La bourse
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Description

1832. La Comédie humaine - Études de moeurs. Premier livre, Scènes de la vie privée - Tome I. Premier volume de l'édition Furne 1842 Hippolyte Schinner, jeune artiste peintre, fait une chute dans son atelier. Il se réveille entouré de ses deux voisines, madame de Rouville et sa fille, Adélaïde. Devenu habitué de leur maison, Hippolyte découvre leur vie de misère et rencontre d'étonnants personnages qui, tous les soirs, viennent perdre de l'argent au jeu. Un soir, Hippolyte oublie sa bourse. Adélaïde dit ne pas l'avoir trouvé, il doute de la moralité de ses deux voisines... Cette nouvelle de Balzac est une peinture de personnages vivant en huis-clos, pour lesquels le temps semble s'être arrêté, mais également la peinture délicate d'un amour naissant, avec ses moments de joie, et de doute. Extrait : En disant cette phrase, empreinte de l’adorable stupidité que donnent à l’âme les premiers troubles de l’amour vrai, Hippolyte regardait la jeune fille. Adélaïde allumait la lampe à double courant d’air, afin de faire disparaître une chandelle contenue dans un grand martinet de cuivre et ornée de quelques cannelures saillantes par un coulage extraordinaire. Elle salua légèrement, alla mettre le martinet dans l’antichambre, revint placer la lampe sur la cheminée et s’assit près de sa mère, un peu en arrière du peintre, afin de pouvoir le regarder à son aise en paraissant très-occupée du début de la lampe dont la lumière, saisie par l’humidité d’un verre terni, pétillait en se débattant avec une mèche noire et mal coupée. En voyant la grande glace qui ornait la cheminée, Hippolyte y jeta promptement les yeux pour admirer Adélaïde. La petite ruse de la jeune fille ne servit donc qu’à les embarrasser tous deux. En causant avec madame Leseigneur, car Hippolyte lui donna ce nom à tout hasard, il examina le salon, mais décemment et à la dérobée. Le foyer était si plein de cendres que l’on voyait à peine les figures égyptiennes des chenets en fer. Deux tisons essayaient de se rejoindre devant une bûche de terre, enterrée aussi soigneusement que peut l’être le trésor d’un avare. Un vieux tapis d’Aubusson, bien raccommodé, bien passé, usé comme l’habit d’un invalide, ne couvrait pas tout le carreau dont la froideur était à peine amortie.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 26
EAN13 9782824709833
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
LA BOU RSE
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
LA BOU RSE
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0983-3
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
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sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.LA BOU RSE
A SOF KA.
N’av ez-v ous p as r emar qué , Mademoiselle , qu’ en meant deux
figur es en adoration aux côtés d’une b elle sainte , les p eintr es
ou les sculpteur s ne manquaient jamais de leur imprimer une
r essemblance filiale ? En v o yant v otr e nom p ar mi ceux qui me
sont cher s et sous la pr ote ction desquels je place mes œuv r es,
souv enez-v ous de cee touchante har monie , et v ous
tr ouv er ez ici moins un hommag e que l’ e xpr ession de
l’affe ction frater nelle que v ous a v oué e
V otr e ser viteur ,
DE BALZA C.
   les âmes faciles à s’ép anouir une heur e délicieuse qui
sur vient au moment où la nuit n’ est p as encor e et où le jour n’ estI plus. La lueur crépusculair e jee alor s ses teintes molles ou ses
r eflets bizar r es sur tous les objets, et fav orise une rê v erie qui se marie
vaguement aux jeux de la lumièr e et de l’ ombr e . Le silence qui règne pr esque
toujour s en cet instant le r end plus p articulièr ement cher aux artistes qui
se r e cueillent, se meent à quelques p as de leur s œuv r es aux quelles ils
ne p euv ent plus travailler , et ils les jug ent en s’ eniv rant du sujet dont
1La b our se Chapitr e
le sens intime é clate alor s aux y eux intérieur s du g énie . Celui qui n’ est
p as demeuré p ensif près d’un ami, p endant ce moment de song es p o
étiques, en compr endra difficilement les indicibles bénéfices. A la fav eur
du clair-obscur , les r uses matérielles emplo yé es p ar l’art p our fair e cr oir e
à des ré alités disp araissent entièr ement. S’il s’agit d’un table au, les p
ersonnag es qu’il r eprésente semblent et p arler et mar cher  : l’ ombr e de vient
ombr e , le jour est jour , la chair est vivante , les y eux r emuent, le sang
coule dans les v eines, et les étoffes chatoient. L’imagination aide au
natur el de chaque détail et ne v oit plus que les b e autés de l’ œuv r e . A cee
heur e , l’illusion règne desp otiquement  : p eut-êtr e se lè v e-t-elle av e c la
nuit ? n’ est-elle p as p our la p ensé e une espè ce de nuit que nous
meublons de song es ? L’illusion déploie alor s ses ailes, elle emp orte l’âme
dans le monde des fantaisies, monde fertile en v oluptueux caprices et où
l’artiste oublie le monde p ositif, la v eille et le lendemain, l’av enir , tout
jusqu’à ses misèr es, les b onnes comme les mauvaises. A cee heur e de
magie , un jeune p eintr e , homme de talent, et qui dans l’art ne v o yait que
l’art même , était monté sur la double é chelle qui lui ser vait à p eindr e une
grande , une haute toile pr esque ter miné e . Là , se critiquant, s’admirant
av e c b onne foi, nag e ant au cour s de ses p ensé es, il s’abîmait dans une
de ces mé ditations qui ravissent l’âme et la grandissent, la car essent et la
consolent. Sa rê v erie dura long-temps sans doute . La nuit vint. Soit qu’il
v oulût descendr e de son é chelle , soit qu’il eût fait un mouv ement impr
udent en se cr o yant sur le plancher , l’é vénement ne lui p er mit p as d’av oir
un souv enir e x act des causes de son accident, il tomba, sa tête p orta sur un
tab our et, il p erdit connaissance et r esta sans mouv ement p endant un laps
de temps dont la duré e lui fut inconnue . Une douce v oix le tira de l’
espè ce d’ eng ourdissement dans le quel il était plong é . Lor squ’il ouv rit les
y eux, la v ue d’une viv e lumièr e les lui fit r efer mer pr omptement ; mais à
trav er s le v oile qui env elopp ait ses sens, il entendit le chuchotement de
deux femmes, et sentit deux jeunes, deux timides mains entr e lesquelles
r ep osait sa tête . Il r eprit bientôt connaissance et put ap er ce v oir , à la lueur
d’une de ces vieilles lamp es dites à double courant d’air , la plus délicieuse
tête de jeune fille qu’il eût jamais v ue , une de ces têtes qui souv ent p assent
p our un caprice du pince au ; mais qui tout à coup ré alisa p our lui les thé
ories de ce b e au idé al que se cré e chaque artiste et d’ où pr o cède son talent.
2La b our se Chapitr e
Le visag e de l’inconnue app artenait, p our ainsi dir e , au ty p e fin et
délicat de l’é cole de Pr udhon, et p ossé dait aussi cee p o ésie que Gir o det
donnait à ses figur es fantastiques. La fraîcheur des temp es, la régularité
des sour cils, la pur eté des lignes, la vir ginité fortement empr einte dans
tous les traits de cee phy sionomie faisaient de la jeune fille une cré ation
accomplie . La taille était souple et mince , les for mes étaient frêles. Ses
vêtements, quoique simples et pr opr es, n’annonçaient ni fortune ni misèr e .
En r epr enant p ossession de lui-même , le p eintr e e xprima son admiration
p ar un r eg ard de sur prise , et balbutia de confus r emer cîments. Il tr ouva
son fr ont pr essé p ar un mouchoir , et r e connut, malgré l’ o deur p
articulièr e aux atelier s, la senteur forte de l’éther , sans doute emplo yé p our le
tir er de son é vanouissement. Puis, il finit p ar v oir une vieille femme , qui
r essemblait aux mar quises de l’ancien régime , et qui tenait la lamp e en
donnant des conseils à la jeune inconnue .
― Monsieur , rép ondit la jeune fille à l’une des demandes faites p ar
le p eintr e p endant le moment où il était encor e en pr oie à tout le vague
que la chute avait pr o duit dans ses idé es, ma mèr e et moi, nous av ons
entendu le br uit de v otr e cor ps sur le plancher , nous av ons cr u distinguer
un g émissement. Le silence qui a succé dé à la chute nous a effrayé es,
et nous nous sommes empr essé es de monter . En tr ouvant la clef sur la
p orte , nous nous sommes heur eusement p er mis d’ entr er , et nous v ous
av ons ap er çu étendu p ar ter r e , sans mouv ement. Ma mèr e a été cher cher
tout ce qu’il fallait p our fair e une compr esse et v ous ranimer . V ous êtes
blessé au fr ont, là , sentez-v ous ?
―  Oui, maintenant, dit-il.
―  Oh ! cela ne sera rien, r eprit la vieille mèr e . V otr e tête a, p ar b
onheur , p orté sur ce manne quin.
― Je me sens infiniment mieux, rép ondit le p eintr e , je n’ai plus b esoin
que d’une v oitur e p our r etour ner chez moi. La p ortièr e ira m’ en cher cher
une .
Il v oulut réitér er ses r emer cîments aux deux inconnues ; mais, à
chaque phrase , la vieille dame l’inter r omp ait en disant  : ― D emain,
monsieur , ay ez bien soin de mer e des sangsues ou de v ous fair e saigner ,
buv ez quelques tasses de v ulnérair e , soignez-v ous, les chutes sont dang
er euses.
3La b our se Chapitr e
La jeune fille r eg ardait à la dér obé e le p eintr e et les table aux de
l’atelier . Sa contenance et ses r eg ards ré vélaient une dé cence p arfaite ; sa
curiosité r essemblait à de la distraction, et ses y eux p araissaient e
xprimer cet intérêt que les femmes p ortent, av e c une sp ontanéité pleine de
grâce , à tout ce qui est malheur en nous. Les deux inconnues semblaient
oublier les œuv r es du p eintr e en présence du p eintr e souffrant. Lor squ’il
les eut rassuré es sur sa situation, elles sortir ent en l’ e x aminant av e c une
sollicitude , ég alement dénué e d’ emphase et de familiarité , sans lui fair

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