Sentiment et sensibilité dans l œuvre romanesque de Marivaux - article ; n°1 ; vol.25, pg 127-139
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1973 - Volume 25 - Numéro 1 - Pages 127-139
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1973
Nombre de lectures 81
Langue Français

Extrait

Professeur Mario Matucci
Sentiment et sensibilité dans l'œuvre romanesque de Marivaux
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1973, N°25. pp. 127-139.
Citer ce document / Cite this document :
Matucci Mario. Sentiment et sensibilité dans l'œuvre romanesque de Marivaux. In: Cahiers de l'Association internationale des
études francaises, 1973, N°25. pp. 127-139.
doi : 10.3406/caief.1973.1028
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1973_num_25_1_1028SENTIMENT ET SENSIBILITÉ
DANS L'ŒUVRE ROMANESQUE
DE MARIVAUX
Communication de M. Mario MATUCCI
(Pise)
au XXIVe Congrès de l'Association, le 25 juillet 1972.
« Dans tous le cours de mes aventures, j'ai été mon propre
spectateur, comme le spectateur des autres ; je me suis
connu autant qu'il est possible de se connaître ; ainsi c'est
du moins un homme que j'ai développé, et quand j'ai com
paré cet homme aux autres, ou les autres à lui, j'ai cru voir
que nous nous ressemblions presque tous (...) » (1).
Ce n'est pas pour retrouver cette « structure du double
registre » magistralement mise en évidence par Jean Rous-
set (2), que nous avons cité cette phrase, mais pour souli
gner l'idée d'une ressemblance générale entre les hommes, qui
constitue certaine façon le leitmotiv de la psychol
ogie marivaudienne. Il s'agit en effet d'une idée qui se
développera progressivement et d'une manière cohérente
jusqu'aux dernières Réflexions, lorsque l'auteur, en une vision
universelle, affirmera que « toutes les âmes, depuis la plus
faible jusqu'à la plus forte, depuis la plus vile jusqu'à la
noble, toutes les âmes ont une ressemblance générale ; il y a
de tout dans chacune d'elles, nous avons tous des commenc
ements de ce qui nous manque, par où. nous sommes plus
(1) Marivaux, Le Spectateur Français, XXIe feuille, dans Journaux
et œuvres diverses, Édition de F. Deloffre et M. Gilot, éd. Gamier, 1969
p. 232.
(2) Jean Rousset, Marivaux et la structure du double registre, dans
Studi Francesi, Genniao- Apríle 1957, n° 1. 128 MARIO MATUCCI
ou moins en état de sentir et d'entendre les différences qui
nous distinguent » (3).
Dans cette ressemblance générale des âmes, nous pouvons
reconnaître un des ressorts cachés du caractère de Marianne ;
rétrospectivement, elle devait apparaître à l'auteur comme
la transfiguration de la « science du cœur humain », science
qui ne s'apprend pas dans les livres, mais qui au contraire
permet de les expliquer, dont la meilleure école est la société
et toute l'humanité, « école toujours ouverte, où tout homme
étudie les autres, et en est étudié à son tour, où
est tour à tour écolier et maître » (4).
A travers ces idées de la vieillesse de l'auteur, nous pou
vons, en les rattachant aux pages philosophiques des jour
naux, découvrir un jeu serré, qui se répète constamment
jusqu'à former la trame de ses romans, justifiant cette sorte
de divagation introspective et analytique qui caractérise le
personnage de Jacob, et surtout, celui de Mariann. C'est le
monde humain tel qu'iï lui apparaît que l'auteur transpose
dans ses textes, en un vaste tableau de correspondances et
de points de rencontre instinctifs, où les êtres s'analysent
eux-mêmes et se scrutent les uns les autres. Par le fait que
« nous vivons et que nous pensons, nous sommes tous des
tableaux les uns pour les autres » (5).
- Par conséquent les personnages principaux de ses romans
possèdent, à l'instar de l'auteur, cette « philologie de tempé
rament (...) que le moindre objet met en exercice », où la créa
tion devient, plus encore que le fruit d'une recherche intellec
tuelle, sentiment, intuition : « je ne sais point créer, je sais
seulement surprendre en moi les pensées que le hasard me
fait naître » (6).
Si, comme il le dit, son dessein est « (...) simplement de
recueillir fidèlement ce qui me vient d'après le tour d'ima
gination que me donnent les choses que je vois », c'est préc
isément ce «tour d'imagination » qui se trouve à la base d'un
(3) Marivaux, Réflexions sur l'Esprit Humain à l'occasion de Corn
eille et de Racine in Journaux et Œuvres diverses, éd. citée, p. 472.
(4) Ibidem, p. 476.
(5)Le Spectateur Français, Ve feuille, éd. citée, p. 134.
(6)p. 114. SENTIMENT ET SENSIBILITÉ DANS L'ŒUVRE DE MARIVAUX I2Ç
dynamisme qui puise une vigueur toujours nouvelle dans
l'incessante interprétation des faits et des actions, qui inter
dit rimmobilisme aux personnages et les imprègne en quel
que sorte des faits extérieurs, parvenant à une intime corré
lation entre le fait et l'intuition de ce fait, entre la pensée et
sa manifestation humaine. i »•';..
Un mouvement dynamique s'établit : « Je suis né de manière
que tout me devient une matière de réflexion », réflexion qui,
après avoir subi une interprétation devient expression, grâce
à cette « philosophie de tempérament » dont nous avons parlé.
On assiste alors à trois mouvements, qui parfois se suivent
et parfois se superposent et qui correspondent à trois aspects
différents de Marivaux : l'observateur, le psychologue, le
moraliste. Chez en effet, pas un geste, pas une att
itude que l'on ne puisse interpréter ou rapporter à une cause
psychologique, mais une série d'observations et d'inductions
qui conduisent l'auteur à passer du particulier à l'universel
et à formuler des maximes de caractère général.
Dans ce jeu d'analyse introspective et de connaissance de
l'âme et des intentions d'autrui, le monde de Marivaux se
peuple de personnages qui, peu à peu, révèlent leur vrai visage.
Un monde de masques, où chacun cherche à se cacher aux
yeux de l'autre ; une joute serrée de mots et de gestes, sans
pourtant que personne n'atteigne le but qu'il se propose,
surtout aux yeux du personnage principal du roman. Celui-ci
en effet perçoit les mouvements cachés de l'autre à travers
sa propre analyse introspective, tout comme l'auteur, qui
pénètre dans le cœur de Marianne et, à partir de celui-ci, dans
le cœur de tous, car : « chacun a d'abord le sien, et puis un
peu de celui de tout le monde » (7).
Pour se protéger d'une attaque qui met à nu leurs ins
tincts les plus cachés, il ne reste aux personnages de Mari
vaux que l'hypocrisie. Réelle chez Monsieur de Climal ou
chez Madame de Ferval qui en sont de typiques exemples,
voilée, presque fonctionnelle chez Marianne, et aussitôt
dénoncée par son implacable lucidité ; cette hypocrisie est
(7) Marivaux, La Vie de Marianne, Éd. Deloffre, Classiques Garnier,
1957. P- 469.
9 MARIO MATUCCI I30
présente, plus ou moins, chez tous les autres personnages,
car l'homme a deux aspects, « l'un qui se montre, et l'autre
qui se cache », et il devient l'acteur d'une vaste scène où
Marivaux est « à la Comédie depuis le matin jusqu'au soir ».
Qu'on pense au récit intitulé Le Voyageur dans le Nouveau '
Monde, dans lequel la duplicité humaine devient la base même
de la vie en commun. Une façon de se rattacher à la perpét
uelle illusion dont parlait Pascal, à cette manière de « s'entre-
tromper et de s'entre-flatter », qui, selon le philosophe, était
la base même de l'union entre les hommes. Toutefois, si,
pour les moralistes du xviie siècle, la conscience de l'homme
« dupe » de l'autre était dénoncée comme un fait tragique
et inéluctable, chez Marivaux elle perd son caractère stati
que et devient un des ressorts essentiels pour découvrir l'âme
humaine. .
C'est justement par ce travail de découverte et d'intuition
que le discours analytique de Marianne devient le symbole
de la « science du cœur humain », et le journal de sa vie semble
le résumé d'un de ces livres « fort rares » où se reflète l'inte
rminable « histoire du cœur humain ».
Cette se développe en une variété de situations
provoquées par un sentiment de vanité qui se réfère à toutes
les actions humai

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