Les Aventures Singulières de René : "Le Banquet de la Sainte Cécile"
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Description

René, docte médecin à la retraite, Président Chef d'Orchestre du célèbre Orphéon de Saint Germain anime avec ses musicien un banquet dans une localité voisine. Il lui arrive alors une bien étrange aventure.

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Publié le 05 mars 2012
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Licence : Tous droits réservés
Langue Français

Extrait

Le Banquet de la Sainte Cécile  
Documentaire de Jean Paul POIRIER  
Éditions de la Corne d’Or  
     AVERTISSEMENT     Parmi toutes les « Aventures Singulières » vécues par René et ses amis de « l’Orphéon de Saint-Germain-en-Laye » , celle racontée dans les pages qui vont suivre pourra paraître à un lecteur timoré quelque peu rabelaisienne , bien qu’étant rigoureusement authentique .   Aussi , il n est pas recommandé de laisser cet ouvrage à la portée de toutes les mains , sa lecture n’en étant strictement réservée qu’à un public averti .                                                                                                    l’Éditeur .  
 CHAPITRE 1      « E l e est be l e e l e est mignonne (  POUM) , cest une bien jolie personne (  POUM) , de ddans la rue ( POUM POUM) , on peut la voir (  POUM POUM) , e l e est assise à son comptoir ( POUM) . E l e a toujours le sourire (  POUM) , on dirait une femme de cire (  POUM) , avec que son chignon quest toujours bien coiffé , cst la Caissière du Grand Café (  POUM e POUM) » .   Depuis le commencement de la célèbre chanson , la grosse caisse de Brigitte avait quelque mal à suivre le rythme imposé par René , Président Chef d’Orchestre de l’Orphéon Saint -Germain-en-Laye . Tous les musiciens chantaient maintenant en cœur les paroles du refrain , à l’invite de René qui s’évertuait comme un beau diable à les diriger en utilisant son trombone comme substitut de baguette .  La représentation de la réputée formation musicale se déroulait jusqu’à présent avec son faste habituel dans la plus parfaite des harmonies depuis le début du banquet : aucun couac disgracieux n’avait été émis par les instruments , sans doute en raison de la brève répétition que René avait improvisée avant que les convives n’arrivent .   Heureusement pour l’Orphéon , car toutes les notabilités de Fourqueux et de sa région étaient venues en grande pompe à l’heure précise fixée pour le commencement de cette fête traditionnelle du « Banquet de la Sainte Cécile » qui avait lieu chaque année à la même époque depuis le début du siècle dernier .  Comme de rigueur , chaque participant était arrivé vêtu d’un costume d‘antan , et les femmes avaient rivalisé entre elles en s’étant habillées avec des vêtements retrouvés pour la plupart dans les vieilleries familiales ; seules quelques étourdies avaient cru devoir s’abstenir de tout déguisement faisant preuve pour cette raison , une fois n’est pas coutume , d’une discrétion assez inattendue .  Les musiciens de l’Orphéon avaient revêtu pour l’occasion leur tenue d’hiver faite d’authentiques redingote et chapeau haut -de-forme ; René avait surenchéri en mettant non seulement un gilet mais également de véritables guêtres grises qu’il avait dû vraisemblablement dénicher aux « Puces » dans un quelconque surplus militaire . En tous cas , il avait particulièrement fière allure , ou , du moins , l’estimait -il .  André , le tambour de service , avait même orné sa cravate d’une superbe pince constituée par deux dents de cerfs montées sur or , trophée de quelque chasse au cours de laquelle il avait sonné du cor . Quand à Brigitte , elle avait fait montre d’originalité en se serrant dans le chemisier d’un blanc immaculé rehaussé de dentelle qu’elle avait pour la dernière fois porté lors de sa communion solennelle , bien qu’il la gênât quelque peu dans l’exécution des mouvements du bras droit nécessités par sa grosse caisse .  
La remarquable prestance des membres de l’Orphéon et la qualité musicale de leur prestation comblaient donc , ce jour là , l’attente des invités triés sur le volet par les organisateurs de cette commémoration annuelle .  René était ravi de voir l’intérêt que portait le public à l‘orchestre , tout en n’omettant pas de tenter d’attirer plus particulièrement l’attention sur lui ; il se livrait pour cela à un véritable numéro de maestro , gesticulant pour diriger d’une main ( qu’il voulait être de maître ! ) ses musiciens , bien ’ éalité la majeure partie d‘entre eux , regroupés les uns derrière les  qu en r autres en rangs de chapitre , n’arrivait pas à le voir et suivait simplement d’instinct la musique commencée par leurs collègues .  Toujours est-il que le « Banquet de la Sainte Cécile » se déroulait jusqu’à présent dans la bonne humeur , la joie et l’allégresse à la satisfaction de tous les participants .   Entre chacun des plats servis par une escouade de jeunes filles gracieusement habillées de noir et de blanc , les membres de l’Orphéon s’étaient , comme convenu , levés de table afin de jouer plusieurs morceaux de leur répertoire jusqu’au moment où deux dignes représentants élus de la municipalité les avaient interrompus pour donner en spectacle une saynète de leur composition racontant l’origine historique de cette manifestation .      Le public avait ainsi pu apprendre qu’au début du siècle dernier il avait existé une formation appelée « l’Orphéon de Fourqueux » , subventionnée par les finances communales . Elle était revenue victorieuse de diverses joutes musicales entre les nombreux Orphéons existant à l’époque dans toutes les grandes villes de province . En son honneur , les habitants de Fourqueux avaient spontanément organisé une grande fête comportant moult ripailles le jour même de la « Sainte Cécile » patronne des musiciens .  Une vieille photo jaunie retrouvée dans les archives de la mairie avait même été présentée à tous les convives de l’actuel banquet afin de prouver à d’éventuels sceptiques la véracité des propos tenus par les deux conseillers municipaux .  « L’Orphéon de Fourqueux » avait ensuite disparu en raison du décès de ses membres , mais la tradition du banquet s’était poursuivie au fil des ans . C’est à celle -ci que René et ses amis devaient présentement , et pour la première fois , l’honneur d’animer cette festivité .   Sitôt terminées les explications de ces deux conseillers municipaux , la musique avait repris à l’initiative de René sur le rythme d’abord lent puis s’accélérant de «  La Caissière du Grand Café » . Brigitte restée songeuse à la pensée de cet « Orphéon de Fourqueux » aujourd’hui disparu , en avait oublié le changement de tempo de la célèbre ritournelle et peinait donc maintenant à suivre les musiciens depuis qu’ils s’étaient mis à en chanter en cœur le refrain  :  « E l e est be l e e l e est mignonne , cest une bien jolie personne , de ddans la rue  , on peut la voir , e l e est assise à son comptoir . E l e a toujours le sourire , on dirait une femme de cire , avec que son chignon quest toujours bien coiffé , cest la Caissière du Grand Café ».      
« René avait particulièrement             fière allure  »  
« une vieille photo jaunie de L’Orphéon de Fourqueux »  
 CHAPITRE 2      Afin que le lecteur comprenne bien le déroulement des faits qui vont suivre , il est utile de préciser que ce « Banquet de la Sainte Cécile » devait comporter , comme les années précédentes , pas moins de quatre plats de viande , précédés de plusieurs entrées , et suivis de salades , fromages et desserts . Pour finir , il était prévu un gigantesque gâteau sur lequel un glacis de sucrerie représenterait la bannière emblème de l’ancien «  Orphéon de Fourqueux » .  Or , compte tenu de cette quantité impressionnante de victuailles , les organisateurs avaient bien évidemment songé à abreuver avec suffisance les convives et notamment les musiciens dont il n’est de secret pour personne que la soif est rigoureusement proportionnelle à l’effort qu’ils doivent fournir pour jouer de leurs instruments . Un apéritif devait présider le commencement des festivités , et un vin différent devait accompagner chaque plat jusqu‘aux ultimes liqueurs servies après le café .  René , qui avait été prévenu de l’importance de ce festin , avait cru bien faire de ne pas en aviser ses amis , voulant leur réserver l’agréable surprise . Ce n’était pas , en effet , tous les jours que les membres de l’Orphéon recevaient un tel accueil ! .   Toutefois , soucieux de ses responsabilités de Président Chef d’Orchestre , il avait cependant tenté , dès la fin de la répétition précédant l’arrivée des premiers invités , de leur interdire de se précipiter sur l’apéritif , voulant éviter qu’ils risquent de se retrouver de suite plongés dans une euphorie dangereuse avant même de commencer à jouer .  Mais ces derniers , dont la principale devise tenait dans cette seule phrase : « Il faut bon vin et bonne chair afin que vive lOrphéon  » , ravis de l’aubaine , ne furent pas en reste pour apprécier tous ces merveilleux nectars qui leur étaient pour une fois offerts si généreusement , allant même jusqu’à profiter de l’assistance nombreuse pour , en catimini , goûter à plusieurs reprises les alcools et vins cuits à portée de mains sur le buffet .  A leur décharge , il faut rappeler qu’ils n’avaient pas oublié les difficultés rencontrées par eux plusieurs années auparavant lors de la « Fête des Impressionnistes » sur l’île de Chatou au cours de laquelle ils avaient eu motif légitime de se plaindre de la mesquinerie du bistrotier patenté de service ! *  Ensuite , pendant le début du repas , René n’avait pas voulu se montrer « rabat-joie » devant la bonne humeur de ses amis heureux de savourer autant de bons mets et , bien sûr , de boire jusqu’à plus soif les délicieux cépages qui les accompagnaient . Lui -même avait eu quelque mal à se retenir , mais il avait jusqu’à présent réussi tant bien que mal à ne pas laisser prise à l’ivresse en ingurgitant de nombreux verres …… d’eau .   Il n’en était malheureusement pas de même pour certains des membres de l’Orphéon ! .   
Dans l’euphorie de la ripaille , René eut donc à déplorer quelques menus incidents au sein de sa troupe . Mais heureusement , à son grand soulagement , ils restèrent quasi -inaperçus des notabilités locales :            Une aile de pintade s’échappa soudainement d’une assiette lors d’une tentative malhabile de découpage et se nicha dans le généreux corsage d’une flûtiste qui , de surprise , écarta brusquement ses deux bras en donnant un grand coup de coude dans les côtes de son voisin de droite , le faisant dégringoler de douleur et de son siège .            Le contenu d’un verre de bourgogne fut propulsé sans ménagement à la suite d’un effet de manche accompagnant une blague de carabin , puis s’échoua sans aucune délicatesse sur les lunettes et la cravate d’un clarinettiste assis en face du conteur .             Un bouton de ceinture malmené par un estomac protubérant prit la poudre d’escampette au moment précis où son propriétaire se levait de table pour aller assouvir un besoin naturel dû à une absorption inconsidérée de liquides . Il provoqua un affaissement indécent de pantalon de justesse sauvé du désastre par un caleçon d’une couleur archi -épiscopale .            A sa vue , un éclat de rire incontrôlé sortit d’une gorge féminine , ne s arrêtant qu au ‘ ‘ bout de plusieurs minutes , immédiatement remplacé par une série de plaisanteries goguenardes qui auraient fait s’enfuir de honte un entier couvent de nonnettes .             Un léger ronflement dû à la douce somnolence passagère d’un trompettiste s’interrompit brusquement avec un piquage de nez dans l’assiette particulièrement réussi compte tenu de la petite taille de l’ustensile et du volume de l’appendice nasal de son bienheureux possesseur .            Mais le plus incongru de cette série d’incidents hautement répréhensibles au regard de la distinction et de la rigueur qui siéent normalement aux dignes représentants de l’Orphéon fut incontestablement un bruit disgracieux provenant , au beau milieu du repas , du dessous de l’un des bancs situés de part et d’autre de la longue table rectangulaire où festoyaient les musiciens .            Bien qu’il se perdît dans le flot de leurs discussions animées , il ne manqua pas pour autant d’en inquiéter plus d’un , car il fut suivi d’une singulière odeur qui mit provisoirement d’un seul coup mal à l’aise l’assistance .    Pour regrettables qu’ils soient , ces divers incidents furent cependant sans fâcheuses conséquences pour l‘Orphéon , et René ne rencontra que de menues difficultés à faire se lever de table les dignes musiciens lorsque le moment arriva pour eux de donner la prestation musicale pour laquelle ils avaient été invités : seuls certains osèrent prétendre qu’ils n’avaient pas eu le temps de vider correctement leurs assiettes !  Tout se déroulait donc bien , et René lui-même se laissait porter par l’ambiance joyeuse qui émanait une fois de plus de sa plaisante troupe , à croire que cette dernière était bénie des Dieux et plus particulièrement de Sainte Cécile .  
 CHAPITRE 3     Pendant ce temps , les « hôtes de marque »triés sur le volet qui avaient eu le privilège d’être invités moyennant finances à ce « Banquet de la Sainte Cécile » faisaient également honneur au festin préparé somptueusement par tout ce que Fourqueux comptait de maîtres -queux .  Les délicieuses victuailles et subtils nectars , dont profitaient gratuitement René et ses amis , rencontraient auprès de ces notabilités locales un succès sans faille , à tel point que diverses ceintures de pantalons et agrafes de corsages se retrouvèrent subrepticement déplacées d’un cran par leurs propriétaires souhaitant ne pas perdre une miette de leur investissement dans ce coûteux festin .  En outre , sous l’effet de l’alcool , les discussions pincées de circonstances entre voisins de table laissaient maintenant place à des plaisanteries joviales de cabaret , pour ne pas dire à de franches rigolades , qui ne s’interrompaient que le temps pour les convives d’écouter entre chaque mets les musiciens de l’Orphéon .    Vint le moment où , les quatre plats de viande avalés , l’escouade de jeunes serveuses offrit à tous un « trou normand » destiné à faire digérer rapidement avant l’arrivée des fromages . Beaucoup vidèrent d’un trait le verre de «  Père Magloire » machinalement , sans même s’arrêter de parler , s’apercevant trop tard des dégâts que ce breuvage était susceptible d’occasionner à leur inhibition .   C’est alors que René donna l’ordre à ses musiciens d’interpréter une vieille valse lente archi -connue de tout un chacun . En reconnaissant les premières notes de la célèbre introduction musicale , plusieurs solides rombières se levèrent brusquement de table , attrapèrent autoritairement au passage la main de leur époux en manifestant le désir de revivre le bal de leurs fiançailles .  Mais hélas, même si les cœur y étaient , les corps ne suivaient pas ! Les malheureux maris rencontrèrent des difficultés à enlacer correctement la confortable taille de leur cavalière et au lieu du ballet escompté les musiciens de l’Orphéon ne provoquèrent que de pataudes et dangereuses déambulations n’ayant qu’un rapport lointain avec la valse .   De surcroît , pendant leurs circonvolutions étourdissantes , deux danseuses se sentirent subitement mal :                                 L’une ne put retenir au fonds de son estomac un trop plein de victuailles qui se propulsa d’un coup et sans crier « gare! » sur le plastron de son cavalier .                                  Une autre , prise de vertiges s’étala de tout son long les quatre fers en , l’air en entraînant dans sa chute non seulement son conjoint mais également trois couples qui dansaient à coté d’eux .     
Puis une étourdie qui s’était trompée de mari ne s’aperçut de sa méprise qu’en recevant sur le crâne un violent coup de sac à main à l’instant précis où , dans l’ivresse du moment , elle tentait de retrouver le goût d’un baiser, celui qu’elle avait reçu pour la dernière fois datant de la naissance de son cadet actuellement sous les drapeaux .  S’estimant injustement vilipendée et agressée alors que sa bonne foi ne pouvait raisonnablement être mise en doute , elle agrippa l’assaillante au revers de son corsage en exigeant que réparation immédiate lui soit donnée .  Il s’ensuivit un crêpage de chignons des plus réussis , doublé d’insultes dignes de charretières en rut , à moins que ce ne fussent de marchandes de poissons . Devant ce spectacle ô combien désopilant , le public s’arrêta de danser , n’ayant plus d’yeux que pour cette rixe de bon aloi qui n’était pas prévue au programme du banquet , mais qui ne manquait pas de piquant .  René tenta alors de détourner son attention en demandant à ses musiciens de jouer un peu plus fort . Or ce fut peine perdue , car plus le ton de la musique allait crescendo , plus les cris et vociférations des deux harpies augmentaient , rendant quasiment inaudibles les efforts de l’Orphéon .   Finalement le mari de l’une d’entre elles , gardien de police de profession , qui s’était jusqu’à présent abstenu de se mêler de la chicane mais qui voulait pour une fois faire montre d’autorité , s’éclipsa quelques minutes en cuisine et en revint avec un seau rempli d’eau qu’il vida d’un seul jet sur les deux protagonistes .   Le résultat dépassa ses espérances car les deux mégères , interloquées par tant d’audace , arrêtèrent immédiatement de se quereller . Mais , faisant cause commune en un élan spontané de solidarité féminine , elles se retournèrent d’un seul bloc contre lui en le sommant de se battre s’il avait vraiment quelques choses … dans son pantalon .   Devant cette provocation , il préféra prendre ses jambes à son cou et quitta précipitamment le banquet , poursuivi par les deux hargneuses . Personne ne sut toutefois ce qu’il advint du deuxième mari ; sans doute les suivit il en catimini , à moins qu’il n’en profitât pour continuer de festoyer discrètement en célibataire .  Après cet intermède de franche drôlerie , le public , encore sous le charme du réjouissant spectacle auquel il venait d’assister , recommença peu à peu à danser sur la musique de cette valse lente interprétée par l’Orphéon . Décidément , le «  Banquet de la Sainte Cécile » réservait chaque année de bien agréables surprises ! . Toutefois , parmi les danseurs les commérages allaient maintenant bon train couvrant le son des instruments , certains allant même jusqu’à relater des détails intimes , ou supposés tels , de la vie privée de l’étourdie par la faute de laquelle le « scandale » était arrivé .                  En les entendant , une dame patronnesse précisa à la cantonade que la charité chrétienne n’était pas incompatible avec le refus de fréquenter des personnes aussi peu recommandables , s’étonnant qu’elles aient été invitées à ce banquet organisé par la « Mairie » . Elle déclara , tout net , qu’ell ’ mettrait pas les pieds , l’année prochaine , si e n y re elle devait être de nouveau mise en présence de ces deux délurées .
 Un adjoint au maire , qui briguait la place de ce dernier lors des prochaines élections , exigea que dorénavant la liste des convives lui soit démocratiquement présentée avant l’envoi des invitations , et que lors du prochain conseil municipal les organisateurs s’expliquent sur cet incident déplorable dont les manchettes locales n’allaient pas manquer de s’emparer .                   La veuve d’un colonel décédé durant la dernière guerre se mit à regretter haut et fort le « bon vieux temps » où les femmes débauchées étaient purement et simplement tondues sur la place de l’hôtel de ville , se plaignant ouvertement que cet usage de salubrité publique ne soit plus de nos jours pratiqué à Fourqueux .   Finalement les musiciens terminèrent de jouer leur valse dans le brouhaha le plus complet . En retournant s’asseoir , quelques danseurs eurent toutefois la délicatesse d’applaudir , mais René ne sut jamais s’ils récompensaient la prestation musicale de ses amis ou la qualité artistique des acteurs improvisés de ce pugilat familial hautement divertissant .   Puis l’escouade de jeunes serveuses fit de nouveau son apparition , le moment étant venu de servir les fromages . A leur vue , les distingués membres de l’Orphéon regagnèrent leurs places assises autour de la grande table rectangulaire dressée à leur intention .  
« René donna l’ordre à ses musiciens de jouer une valse lente   »
 CHAPITRE 4     Malgré ces divers incidents ayant quelque peu perturbé le bon déroulement du banquet souhaité par ses organisateurs , le calme revint peu à peu avec la dégustation des fromages . Il faut reconnaître que ces derniers avaient été à bon escient sélectionnés par le responsable de l’approvisionnement .   Ce n’étaient pas des fromages ordinaires habituellement vendus dans les supermarchés , mais bien de délicats produits que nos provinces françaises osent encore fabriquer aux fins fonds de leurs terroirs nonobstant la tatillonne réglementation européenne issue d’obscurs fonctionnaires étriqués .  Les « Livarot » et « Époisses » n’étaient aucunement absents du merveilleux plateau présenté à l’appétit des convives , accompagnés comme il se devait d’un inestimable « Volnay  Clos des Chênes » millésimé .  Le vin étant servi « à discrétion » , le lecteur aura compris que les invités et les musiciens ne manquèrent pas de se délecter de ce breuvage aux saveurs particulièrement aromatiques que la plupart d’entre eux découvraient pour la première fois . René lui -même , qui s’était abstenu de tout excès afin de garder le plein contrôle de lui -même , ne put cette fois-ci laisser échapper une si bonne occasion de satisfaire son délicat palais , au risque de sentir ensuite une agréable chaleur lui monter brusquement à la tête .  Toujours est-il qu’avant même l’arrivée des desserts , chacun des participants sans exception à ce festin de la Sainte Cécile avait perdu toute inhibition . Les discussions s’échangeaient dorénavant de tables en tables , sans aucune retenue , tous s’exprimant de plus en plus fort afin d’être entendus par leurs interlocuteurs . Certains avaient d’ailleurs cru devoir , par souci d’efficacité , changer de table ( et de voisin) en emportant avec eux leur assiette sans respecter les places assises qui leur avaient été attribuées , perturbant de ce fait le service .  Des gens , qui ne se connaissaient auparavant presque pas , se retrouvaient maintenant assis côte à côte , et , dans l’ambiance bon enfant qui présidait le banquet , des couples inattendus se formaient , non sans susciter parfois quelques pointes de jalousie :                  Un sénateur , qui venait la veille de défendre au Palais Bourbon un projet de loi suggérant le rétablissement de la peine d’emprisonnement pour les conjoints adultères , se fit surprendre par son épouse en train de flirter sans vergogne avec la nièce d’un conseiller municipal .                  Un jouvenceau boutonneux , que l’on pensait égaré , fut retrouvé par sa mère , Présidente d’une association locale de « Défense du Patrimoine Historique » , sous une table en train d’examiner de très près les dessous d’une authentique robe à frou -frou avec la discrète complicité bienveillante de sa joviale propriétaire .  
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