Le rêve
197 pages
Français
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Description

Le Rêve est le seizième volume de la série Les Rougon-Macquart. Zola y aborde le thème de la religion, mais de façon beaucoup moins violente et polémique qu’il ne l’avait fait dans la Conquête de Plassans ou la Faute de l'abbé Mouret. Cette fois-ci, il s’intéresse à la foi populaire et au renouveau du mysticisme dans la société française de la seconde moitié du xixe siècle. extrait : Et, de toute la cité mystique, la maison des Hubert, où désormais Angélique allait vivre, était la plus voisine de la cathédrale, celle qui tenait à sa chair même. L'autorisation de bâtir là, entre deux contreforts, avait dû être accordée par quelque curé de jadis, désireux de s'attacher l'ancêtre de cette lignée de brodeurs, comme maître chasublier, fournisseur de la sacristie. Du côté du midi, la masse colossale de l'église barrait l'étroit jardin : d'abord le pourtour des chapelles latérales dont les fenêtres donnaient sur les plates-bandes, puis le corps élancé de la nef que les arcs-boutants épaulaient, puis le vaste comble couvert de feuilles de plomb.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 245
EAN13 9782824702506
Langue Français

Extrait

ÉMI LE ZOLA
LE RÊV E
BI BEBO O KÉMI LE ZOLA
LE RÊV E
1888
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-0250-6
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.CHAP I T RE I
   hiv er de 1860, l’Oise g ela, de grandes neig es
couv rir ent les plaines de la basse Picardie  ; et il en vint surtoutP une b our rasque du nord-est, qui ense v elit pr esque Be aumont, le
jour de la Noël. La neig e , s’étant mise à tomb er dès le matin, r e doubla v er s
le soir , s’amassa durant toute la nuit. D ans la ville haute , r ue des Orè v r es,
au b out de laquelle se tr ouv e comme enclavé e la façade nord du transept
de la cathé drale , elle s’ eng ouffrait, p oussé e p ar le v ent, et allait bar e la
p orte Sainte- Agnès, l’antique p orte r omane , pr esque déjà g othique , très
or né e de sculptur es sous la nudité du pignon. Le lendemain, à l’aub e , il y
en eut là près de tr ois pie ds.
La r ue dor mait encor e , emp ar essé e p ar la fête de la v eille . Six heur es
sonnèr ent. D ans les ténèbr es, que bleuissait la chute lente et entêté e des
flo cons, seule une for me indé cise vivait, une fillee de neuf ans, qui,
réfugié e sous les v oussur es de la p orte , y avait p assé la nuit à gr eloer ,
en s’abritant de son mieux. Elle était vêtue de lo ques, la tête env elopp é e
1Le rê v e Chapitr e I
d’un lamb e au de foulard, les pie ds nus dans de gr os soulier s d’homme .
Sans doute elle n’avait é choué là qu’après av oir longtemps bau la ville ,
car elle y était tombé e de lassitude . Pour elle , c’était le b out de la ter r e ,
plus p er sonne ni plus rien, l’abandon der nier , la faim qui r ong e , le fr oid
qui tue  ; et, dans sa faiblesse , étouffé e p ar le p oids lourd de son cœur , elle
cessait de luer , il ne lui r estait que le r e cul phy sique , l’instinct de chang er
de place , de s’ enfoncer dans ces vieilles pier r es, lor squ’une rafale faisait
tourbillonner la neig e .
Les heur es, les heur es coulaient. Longtemps, entr e le double vantail
des deux baies jumelles, elle s’était adossé e au tr ume au, dont le pilier
p orte une statue de sainte Agnès, la marty r e de tr eize ans, une p etite fille
comme elle , av e c la p alme et un agne au à ses pie ds. Et, dans le ty mp an,
au-dessus du linte au, toute la lég ende de la vier g e enfant, fiancé e à Jésus,
se dér oule , en haut r elief, d’une foi naïv e  : ses che v eux qui s’allongèr ent
et la vêtir ent, lor sque le g ouv er neur , dont elle r efusait le fils, l’ env o ya nue
aux mauvais lieux  ; les flammes du bûcher qui, s’é cartant de ses membr es,
brûlèr ent les b our r e aux, dès qu’ils eur ent allumé le b ois  ; les miracles de
ses ossements, Constance , fille de l’ emp er eur , guérie de la lèpr e , et les
miracles d’une de ses figur es p eintes, le prêtr e Paulin, tour menté du b esoin
de pr endr e femme , présentant, sur le conseil du p ap e , l’anne au or né d’une
émeraude à l’imag e , qui tendit le doigt, puis le r entra, g ardant l’anne au
qu’ on y v oit encor e , ce qui déliv ra Paulin. A u sommet du ty mp an, dans
une gloir e , Agnès est enfin r e çue au ciel, où son fiancé Jésus l’ép ouse ,
toute p etite et si jeune , en lui donnant le baiser des éter nelles délices.
Mais, lor sque le v ent enfilait la r ue , la neig e foueait de face , des p
aquets blancs menaçaient de bar r er le seuil  ; et l’ enfant, alor s, se g arait
sur les côtés, contr e les vier g es p osé es au-dessus du stylobate de
l’ébrasement. Ce sont les comp agnes d’ Agnès, les saintes qui lui ser v ent d’
escorte  : tr ois à sa dr oite , D or othé e , nour rie en prison de p ain miraculeux,
Barb e , qui vé cut dans une tour , Gene viè v e , dont la vir ginité sauva Paris  ;
et tr ois à sa g auche , Ag athe , les mamelles tordues et ar raché es,
Christine , torturé e p ar son pèr e , et qui lui jeta de sa chair au visag e , Cé cile ,
qui fut aimé e d’un ang e . A u-dessus d’ elles, des vier g es encor e , tr ois rangs
ser rés de vier g es montent av e c les ar cs des clav e aux, g ar nissent les tr ois
v oussur es d’une floraison de chair s triomphantes et chastes, en bas
mar2Le rê v e Chapitr e I
ty risé es, br o yé es dans les tour ments, en haut accueillies p ar un v ol de
chér ubins, ravies d’ e xtase au milieu de la cour céleste .
Et rien ne la pr otég e ait plus, depuis longtemps, lor sque huit heur es
sonnèr ent et que le jour grandit. La neig e , si elle ne l’ eût foulé e , lui
serait allé e aux ép aules. L’antique p orte , der rièr e elle , s’ en tr ouvait
tapissé e , comme tendue d’her mine , toute blanche ainsi qu’un r ep osoir , au bas
de la façade grise , si nue et si lisse , que p as un flo con ne s’y accr o chait.
Les grandes saintes de l’ébrasement surtout en étaient vêtues, de leur s
pie ds blancs à leur s che v eux blancs, é clatantes de candeur . P lus haut, les
scènes du ty mp an, les p etites saintes des v oussur es s’ enle vaient en arêtes
viv es, dessiné es d’un trait de clarté sur le fond sombr e  ; et cela jusqu’au
ravissement final, au mariag e d’ Agnès, que les ar chang es semblaient
célébr er sous une pluie de r oses blanches. D eb out sur son pilier , av e c sa
p alme blanche , son agne au blanc, la statue de la vier g e enfant avait la
pur eté , le cor ps de neig e immaculé , dans cee raideur immobile du
fr oid, qui glaçait autour d’ elle le my stique élancement de la vir ginité
victorieuse . Et, à ses pie ds, l’autr e , l’ enfant misérable , blanche de neig e , elle
aussi, raidie et blanche à cr oir e qu’ elle de v enait de pier r e , ne se distinguait
plus des grandes vier g es.
Cep endant, le long des façades endor mies, une p er sienne qui se
rabait en claquant lui fit le v er les y eux. C’était, à sa dr oite , au pr emier
étag e de la maison qui touchait à la cathé drale . Une femme , très b elle ,
une br une forte , d’ envir on quarante ans, v enait de se p encher là  ; et,
malgré la g elé e ter rible , elle laissa une minute son bras nu dehor s, ayant v u
r emuer l’ enfant. Une sur prise apito yé e arista son calme visag e . Puis,
dans un frisson, elle r efer ma la fenêtr e . Elle emp ortait la vision rapide ,
sous le lamb e au de foulard, d’une g amine blonde , av e c des y eux couleur
de violee  ; la face allong é e , le col surtout très long, d’une élég ance de
lis, sur des ép aules tombantes  ; mais bleuie de fr oid, ses p etites mains et
ses p etits pie ds à moitié morts, n’ayant plus de vivant que la bué e légèr e
de son haleine .
L’ enfant, machinale , était r esté e les y eux en l’air , r eg ardant la
maison, une étr oite maison à un seul étag e , très ancienne , bâtie v er s la fin du
quinzième siè cle . Elle se tr ouvait scellé e au flanc même de la cathé drale ,
entr e deux contr eforts, comme une v er r ue qui aurait p oussé entr e les deux
3Le rê v e Chapitr e I
doigts de pie d d’un colosse . Et, accoté e ainsi, elle s’était admirablement
conser vé e , av e c son soubassement de pier r e , son étag e en p ans de b ois,
g ar nis de briques app ar entes, son comble dont la char p ente avançait d’un
mètr e sur le pignon, sa tour elle d’ escalier saillante , à l̵

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