La lecture à portée de main
Description
Informations
Publié par | bibebook |
Nombre de lectures | 28 |
EAN13 | 9782824710259 |
Langue | Français |
Extrait
HONORÉ DE BALZA C
L’I N T ERDICT ION
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
L’I N T ERDICT ION
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1025-9
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
Except where otherwise noted, this work is licensed under
h tt p : / / c r e a ti v e c o m m on s . or g / l i c e n s e s / b y - s a / 3 . 0 /
Lir e la licence
Cee œuv r e est publié e sous la licence CC-BY -SA, ce qui
signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.L’I N T ERDICT ION
DÉDI É A MONSI EU R LE CON T RE- AMI RAL BAZO CH E,
p ar l’auteur r e connaissant,
DE BALZA C.
1828, une heur e du matin, deux p er sonnes sortaient d’un
hôtel situé dans la r ue du Faub our g-Saint-Honoré , près deE l’Ély sé e-Bourb on : l’une était un mé de cin célèbr e , Horace
Bianchon ; l’autr e un des hommes les plus élég ants de Paris, le bar on de
Rastignac, tous deux amis depuis long-temps. Chacun d’ eux avait r env o yé sa
v oitur e , il ne s’ en tr ouva p oint dans le faub our g ; mais la nuit était b elle
et le p avé se c.
― Allons à pie d jusqu’au b oule vard, dit Eugène de Rastignac à
Bianchon, tu pr endras une v oitur e au Cer cle ; il y en a là jusqu’au matin. T u
m’accomp agneras jusque chez moi.
― V olontier s.
― Eh ! bien, mon cher , qu’ en dis-tu ?
― D e cee femme ? rép ondit fr oidement le do cteur .
― Je r e connais mon Bianchon, s’é cria Rastignac.
― Hé ! bien, quoi ?
1L’interdiction Chapitr e
― Mais tu p arles, mon cher , de la mar quise d’Esp ard comme d’une
malade à placer dans ton hôpital.
― V eux-tu sav oir ce que je p ense , Eugène ? Si tu quies madame de
Nucing en p our cee mar quise , tu chang eras ton che val b or gne contr e un
av eugle .
― Madame de Nucing en a tr ente-six ans, Bianchon.
― Et celle-ci en a tr ente-tr ois, répliqua viv ement le do cteur .
― Ses plus cr uelles ennemies ne lui en donnent que vingt-six.
― Mon cher , quand tu auras intérêt à connaîtr e l’âg e d’une femme , r
eg arde ses temp es et le b out de son nez. oi que fassent les femmes av e c
leur s cosmétiques, elles ne p euv ent rien sur ces incor r uptibles témoins
de leur s agitations. Là chacune de leur s anné es a laissé ses stigmates.
and les temp es d’une femme sont aendries, rayé es, fané es d’une
certaine façon ; quand au b out de son nez il se tr ouv e de ces p etits p oints
qui r essemblent aux imp er ceptibles p ar celles noir es que font pleuv oir à
Londr es les cheminé es où l’ on brûle du charb on de ter r e , v otr e ser viteur !
la femme a p assé tr ente ans. Elle sera b elle , elle sera spirituelle , elle sera
aimante , elle sera tout ce que tu v oudras ; mais elle aura p assé tr ente ans,
mais elle ar riv e à sa m aturité . Je ne blâme p as ceux qui s’aachent à ces
sortes de femmes ; seulement, un homme aussi distingué que tu l’ es ne
doit p as pr endr e une r einee de fé v rier p our une p etite p omme d’api qui
sourit sur sa branche et demande un coup de dent. L’amour ne va jamais
consulter les r egistr es de l’État Civil ; p er sonne n’aime une femme p ar ce
qu’ elle a tel ou tel âg e , p ar ce qu’ elle est b elle ou laide , bête ou spirituelle :
on aime p ar ce qu’ on aime .
― Eh ! bien, moi, je l’aime p ar bien d’autr es raisons. Elle est mar quise
d’Esp ard, elle est né e Blamont-Chauv r y , elle est à la mo de , elle a de l’âme ,
elle a un pie d aussi joli que celui de la duchesse de Ber ri, elle a p eut-êtr e
cent mille liv r es de r ente , et je l’ép ouserai p eut-êtr e un jour ! enfin elle
p ay era mes dees.
― Je te cr o yais riche , dit Bianchon en inter r omp ant Rastignac.
― Bah ! j’ai quinze mille liv r es de r ente , pré cisément ce qu’il faut p our
mon é curie . J’ai été r oué , mon cher , dans l’affair e de monsieur de
Nucing en, je te raconterai cee histoir e-là . J’ai marié mes sœur s, v oilà le plus
clair de ce que j’ai g agné depuis que nous nous sommes v us, et j’aime
2L’interdiction Chapitr e
mieux les av oir établies que de p ossé der cent mille é cus de r ente .
Maintenant que v eux-tu que je de vienne ? J’ai de l’ambition. Où p eut me mener
madame de Nucing en ? Encor e un an, je serai chiffré , casé , comme l’ est
un homme marié . J’ai tous les désagréments du mariag e et ceux du célibat
sans av oir les avantag es ni de l’un ni de l’autr e , situation fausse , à laquelle
ar riv ent tous ceux qui r estent tr op long-temps aachés à une même jup e .
― Eh ! cr ois-tu donc tr ouv er ici la pie au nid ? dit Bianchon. T a
marquise , mon cher , ne me r e vient p as du tout.
― T es opinions libérales te tr oublent l’ œil. Si madame d’Esp ard était
une madame Rab ourdin. . .
― Écoute , mon cher , noble ou b our g e oise , elle serait toujour s sans
âme , elle serait toujour s le ty p e le plus ache vé de l’ég oïsme . Cr ois-moi,
les mé de cins sont habitués à jug er les hommes et les choses ; les plus
habiles d’ entr e nous confessent l’âme en confessant le cor ps. Malgré ce
joli b oudoir où nous av ons p assé la soiré e , malgré le lux e de cet hôtel, il
serait p ossible que madame la mar quise fût endeé e .
― i te le fait cr oir e ?
― Je n’affir me p as, je supp ose . Elle a p arlé de son âme comme feu
Louis X V I I I p arlait de son cœur . Écoute-moi ! cee femme frêle , blanche ,
aux che v eux châtains, et qui se plaint p our se fair e plaindr e , jouit d’une
santé de fer , p ossède un app étit de loup , une for ce et une lâcheté de tigr e .
Jamais ni la g aze , ni la soie , ni la mousseline , n’ ont été plus habilement
entortillés autour d’un mensong e ! Ecco .
― T u m’ effraies, Bianchon ! tu as donc appris bien des choses depuis
notr e séjour à la Maison- V auquer ?
― Oui, depuis ce temps-là , mon cher , j’ en ai v u, des marionnees, des
p oup é es et des p antins ! Je connais un p eu de ces b elles dames de qui v ous
soignez le cor ps et ce qu’ elles ont de plus pré cieux, leur enfant, quand elles
l’aiment, ou leur visag e qu’ elles ador ent toujour s. V ous p assez les nuits à
leur che v et, v ous v ous e xter minez p our leur sauv er la plus légèr e
altération de b e auté , n’imp orte où ; v ous av ez réussi, v ous leur g ardez le se cr et
comme si v ous étiez mort, elles v ous env oient demander v otr e mémoir e
et le tr ouv ent hor riblement cher . i les a sauvé es ? la natur e ! Loin de
v ous prôner , elles mé disent de v ous, en craignant de v ous donner p our
mé de cin à leur s b onnes amies. Mon cher , ces femmes de qui v ous dites :
3L’interdiction Chapitr e
― « C’ est des ang es ! » moi, je les ai v ues déshabillé es des p etites mines
sous lesquelles elles couv r ent leur âme , aussi bien que des chiffons sous
lesquels elles déguisent leur s imp erfe ctions : sans manièr es et sans cor set.
Elles ne sont p as b elles. Nous av ons commencé p ar v oir bien des gravier s,
bien des saletés sous le flot du monde , quand nous étions é choués sur le
r o c de la Maison- V auquer ; ce que nous y av ons v u n’était rien. D epuis
que je vais dans la haute so ciété , j’ai r encontré des monstr uosités habillé es
de satin, des Michonne au en g ants blancs,