L’interdiction
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Description

La Comédie humaine - Études de moeurs. Troisième livre, Scènes de la vie parisienne - Tome II. Dixième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : Le magistrat n’était pas le personnage le moins pittoresque au milieu de cette assemblée. Il avait sur la tête un bonnet de coton roussâtre. Comme il était sans cravate, son cou, rouge de froid et ridé, se dessinait nettement au-dessus du collet pelé de sa vieille robe de chambre. Sa figure fatiguée offrait l’expression à demi stupide que donne la préoccupation. Sa bouche, pareille à celle de tous ceux qui travaillent, s’était ramassée comme une bourse dont on a serré les cordons. Son front contracté semblait supporter le fardeau de toutes les confidences qui lui étaient faites : il sentait, analysait et jugeait. Attentif autant qu’un prêteur à la petite semaine, ses yeux quittaient ses livres et ses renseignements pour pénétrer jusqu’au for intérieur des individus qu’il examinait avec la rapidité de vision par laquelle les avares expriment leurs inquiétudes. Debout derrière son maître, prêt à exécuter ses ordres, Lavienne faisait sans doute la police et accueillait les nouveaux venus en les encourageant contre leur propre honte. Quand le médecin parut, il se fit un mouvement sur les bancs. Lavienne tourna la tête et fut étrangement surpris de voir Bianchon.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 28
EAN13 9782824710259
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
L’I N T ERDICT ION
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
L’I N T ERDICT ION
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1025-9
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.L’I N T ERDICT ION
DÉDI É A MONSI EU R LE CON T RE- AMI RAL BAZO CH E,
p ar l’auteur r e connaissant,
DE BALZA C.
 1828,  une heur e du matin, deux p er sonnes sortaient d’un
hôtel situé dans la r ue du Faub our g-Saint-Honoré , près deE l’Ély sé e-Bourb on  : l’une était un mé de cin célèbr e , Horace
Bianchon  ; l’autr e un des hommes les plus élég ants de Paris, le bar on de
Rastignac, tous deux amis depuis long-temps. Chacun d’ eux avait r env o yé sa
v oitur e , il ne s’ en tr ouva p oint dans le faub our g  ; mais la nuit était b elle
et le p avé se c.
― Allons à pie d jusqu’au b oule vard, dit Eugène de Rastignac à
Bianchon, tu pr endras une v oitur e au Cer cle  ; il y en a là jusqu’au matin. T u
m’accomp agneras jusque chez moi.
―  V olontier s.
― Eh  ! bien, mon cher , qu’ en dis-tu  ?
― D e cee femme  ? rép ondit fr oidement le do cteur .
― Je r e connais mon Bianchon, s’é cria Rastignac.
― Hé  ! bien, quoi  ?
1L’interdiction Chapitr e
― Mais tu p arles, mon cher , de la mar quise d’Esp ard comme d’une
malade à placer dans ton hôpital.
―  V eux-tu sav oir ce que je p ense , Eugène  ? Si tu quies madame de
Nucing en p our cee mar quise , tu chang eras ton che val b or gne contr e un
av eugle .
― Madame de Nucing en a tr ente-six ans, Bianchon.
― Et celle-ci en a tr ente-tr ois, répliqua viv ement le do cteur .
― Ses plus cr uelles ennemies ne lui en donnent que vingt-six.
― Mon cher , quand tu auras intérêt à connaîtr e l’âg e d’une femme , r
eg arde ses temp es et le b out de son nez. oi que fassent les femmes av e c
leur s cosmétiques, elles ne p euv ent rien sur ces incor r uptibles témoins
de leur s agitations. Là chacune de leur s anné es a laissé ses stigmates.
and les temp es d’une femme sont aendries, rayé es, fané es d’une
certaine façon  ; quand au b out de son nez il se tr ouv e de ces p etits p oints
qui r essemblent aux imp er ceptibles p ar celles noir es que font pleuv oir à
Londr es les cheminé es où l’ on brûle du charb on de ter r e , v otr e ser viteur  !
la femme a p assé tr ente ans. Elle sera b elle , elle sera spirituelle , elle sera
aimante , elle sera tout ce que tu v oudras  ; mais elle aura p assé tr ente ans,
mais elle ar riv e à sa m aturité . Je ne blâme p as ceux qui s’aachent à ces
sortes de femmes  ; seulement, un homme aussi distingué que tu l’ es ne
doit p as pr endr e une r einee de fé v rier p our une p etite p omme d’api qui
sourit sur sa branche et demande un coup de dent. L’amour ne va jamais
consulter les r egistr es de l’État Civil  ; p er sonne n’aime une femme p ar ce
qu’ elle a tel ou tel âg e , p ar ce qu’ elle est b elle ou laide , bête ou spirituelle  :
on aime p ar ce qu’ on aime .
― Eh  ! bien, moi, je l’aime p ar bien d’autr es raisons. Elle est mar quise
d’Esp ard, elle est né e Blamont-Chauv r y , elle est à la mo de , elle a de l’âme ,
elle a un pie d aussi joli que celui de la duchesse de Ber ri, elle a p eut-êtr e
cent mille liv r es de r ente , et je l’ép ouserai p eut-êtr e un jour  ! enfin elle
p ay era mes dees.
― Je te cr o yais riche , dit Bianchon en inter r omp ant Rastignac.
― Bah  ! j’ai quinze mille liv r es de r ente , pré cisément ce qu’il faut p our
mon é curie . J’ai été r oué , mon cher , dans l’affair e de monsieur de
Nucing en, je te raconterai cee histoir e-là . J’ai marié mes sœur s, v oilà le plus
clair de ce que j’ai g agné depuis que nous nous sommes v us, et j’aime
2L’interdiction Chapitr e
mieux les av oir établies que de p ossé der cent mille é cus de r ente .
Maintenant que v eux-tu que je de vienne  ? J’ai de l’ambition. Où p eut me mener
madame de Nucing en  ? Encor e un an, je serai chiffré , casé , comme l’ est
un homme marié . J’ai tous les désagréments du mariag e et ceux du célibat
sans av oir les avantag es ni de l’un ni de l’autr e , situation fausse , à laquelle
ar riv ent tous ceux qui r estent tr op long-temps aachés à une même jup e .
― Eh  ! cr ois-tu donc tr ouv er ici la pie au nid  ? dit Bianchon. T a
marquise , mon cher , ne me r e vient p as du tout.
―  T es opinions libérales te tr oublent l’ œil. Si madame d’Esp ard était
une madame Rab ourdin. . .
― Écoute , mon cher , noble ou b our g e oise , elle serait toujour s sans
âme , elle serait toujour s le ty p e le plus ache vé de l’ég oïsme . Cr ois-moi,
les mé de cins sont habitués à jug er les hommes et les choses  ; les plus
habiles d’ entr e nous confessent l’âme en confessant le cor ps. Malgré ce
joli b oudoir où nous av ons p assé la soiré e , malgré le lux e de cet hôtel, il
serait p ossible que madame la mar quise fût endeé e .
― i te le fait cr oir e  ?
― Je n’affir me p as, je supp ose . Elle a p arlé de son âme comme feu
Louis X V I I I p arlait de son cœur . Écoute-moi  ! cee femme frêle , blanche ,
aux che v eux châtains, et qui se plaint p our se fair e plaindr e , jouit d’une
santé de fer , p ossède un app étit de loup , une for ce et une lâcheté de tigr e .
Jamais ni la g aze , ni la soie , ni la mousseline , n’ ont été plus habilement
entortillés autour d’un mensong e  ! Ecco .
―  T u m’ effraies, Bianchon  ! tu as donc appris bien des choses depuis
notr e séjour à la Maison- V auquer  ?
―  Oui, depuis ce temps-là , mon cher , j’ en ai v u, des marionnees, des
p oup é es et des p antins  ! Je connais un p eu de ces b elles dames de qui v ous
soignez le cor ps et ce qu’ elles ont de plus pré cieux, leur enfant, quand elles
l’aiment, ou leur visag e qu’ elles ador ent toujour s. V ous p assez les nuits à
leur che v et, v ous v ous e xter minez p our leur sauv er la plus légèr e
altération de b e auté , n’imp orte où  ; v ous av ez réussi, v ous leur g ardez le se cr et
comme si v ous étiez mort, elles v ous env oient demander v otr e mémoir e
et le tr ouv ent hor riblement cher . i les a sauvé es  ? la natur e  ! Loin de
v ous prôner , elles mé disent de v ous, en craignant de v ous donner p our
mé de cin à leur s b onnes amies. Mon cher , ces femmes de qui v ous dites  :
3L’interdiction Chapitr e
― «  C’ est des ang es  ! » moi, je les ai v ues déshabillé es des p etites mines
sous lesquelles elles couv r ent leur âme , aussi bien que des chiffons sous
lesquels elles déguisent leur s imp erfe ctions  : sans manièr es et sans cor set.
Elles ne sont p as b elles. Nous av ons commencé p ar v oir bien des gravier s,
bien des saletés sous le flot du monde , quand nous étions é choués sur le
r o c de la Maison- V auquer  ; ce que nous y av ons v u n’était rien. D epuis
que je vais dans la haute so ciété , j’ai r encontré des monstr uosités habillé es
de satin, des Michonne au en g ants blancs,

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