Le livre de la pitié et de la mort
120 pages
Français

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Description

C'est la partie la plus singulière est la plus durable de l'oeuvre de Pierre LOTI. Le Livre de la Pitié et de la Mort, paru en 1891 est le premier des livres très intimes que l'auteur a hésité à livrer au public. Là où le voile de la fiction ne protège plus, c'est d'un coeur mis à nu qu'il s'agit. Extrait : Vieux coureur de grands chemins, arrêté, en cinquième ou sixième récidive, pour vagabondage et vol, il disait : « Comment faire pour ne pas voler, quand on a commencé une fois, — et qu’on n’a pas de métier, rien, — et que les gens ne veulent plus de vous nulle part ? Il faut bien manger, n’est-ce pas ? — Pour ma dernière condamnation, c’était un sac de pommes de terre que j’avais pris dans un champ, avec un fouet de roulier et un giraumont.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 46
EAN13 9782824710983
Langue Français

Extrait

P I ERRE LO T I
LE LI V RE DE LA
P I T I É ET DE LA
MORT
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
LE LI V RE DE LA
P I T I É ET DE LA
MORT
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1098-3
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.MA MÈRE
Je dé die ce liv r e ,A Sans crainte , p ar ce que la foi chrétienne lui p er met de lir e av e c
sérénité les plus sombr es choses.
n
1A V ERT ISSEMEN T DE
L’A U T EU R
« Ah  ! insensé qui cr ois que tu n’ es p as moi. »
V . H UGO . ( Les Contemplations.)
Ce liv r e est encor e plus moi que tous ceux que j’ai é crits jusqu’à ce
jour .
Il r enfer me même un long chapitr e ( le neuvième , p ag es 619 à 655) que
je n’ai consenti à liv r er à aucune r e v ue , de p eur qu’il ne tombât sous les
y eux de g ens quelconques, sans que j’aie pu les av ertir .
D’ab ord, je v oulais ne p as publier ce p assag e . Mais j’ai song é à mes
amis inconnus  : un seul mouv ement de leur sy mp athie lointaine , je r
egr eerais tr op de m’ en priv er . . . Et puis j’ai toujour s cee impr ession que ,
dans l’ esp ace et dans la duré e , je r e cule les limites de mon âme en la
mêlant un p eu aux leur s  ; quelques instants de plus, après que j’aurai p assé ,
la mémoir e de ces frèr es g ardera p eut-êtr e vivantes de chèr es imag es que
j’y aurai gravé es.
Ce b esoin de luer contr e la mort est d’ailleur s — après le désir de
fair e quelque bien si l’ on s’ en cr oit cap able — la seule raison immatérielle
que l’ on ait d’é crir e .
2Le liv r e de la pitié et de la mort Chapitr e
Par mi ceux qui font pr ofession d’ étudier les œuv r es de leur pr o chain,
il en est b on nombr e av e c lesquels je n’ai rien de commun, ni les idé es
ni le lang ag e . Moins que jamais je me sens cap able d’ir ritation contr e
eux, tant j’ai appris à tenir compte , avant de jug er les autr es hommes, des
différ ences natur elles ou acquises.
Mais cee fois est la pr emièr e où leur g ouaillerie aurait quelque
chance de m’êtr e p énible , si elle p ar v enait jusqu’à moi, p ar ce qu’ elle
p our ra p orter sur des choses et des êtr es qui me sont sacrés  ; je leur donne
v raiment la p artie b elle en publiant ce liv r e . A ussi vais-je essay er de leur
dir e ici  : faites-moi donc la grâce de ne p as le lir e , il ne contient rien qui
soit p our v ous, — et il v ous ennuiera tant, si v ous saviez  !. . .
n
3CHAP I T RE I
RÊV E
    une langue à p art, dans laquelle p our raient
s’é crir e les visions de mes sommeils. and j’ essaie av e c les motsJ ordinair es, je n’ar riv e qu’à constr uir e une sorte de ré cit g auche
et lourd, à trav ers le quel ceux qui me lisent ne doiv ent assurément rien
v oir  ; moi seul, je puis distinguer encor e , der rièr e l’à peu près de ces mots
accumulés, l’insondable abîme .
Il p araît que les rê v es, même ceux qui nous semblent les plus longs,
n’ ont qu’une duré e à p eine appré ciable , rien que ces instants toujour s très
fugitifs où l’ esprit floe entr e la v eille et le sommeil  ; mais nous sommes
tr omp és p ar l’ e x cessiv e rapidité av e c laquelle leur s mirag es se succèdent
et chang ent  ; ayant v u p asser tant de choses, nous disons  : j’ai rê vé toute
une nuit, quand à p eine av ons-nous rê vé p endant une minute .
††
La vision dont je vais p arler n’a p eut-êtr e p as eu comme duré e ré elle ,
plus de quelques se condes, car elle m’a p ar u à moi-même fort courte .
4Le liv r e de la pitié et de la mort Chapitr e I
La pr emièr e imag e s’ est é clairé e en deux ou tr ois fois, p ar saccades
légèr es, comme si, der rièr e un transp ar ent, on r emontait p ar p etites
secousses la flamme d’une lamp e .
D’ab ord une lueur indé cise , de for me allong é e , — airant l’aention
de mon esprit au sortir du plein sommeil, de la nuit et du non-êtr e .
Puis la lueur de vient une traîné e de soleil, entrant p ar une fenêtr e
ouv erte et s’étalant sur un plancher . En même temps, mon aention, plus
e x cité e , s’inquiète tout à coup  : vague r essouv enir de je ne sais quoi, pr
essentiment rapide comme l’é clair de quelque chose qui va me r emuer
jusqu’au fond de l’âme .
Cela se pré cise  : c’ est le ray on d’un soleil du soir v enant d’un jardin
sur le quel cee fenêtr e donne  ; — jardin e x otique où, sans les av oir v us, je
sais à présent qu’il y a des manguier s. D ans cee traîné e lumineuse sur
le plancher , l’ ombr e d’une plante qui est dehor s, se dé coup e et tr emble
doucement, — l’ ombr e d’un bananier . . .
Et maintenant les p arties r elativ ement obscur es s’é clair ent  ; — dans la
p énombr e , les objets se dessinent, — et je v ois tout, av e c un ine xprimable
frisson  !
Rien que de très simple p ourtant  ; un p etit app artement dans quelque
maison coloniale , aux mur s de b ois, aux chaises de p aille . Sur une console ,
une p endule du temps de Louis X V , dont le balancier tinte imp er
ceptiblement. Mais j’ai déjà v u tout cela et j’ai conscience de l’imp ossibilité où
je suis de me rapp eler où, et je m’agite av e c ang oisse der rièr e cee sorte
de v oile ténébr eux qui est tendu à un p oint donné dans ma mémoir e ,
arrêtant les r eg ards que je v oudrais pr olong er au delà , dans je ne sais quel
r e c ul plus pr ofond.
. . . C’ est bien le soir , c’ est bien la lueur doré e d’un soleil qui va
s’éteindr e , — et les aiguilles de la p endule Louis X V mar quent six heur es. . .
Six heur es de quel jour à jamais p erdu dans le g ouffr e éter nel  ? de quel
jour , de quel anné e lointaine et disp ar ue  ?
Ces chaises ont aussi un air ancien. D ans l’une d’ elles est p osé un lar g e
chap e au de femme , en p aille blanche , d’une for me démo dé e depuis plus
de cent ans. Mes y eux s’y ar rêtent et alor s l’indicible frisson me se coue
plus fort. . . La lumièr e baisse , baisse  ; maintenant, c’ est à p eine l’é clairag e
tr ouble des rê v es ordinair es. . . Je ne compr ends p as, je ne sais p as, — mais,
5Le liv r e de la pitié et de la mort Chapitr e I
malgré tout, je sens que j’ai été au courant des choses de cee maison et de
la vie qui s’y mène , cee vie plus mélancolique et plus, e xilé e des colonies
d’autr efois, alor s que les distances étaient plus grandes et les mer s plus
inconnues.
Et tandis que je r eg arde ce chap e au de femme , qui s’ efface p eu à p eu,
comme tout ce qui est là , dans des gris crépusculair es, cee réfle xion me
vient, faite en ma tête p ar un autr e que p ar moi-même  : « Alor s, c’ est
qu’ elle est r entré e . »
― En effet, ELLE app araît. Elle, der rièr e moi, sans que je l’aie entendue
v enir  ; elle, r estant dans la p artie obscur e , dans le fond de l’app artement
où ce r eflet de soleil n’ar riv e p as  ; elle, très vague comme une esquisse
tracé e en couleur s mortes sur de l’ ombr e grise .
Elle, très jeune , cré ole , nu-tête av e c des b oucles noir es disp osé es
autour du fr ont d’

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