Les Aventures Singulières de René : "La Poupée de Laeticia"
16 pages
Français

Les Aventures Singulières de René : "La Poupée de Laeticia"

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
16 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

René, le héros, est un personnage haut en couleur. Docte médecin à la retraite, il doit garder avec sa dévouée épouse l'un de ses petits enfants pendant plusieurs jours. Il fait donc appel aux bons services d'une Nounou.Il lui arrive ensuite une aventure des plus singulières constituant un véritable défi à son esprit cartésien.

Sujets

Informations

Publié par
Publié le 01 mars 2012
Nombre de lectures 239
Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

La Poupée de Laetitia  
Témoignage de Jean Paul POIRIER  
Les Éditions de la Corne d’Or  
      AVIS AU LECTEUR     Pour rationnel que soit René , vous découvrirez à la lecture de cette nouvelle « aventure singulière » rigoureusement authentique que dans le doute il sait se montrer prudent . Rien ne sert en effet de s entêter dans ses certitudes si cela risque de conduire au désastre .                                                                               l’éditeur  
 CHAPITRE 1     L’art d’être grand’pè ’ st pas de tout repos ! René en faisait depuis maintenant huit re n e jours l’expérience , depuis que son fils et sa bru avaient dû s’absenter précipitamment pour Londres sans emmener avec eux Benjamin . Huit jours pendant lesquels Claude n’avait plus une seule minute à lui consacrer , contrainte de ne s’intéresser dorénavant qu’aux faits et gestes de leur petit fils .   L’organisation des journées s’en était trouvée totalement modifiée car dès sept heures du matin le bambin se précipitait , affamé et en pleine forme , dans le lit de ses grand’parents pour les réveiller , empêchant René de faire la moindre grasse matinée ! Toute la journée il ne cessait de réclamer quelque chose ou encore voulait que l’on joue avec lui ! Pire , quand René se livrait à l’une de ses activités artistiques , Benjamin cherchait à l’imiter en attrapant sans ménagement stylo , pinceau , ciseau ou colle au risque de provoquer des dommages aux meubles et tapis .  Finie la quiétude du retraité ! René ne pouvait retrouver quelque liberté qu’en inventant mille prétextes pour s’échapper de la maison en laissant Claude se débrouiller toute seule avec leur petit fils .  De temps à autre , toutefois , la maisonnée retrouvait sa tranquillité ; Benjamin , réveillé tôt , faisait sans discuter la sieste en début d’après midi et le soir il se couchait de bonne heure sans rechigner . Mais malgré le calme ainsi revenu , le climat familial n’était plus pour autant le même ; finies les tendres discussions entre époux , finis les petits dîners bien mijotés , finies les sorties conviviales et les soirées entre amis .   De plus René se rendait compte qu‘au bout d’une semaine à peine Claude , son épouse ô combien dévouée , présentait tous les signes extérieurs d’une grande fatigue . Surveiller constamment un bambin n’était plus de son âge , bien que les années n’aient guère laissé de traces sur son physique et son entrain .  Il lui fallait donc prendre rapidement une décision s’il ne voulait pas que son épouse tombe malade d’épuisement . Mais que faire ? Bertrand et Alexandra , les heureux parents , ne devaient revenir en France que dans quinze jours . Pas question de les inquiéter ! René ne pouvait pas non plus solliciter l’aide de François et Capucine qui avaient eux -mêmes à s’occuper d’ Avril . De surcroît il n’était pas invraisemblable d’imaginer qu’un jour ou l’autre ces derniers leur demanderaient de bien vouloir également garder quelque temps leur adorable petite fille .  Impossible de confier Benjamin dans la journée à une quelconque crèche , car d’une part les places y étaient difficiles à trouver en cours d’année scolaire et d’autre part René et Claude n’avaient aucune priorité n’étant plus un jeune couple de parents qui travaillent . Enfin que penseraient Bertrand et Alexandra s’ils se déchargeaient ainsi de Benjamin ? N auraient -ils pas le sentiment d’avoir affaire à de bien piètres grand’parents ?  
A force de réfléchir à cet angoissant problème , René crut trouver une solution : recruter une « nounou » susceptible d’aider Claude à s’occuper de Benjamin quelques heures par jour . Toutefois il ne pouvait embaucher une jeune fille au pair car avec l’ ctuelle a législation sociale le temps de régulariser tous les documents administratifs Bertrand et Alexandra seraient revenus de Londres . De plus il n’était pas sérieux de n’offrir à une adolescente voulant faire ses études en France un hébergement que pour seulement … quinze jours !  En revanche , avec le chômage que nos syndicats et pouvoirs publics ne cessent de mettre en exergue , René estima qu’il ne devait pas être difficile de trouver une «  auxiliaire puéricultrice agrée » en quête d’un travail même précaire .   Aussitôt pensé, aussitôt fait . René s’empressa d’acheter le journal local pour y consulter minutieusement les petites annonces . Mais quelle ne fut pas sa déconvenue en constatant que s’il existait de longues colonnes «  d’offres de carrières  » en revanche aucune des rares « demandes d’emploi  » ne correspondait à ce qu‘il recherchait. A croire qu’il n’existait plus personne exerçant ce type d’activité professionnelle !   Dépité , il téléphona à quelques uns de ses nombreux amis parents d’adolescentes afin de savoir si l’une d’entre elles accepterait de lui rendre ce service , moyennant bien entendu finances . Mais , là encore , il fit chou-blanc , toutes étant en période d’examens universitaires ou en recherche de stages professionnels dignes des diplômes qu’elles avaient brillamment réussis . Pas question de leur offrir un emploi si peu compatible avec leurs études !  Ne sachant plus que faire , René commençait à désespérer . Même les services sociaux de la municipalité étaient dans l’incapacité de résoudre son problème !    Il est vraisemblable que la fatigue de Claude aurait perduré si par le plus grand des hasards cette dernière n’avait pas demandé à René d’aller chercher d’urgence , à plus de huit heures du soir , chez l’épicier arabe voisin (seul ouvert sept jours sur sept et vingt quatre heures sur vingt quatre) une bouteille de lait pour le petit déjeuner du lendemain de Benjamin .  Tout en maugréant contre ce manque de prévoyance inhabituel de son épouse , signe extérieur de son degré de fatigue , René se rendit à pied chez l’épicier . En payant son emplette il remarqua parmi le capharnaüm situé au dessus de la caisse enregistreuse des petites annonces manuscrites épinglées sur le mur . Y jetant machinalement un coup d’œil rapide , il découvrit que l’une d’entre elles était ainsi libellée : jeune fi l e sérieuse cherche enfant à garder sauf la nuit . Tel: 06.05.89.23.33 .  Et c’est ainsi que parti nuitamment en bougonnant René rentra ce soir là un quart d’heure plus tard chez lui tout souriant , la bouteille de lait à la main et la petite annonce manuscrite dans la poche .       
 CHAPITRE 2     Le lendemain matin , bien que réveillé par Benjamin dès sept heures , René attendit avec impatience plus de deux heures avant de téléphoner au numéro qu’il avait trouvé la veille au soir chez l’épicier arabe . Il estimait en effet plus correct d’attendre une heure raisonnable pour appeler quelqu’un qu’il ne connaissait pas . Le numéro correspondait à un portable et il entendit une voix riante et jeune lui annoncer :  « Vous êtes présentement chez Laetitia . Je suis momentanément absente . Merci de laisser votre message et je vous rappe l erai » .  Désappointé , René ne sut que répondre sur l’instant . Il raccrocha et réfléchit à la phrase (qu’il voulait courte) à laisser sur la messagerie de Laetitia afin qu’elle ait envie de le rappeler . Puis il refit le numéro cinq minutes après . Or à sa grande surprise , ce ne fut plus un enregistrement qu’il ré -entendit mais la même voix lui dire : « Vous venez de mappeler . Cest le même numéro de téléphone que je vois sur lécran . Qui êtes -vous ? Quel est le motif de votre appel ? » .  Sans entrer dans trop de détails , René exposa brièvement (du moins le crût -il) son problème à cette jeune inconnue qui l’écouta sans rien dire . Au bout d’ n moment elle  u l’interrompit pour lui demander où il lui faudrait garder Benjamin . En entendant l’adresse de la maison de René , elle se montra enthousiaste car elle n’habitait qu’à cinq minutes à pied . Rendez-vous fut donc pris pour l’après -midi même afin de discuter plus longuement des conditions financières et des modalités pratiques de son travail , Laetitia se réservant de les accepter ou non .  Puis quelques heures plus tard , en entendant la sonnerie de sa porte d’entrée , René dégringola rapidement l’escalier de sa confortable demeure pour aller ouvrir à cette Laetitia dont il n’avait jusqu’à présent connu que la voix jeune , douce et agréable .   En ouvrant la porte il eut la surprise de découvrir tout à la fois qu’elle était noir -cirage ,élancée , plus grande que lui , âgée d’une vingtaine d’années avec un visage à damner un dominicain .  Un peu impressionné par elle , René s’empressa d’appeler ( à l’aide ?) Claude en lui expliquant la raison du rendez-vous qu’il lui avait donné sans la tenir informée .   Bien que surprise de l’initiative que son mari avait cru devoir prendre sans même la consulter , Claude se garda bien de faire quelque réflexion que ce soit à René . Elle invita simplement la jeune femme à monter au salon afin de voir la réaction de Benjamin et de s’entretenir plus longuement avec elle avant de décider si elle pourrait ou non la seconder .   Au bout d’une demi heure de conversation Laetitia fut définitivement adoptée non seulement par René et Claude mais surtout par Benjamin qui , nullement impressionné devant cette étrangère, s’était empressé de grimper sur ses genoux .    
Il faut reconnaître que Laetitia était en tous points une jeune femme remarquable . Avec son diplôme de puéricultrice , elle n’avait jusqu’alors réussi qu’à trouver des stages non rémunérés ou encore des emplois-jeunes sous-payés issus de l’imagination de nos gouvernants pour pallier l’absentéisme chronique à leur travail de nos fonctionnaires patentés .  Toujours est-il qu’issue d’un milieu d’immigrés togolais modestes mais travailleurs , Laetitia avait volontairement choisi de se consacrer aux enfants mais regrettait le peu d’enthousiasme des familles locales à lui confier leur progéniture ( sans doute pour des raisons aussi obscures que la couleur de sa peau ) alors qu’elle avait obtenu sans difficulté tous les diplômes nécessaires Pendant les quinze jours qui suivirent Claude et Laetitia s’entendirent à merveille, Laetitia aidant même à préparer le déjeuner que tous prenaient ensemble et à ranger la table . Benjamin fut heureux de passer la majeure partie de ses journées avec elle , et il se montra particulièrement gentil et affectueux , malgré quelques caprices passagers que Laetitia sut gérer avec douceur et diplomatie Elle réussit même à l’intéresser à toutes une série d’activités éducatives allant du coloriage aux devinettes , à lui faire prononcer correctement les mots et les phrases et surtout à le faire se tenir tranquille quand il commençait à trop s’agiter . En un mot , Laetitia se révéla être une véritable « perle » pour Claude et René qui purent ainsi continuer à exercer sereinement leur rôle de grand’parents sans être débordés par la vivacité de leur petit-fils .  Ce dont René et Claude ne s’aperçurent absolument pas est que Laetitia avait en plus de sa solide expérience des enfants un petit secret pour canaliser l’humeur de Benjamin . Ce secret résidait dans une petite poupée de bois , fabriquée au pays Dogon , qu’elle utilisait avec Benjamin comme une marionnette ; quand Benjamin était triste , la petite poupée l’était aussi ; quand Benjamin faisait un caprice , la petite poupée le faisait aussi ; quand Benjamin s’énervait , la petite poupée s’énervait ; quand Benjamin faisait une bêtise , la petite poupée la faisait également . Et à chaque fois Laetitia demandait à Benjamin de parler à la poupée pour lui faire changer d’attitude en la consolant ou la grondant selon les cas . Or en attribuant à cette petite poupée ses sautes d’humeur , Benjamin se contrôlait inconsciemment lui-même . En cherchant une solution pour la poupée , il la trouvait pour lui -même . Ce n’était pas pour autant SA poupée ; c’était celle de Laetitia et il ne voulait pas lui faire de peine car elle était aussi gentille que Laetitia .  Un matin , Benjamin ne revit plus Laetitia et René lui expliqua qu‘il ne la reverrait probablement pas de sitôt. Un soupçon de tristesse apparut sur les traits de Benjamin mais il fut vite dissipé car au même moment il eut la surprise de voir revenir ses parents , les quinze jours s’étant écoulés .   Après le départ de Benjamin , René et Claude purent reprendre leur habitudes domestiques , en se promettant de faire de nouveau appel à cette charmante jeune femme dès qu’ils se verraient confier la garde de l’un ou l’autre de leurs petits enfants . Mais c est alors que commença l’une des plus «  Singulières aventures de René » qu’il me soit permis de vous conter .  
 CHAPITRE 3     Plus d’une semaine s’était écoulée depuis le retour des parents de Benjamin . René n’avait toutefois pas revu son petit fils , car bien que résidant à quelques minutes en voiture de St-Germain-en-Laye , Bertrand et Alexandra n’avaient pas eu le temps matériel de lui rendre visite .  En repensant aux trois semaines durant lesquelles Claude et lui avaient gardé Benjamin , René se sentit envahi par la nostalgie : le bambin lui manquait sans trop savoir pourquoi. Il ne le voyait plus courir d’une pièce à l’autre à la poursuite de Bobine , le chat de la maison ; il n’était plus réveillé par lui dès l’aube ; il ne participait plus à ses jeux enfantins ; il ne s’entendait plus appeler « Papou » .  Claude avait repris ses habitudes d’avant ; elle ne semblait pas affectée par le départ de Benjamin ni inquiète de n’avoir aucune nouvelle de ses parents , habituée sans doute au silence parfois prolongé de ses quatre garçons . « Pas de nouvelles , bonnes nouvelles » disait le proverbe ; il n’y avait effectivement aucune raison de s’inquiéter .   Toutefois , ce matin là , René regrettait que Benjamin ne soit pas en train de le faire rire avec ses facéties , ne lui dise plus « Papou , tu es un monstre  mais un monstre gentil » .  Déambulant dans son confortable salon sans savoir comment occuper sa matinée , il ne pouvait s’empêcher de se remémorer le spectacle de son petit fils jouant assis sur le tapis avec ses innombrables jouets .  Furtivement il crut déceler la présence de l’un d’entre eux sous la commode située à l’un des angles de la pièce . « Tiens! » se dit René .  «  Claude a pourtant passé plusieurs fois laspirateur ces jours derniers!  Ne laurait -e l e pas remarqué? »  Se baissant le plus possible , malgré les affres de son genou opéré , pour examiner ce qui se trouvait ainsi par inadvertance sous la commode , René ne distingua qu’un … vulgaire morceau de bois !  « Diantre » maugréa-il déçu . Il ne pouvait s’agir que d’une banale chute des cageots qu’il avait récemment utilisés pour confectionner lui -même les cadres de ses dernières œuvres picturales .  Se mettant à quatre pattes au risque de faire craquer les coutures de son pantalon , René réussit après quelques tentatives à l’attraper d’une main et à le sortir de sa cachette . Il se rendit alors compte qu’en fait de morceau de bois , celui -ci était d’ébène , entièrement sculpté et qu’il avait la forme d’une petite statuette pouvant se tenir debout .   Cher lecteur qui avait lu avec intérêt les deux premiers chapitres de cette nouvelle « aventure singulière de René » vous avez tout de suite compris qu’il ne pouvait s’agir que de la poupée de Laetitia . Mais René l’ignorait totalement .     
Examinant de près cette petite statuette qu’il avait ainsi découverte par le plus grand des hasards sous la commode , René fut immédiatement enthousiasmé . D’une quinzaine de centimètres , elle symbolisait une femme telle que peut se la représenter en enfant en bas âge : d’abord une énorme tête avec de grands yeux calmes et apaisants , un nez pointu et une bouche souriante ; soutenant la tête , un corps avec deux petits bras , deux seins et un nombril ; pas véritablement de jambes mais un socle lui permettant de se tenir debout .  Ce qui impressionna le plus René était la qualité du travail de sculpture que l’artiste avait accompli . Ce n’était pas en effet un travail grossier mais au contraire minutieusement fignolé : le bois noir avait été finement poli , comme lustré et pour accentuer les traits du visage un peu de terre ocre avait été incrusté au niveau des yeux et de la bouche .  René estima qu’elle constituait manifestement une véritable œuvre d’art digne d’être dorénavant mise en valeur dans son salon . Elle ne déparerait pas ses propres créations picturales dont ce dernier était déjà fortement encombré .  Et puisque René l’avait trouvée sous la commode , la meilleure place qu’il pouvait lui réserver était de la poser tout simplement dessus . D’ailleurs en reculant pour vérifier l’effet d’ensemble , René fut pleinement satisfait : la petite statuette , bien que visible au premier coup d’œil , n’empêchait nullement le regard d’être attiré par l’une de ses œuvres maîtresses accrochée au mur , un imposant samouraï au sabre tordu .  *  Heureux d’avoir ainsi rehaussé l’harmonie générale de son salon par une sculpture qui ne lui avait rien coûté , René ne s interrogea pas plus sur l’origine de celle -ci et les circonstances qui l’avaient fait se retrouver sous sa commode . L’aurait -il dû ? Les évènements décrits dans les pages qui vont suivre vous permettront vraisemblablement d’être en mesure de pouvoir répondre à cette question .                     *Note de l’éditeur:lire «  Nuit d’effroi à La Brousse  » publié aux Éditions de la Corne d’Or  
 CHAPITRE 4    L’après -midi même , René devait s’entretenir longuement avec l’un de ses amis , Xavier , Président du LIONS Club de Saint-Germain-en-Laye , sur l’organisation d’une manifestation destinée à recueillir des fonds pour une œuvre sociale . Membre éminent de cette association internationale , René ne voulait pas faillir à la délicate mission qui lui avait été confiée et dont il était d’ailleurs l’instigateur à savoir un bal costumé sur le thème des années trente , dans la salle prestigieuse du manège royal , avec la participation des distingués musiciens de l’Orphéon dont il était de surcroît lui -même le Président-Chef d’Orchestre .   Or cet ami étant débordé par son activité professionnelle qui l’amenait à s’absenter fréquemment de France pour séjourner en Afrique n’avait pas eu le temps matériel de le rencontrer précédemment pour faire le point sur l’état d’avancement des préparatifs de cette importante manifestation .  Toujours est-il qu’à quatorze heures sonnantes , il carillonnait à la porte d’entrée , contraignant René à avaler séance tenante et au risque de s’étouffer la totalité de l’éclair au chocolat constituant le dessert de son déjeuner .  En s’installant confortablement dans le fauteuil du salon face à la commode , Xavier l’interpella : «  Tiens , tu tintéresses aux statues africaines ? Cest la première fois que jen vois une chez toi  . Sais-tu si e l e est chargée ? » .  René ne comprenant pas le sens de cette question car ne voyant pas ce que Xavier voulait dire par ce mot « chargée » , il eut alors le plaisir d’entendre son ami lui faire un véritable cours sur le Vaudou .  Certes René , dont la grande culture générale n‘était pas à démontrer, n’ignorait pas qu’il s’agissait d’un culte ancestral issu , à travers l’ancienne traite négrière , des religions du golfe du Bénin et qui mêlait éléments africains et catholiques ; que ses rites , notamment ses cérémonies de possession , visaient à entrer en relation avec un ensemble de divinités plus proches que Dieu lui-même considéré comme étant trop lointain ; que ses divinités servies essentiellement par des prêtresses étaient réputées offrir aux hommes prospérité et guérison .  Mais Xavier , connaissant mieux le sujet en raison de ses fréquents et souvent longs séjours africains , lui donna moult détails sur la symbolique des masques et des statues , sur le déroulement des cérémonies aux cours desquelles des prêtresses se mettaient en état de transe afin d’incarner les diverses divinités Vaudoues et de pouvoir ainsi servir d’intermédiaires pour exprimer leurs volontés , puis sur les procédés d’envoûtement les plus couramment utilisés et les fétiches qu’achetaient les africains dans des marchés spécialisés pour tenter de s’en prémunir .   Prenant l’exemple de sa petite sculpture , Xavier lui apprit que certaines d’entre elles avaient été « chargées » au cours d’un rituel spécial leur conférant les pouvoirs de la divinité qu’elles représentaient .  
Attrapant alors la statuette pour la regarder de plus près , René se demanda quelle divinité cette dernière pouvait bien représenter . Pour sûr il s’agissait bien d’une femme , au visage calme et avenant exprimant une certaine béatitude . Les signes incurvés sur son front devaient vraisemblablement permettre à un spécialiste de l’identifier .   Mais pour docte qu’il fut en la matière , Xavier se montra incapable de pouvoir le renseigner plus avant et lui conseilla , s’il voulait être plus amplement informé , d’aller interroger l’un des nombreux marabouts tenant officine du côté de la porte de Clignancourt .  Se voyant mal débourser quelque somme que ce soit au profit d’un charlatan en médecine africaine , René décida de ne pas pousser plus loin ses investigations . La petite statuette était plaisante à regarder , elle ne choquait pas l’harmonieuse décoration de son salon , en un mot elle ne faisait de mal à personne et puisque le hasard l’avait fait se trouver sous la commode , ce ne pouvait être qu’à la suite de circonstances banales qu’il découvrirait un jour ou l’autre .   Tel était ainsi l’état d’esprit de René lorsque , plusieurs heures plus tard , Xavier étant retourné vaquer à ses autres occupations , il regardait de nouveau avec satisfaction l’allure gracieuse de la statuette bien positionnée debout au milieu de sa commode .  Son esprit cartésien , gage d’une grande sagesse , lui interdisait d’imaginer que ce petit objet en bois puisse être doté de quelconques pouvoirs . Comme les africains pouvaient être naïfs ! Nul doute que leur naïveté était l’une des raisons pour lesquelles leurs pays restaient en majeure partie totalement sous -développés , malgré les efforts des occidentaux et des organisations internationales pour leur venir en aide .  Le reste de la soirée se déroula comme à l’accoutumée . Claude et René , une fois leur dîner terminé , s’installèrent confortablement dans leur salon en faisant semblant de s’intéresser à l’émission de «  réality show » débile , réalisée à moindre coût , dont nos actuels programmateurs inondent toutes les chaînes de télévision sous prétexte de nous sensibiliser aux problèmes de nos concitoyens .  Or l’imposant poste panoramique acheté récemment se trouvant à proximité de la commode , René ne le regardait que d’un œil distrait , le regard attiré par la petite sculpture . Et n’écoutant que d’une oreille le débat houleux des  participants » de « l’émission d’autant plus désorganisée que chacun d’entre eux voulait absolument que son passage à l’écran soit remarqué , il songeait à tout ce que Xavier lui avait apprit sur ces rites Vaudous d’un autre âge que pourtant bon nombre de personnes , même vivant depuis longtemps en France , continuaient de pratiquer .  Constatant au bout d’un moment que Claude s’était endormie dans son fauteuil , il décida qu’il était grand temps d’aller se coucher .       
 CHAPITRE 5     Au beau milieu de la nuit , Claude fut brusquement réveillée par un horrible cri . Allumant immédiatement la veilleuse de la table de nuit , elle vit que René , allongé à côté d’elle les yeux fermés , était agité de tremblements des pieds à la tête , comme s’il avait la danse de Saint Guy . Son visage ruisselait de sueur et sa bouche émettait des râles entrecoupés de paroles incompréhensibles .  Affolée , elle se demanda immédiatement de quelle maladie venait d’être atteint René qui se portait la veille comme un charme . Et elle tenta d’une main de le réveiller pour pouvoir comprendre d’où il souffrait .   Mais René n’ouvrit pas les yeux , s’agitant inconscient de plus belle sur le lit en cherchant à repousser cette main qui s’était posée sur son front , poussant un nouveau hurlement strident qui devait s’entendre dans tout le voisinage .   Ne sachant que faire , Claude décida de téléphoner à leur médecin de famille afin qu’il puisse d’urgence lui apporter son aide . Mais avant même qu’elle ne se lève , René rouvrit grand les yeux qu’il laissa écarquillés sans les bouger en reprenant peu à peu conscience .   En fait René venait de vivre un épouvantable cauchemar qu’il narra , à peu près en ces termes , à son épouse :            Il se trouvait nuitamment assis par terre sur une plage à l’intérieur d’une circonférence matérialisée sur le sol par des boites de conserves emplies de bourre de chiffon imprégnée de pétrole qui se consumait en dégageant une odeur désagréable et une fumée crasseuse .             Au delà de ce cercle une vingtaine de personnes pour la plupart vêtues d’oripeaux et le visage caché par des masques hideux dansaient au rythme de tambours en se rapprochant l’une après l’autre de lui , mais sans toutefois dépasser la limite du cercle de feu .            Puis une grosse femme non masquée , qu’il n’avait pas remarquée jusqu’alors car elle se trouvait derrière les danseurs , pénétra dans le cercle tenant d’une main un poulet vivant qui se débattait en agitant bruyamment les ailes et de l’autre main un impressionnant couteau de cuisine .            Tout en ne quittant pas des yeux René , elle se mit à gesticuler devant lui , l’effleurant plusieurs fois avec son couteau . Elle ne se tenait pas très bien debout , titubait plus qu’elle ne dansait , vraisemblablement sous l’emprise de quelque drogue . En regardant les circonvolutions de son couteau René n’en menait pas large , s’attendant à tout moment qu’elle lui donne soit volontairement soit par mégarde un mouvais coup .            Le rythme des tambours s‘accélérant en s’amplifiant , la mégère s’agitait de plus en plus vite , entrant en transe , à tel point que de la bave commençait maintenant à sortir par bulles épaisses de sa bouche , déformant son visage qui devenait de plus en plus bestial .
  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents