Journalistes Littéraires de La Haie pour les Nouvelles littéraires de France
qu'ils emploioient pour leur Journal : et si les Lettres, qu'il leur écrivoit, qui
sont très agréables, et qui se trouvent entre mes mains, comme étant le seul
qui reste de la plus ancienne et primitive Société du Journal Littéraire ; si ces
Lettres, dis-je, étaient en assez grand nombre pour composer un Volume, ce
serait un 7e et dernier Ouvrage connu de L'Auteur des Illustres Françaises ».
(2) II a 56 ans en 1713. 44 MICHÈLE WEIL
Le Journal Littéraire est fondé à La Haye en 1713,
romanesque coïncidence, en même temps que paraît à
La Haye le roman de Challe - heureuse rencontre dans
le temps et l'espace. Ce périodique naît du projet origi
nal d'une société de jeunes écrivains : chacun des socié
taires apporte un compte rendu d'ouvrage que le grou
pe discute et améliore avant publication, pour éviter
« une trop grande subjectivité ou partialité » (3). Pros
per Marchand était le rédacteur spécialiste de l'histoire
et de la littérature françaises ; Van Effen se chargeait
des livres parus en Hollande (Provinces-Unies). Il est
donc probable que l'article sur le roman de Challe
résulte au moins de leur collaboration. La correspon
dance proprement dite qui suit l'article est sans doute
de la main de Van Effen, travailleur très assidu et seul à
rester après 1715 ; la correspondance est en effet de la
même main jusqu'en 1718.
Au total, le Journal Littéraire compte 24 volumes in-8,
bimestriels d'abord puis de rythme irrégulier, de 1713 à
1737, avec une interruption de 1724 à 1728. Thomas
Johnson, libraire, en est l'éditeur-fondateur, concurrent
courtois d'Abraham de Hondt qui a publié Les Illustres
Françaises — courtois puisque le Journal Littéraire en fait
immédiatement un compte rendu très favorable. Inuti
le de présenter longuement Robert Challe, désormais
célèbre. Rappelons seulement sa marginalité d'homme
et d'auteur resté anonyme malgré son succès de librai
rie au XVIIIe siècle, écrivain à part, impubliable en Fran
ce : il se sait condamné à l'originalité, dans une société
(3) Les faits sont établis dans la correspondance éditée par Frédéric
Deloffre, « Robert Challe et le journal Littéraire de la Haye, 1713-1718 »,
Annales Universitatis Saraviensis, III, 1/2, 1954, à partir d'un manuscrit
découvert à la Bibliothèque de Leyde. C'est l'édition de référence pour notre
pagination. Frédéric Deloffre prépare des Œuvres complètes de
Robert Challe chez Droz. Slatkine a réédité originale du Journal Lit
téraire, en 6 volumes, en 1968. CHALLE 45 ROBERT
louis-quatorzième, par son franc-parler et son sang
bouillant.
Pour le lecteur, destinataire imprévu, cette correspon
dance n'est pas simplement littéraire. En trois temps,
de l'idylle confiante aux inquiétudes puis au drame de
la rupture, il lit l'histoire véritable des illusions perdues
d'un romancier-« historien » (4).
Cela commence par un coup de foudre intellectuel
réciproque, dans la jubilation complice, témoin l'article
paru en 1713 et les deux premières lettres privées
échangées, du 30 décembre 1713 et du 9 janvier 1714.
Ils se couvrent réciproquement de compliments :
Le livre dont nous venons d'annoncer le titre, contient VII
Histoires, dont la lecture peut extrêmement attacher ceux
qui aiment à s'instruire des Anecdotes de la Galanterie. L'on
peut juger combien les incidens en sont touchants, par la
pitié, la tendresse et la surprise qu'elles causent, et par
l'émotion générale qu'elles laissent (p. 146).
Réponse de Challe :
Je ne vous flatterai point sur votre projet. Votre Préface est
d'un goût admirable, on n'a jamais rien inventé de plus
utile, ny formé pour la République des Lettres un plus beau
plan que le votre, et je souhaite de tout mon cœur, que vous,
Monsieur, et Messieurs vos associez, jouissiez d'une santé
parfaite pour continuer un ouvrage si curieux et si nécessair
e. [...] Un homme aussi délicat que vous [...] (p. 151-152).
D'un ton joyeux, les deux hommes font assaut d'es
prit fin, malicieux, enjoué ; leur connivence contre les
ennemis communs renforce ces liens.
Challe :
J'oubliois de vous remercier des reflexions que vous faites
sur l'ouvrage , il y en a de très édiffiantes et très chrétiennes,
(4) Dans la double acception du terme chez Robert Challe. 46 MICHÈLE WEIL
il y en a aussi de bien malicieuses, surtout celles des fausses
prudes est fort de mon goût (p. 154).
Le journaliste :
Nous prenons part à la joye [...]. Un homme d'esprit comme
vous... Pourvu que nous puissions plaire aux honnêtes gens,
nous nous embarrasserons fort peu des criailleries d'un tas
de Grimaux et de Pedans (p. 154).
Challe :
On ne peut rien de plus fin ni de plus délicat que votre stile
et vos pensées [...] Votre elocution concise et énergique rend
justice comme vous le dites aux Grimaux et au pédants.
Les rares critiques font naître un véritable dialogue
interactif sur plusieurs problèmes : le style de Challe
romancier, la naissance de Mme de Contamine et les
croyances superstitieuses (horoscope et sangs mêlés)
auxquelles il donne trop beau rôle. Les réponses restent
des justifications aimables et argumentées :
Nous avouons que nous avons fait tort à Madame de Conta
mine, en la traittant d'une personne de basse naissance, et
nous vous en demandons pardon[...]. Vous ne devez pas
trouver mauvais ce que nous avons dit sur les idées de
superstition, qui sont répandues dans vôtre Ouvrage (p. 154-
155).
Deuxième acte, la correspondance de l'année 1714
voit la montée des malentendus. Dix lettres sont pour
tant échangées dans l'année, suivant un rythme rapide.
Certes l'entente joyeuse se prolonge ; les deux interl
ocuteurs découvrent avec ravissement l'approbation
admirative de l'autre, en un début de célébrité qui les
exalte tous deux. Certes ils se disent impatients de tra
vailler ensemble, dans la confiance, avec une joie intel
lectuelle qui sait se faire sensuelle, car leur complicité
est faite aussi de goût et de comportements. CHALLE 47 ROBERT
Le journaliste :
Votre enjoûment et quelques bouteilles de vin de Champ
agne ne contribueront pas peu à nous faire passer agréable
ment la soirée. On bût à votre santé avec plaisir parce que
vous avez l'air galant homme et parce que le vin étoit très
bon. Vous voyez, Monsieur, parce que nous venons de dire,
que nous ne buvons pas toujours de l'eau, quoiq

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