Les Louves de Machecoul - Tome II
269 pages
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Les Louves de Machecoul - Tome II

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Description

Après une rapide évocation des guerres civiles de Vendée de 1793-94, l'intrigue se déroule entre 1831 et 1832. Filles jumelles et bâtardes d'un ancien combattant royaliste de 1793, le marquis de Souday, Mary et Bertha, auxquelles on prête, bien à tort, une sulfureuse réputation, sont cruellement surnommées «les louves de Machecoul». Loin de ces médisances, elles vivent sereinement leur solitude jusqu'au jour où le sort place sur le chemin deux nouveaux personnages : le baron Michel de la Logerie, fils d'un bourgeois enrichi par l'Empire, et Marie-Caroline de Bourbon, duchesse de Berry, qui veut offrir le trône de France à son fils en réveillant l'esprit royaliste vendéen. Dès leur première rencontre, les jeunes filles s'éprennent de Michel qui, pour sa part, tombe sous le charme de la douce Mary et s'engage, par amour pour elle, aux côtés de la duchesse... Roman méconnu de Dumas, Les louves de Machecoul s'avère pourtant une oeuvre riche, dense et palpitante, empreint d'une vie étourdissante et d'un puissant souffle romanesque.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 14
EAN13 9782824700557
Langue Français

Extrait

Alexandre Dumas
Les Louves de Machecoul Tome II
bibebook
Alexandre Dumas
Les Louves de Machecoul
Tome II
Dn texte du domaine public. Dne édition libre. bibebook www.bibebook.com
ans la même série :
http://www.bibebook.com/ebook/libre/alexandre_dumas-les_louves_de_machecoul-tome_2.epub
http://www.bibebook.com/ebook/libre/alexandre_dumas-les_louves_de_machecoul-tome_1.epub
XLVI – Où maître Jacques tient le serment qu’il a fait à Aubin Courte-Joie
ffectivement, le bruit que le baron Michel et Petit-Pierre avaient entendu, du côté par où Courtin venait de disparaître, se changeait en un fracas tumultueux qui allait toujours se rapprochant ; et, deux minutes après, une douzaine de chasseurs, Epassèrent comme une tempête à dix pas de Petit-Pierre et de son compagnon, qui se lancés au galop sur les traces ou plutôt sur le bruit que faisait en fuyant le cheval du marquis de Souday, – lequel accompagnait sa fuite de hennissements furieux, – redressant au fur et à mesure que les cavaliers s’éloignaient, les suivirent de l’œil dans leur course enragée. – Ils vont bien, dit Petit-Pierre ; mais, c’est égal, je doute qu’ils le rattrapent. – D’autant plus, répondit le baron, qu’ils vont justement passer à l’endroit où nos amis nous attendent, et que le marquis me paraît tout à fait d’humeur à ralentir leur poursuite. – Bataille, alors ! fit Petit-Pierre. Hier dans l’eau, aujourd’hui dans le feu ; j’aime mieux cela ! Et il essaya d’entraîner le baron Michel du côté où il comptait que la bataille allait avoir lieu. – Oh ! non, non, dit Michel résistant ; non, je vous en prie, n’y allez pas ! – N’êtes-vous pas curieux de combattre sous les yeux de votre belle, baron ? Elle est là, cependant ! – Je le crois, dit tristement le jeune homme ; mais, vous le voyez, les soldats sillonnent la campagne dans toutes les directions ; si l’on tire quelques coups de fusil, ils accourront au feu ; nous pouvons tomber dans un de leurs partis, et, si j’accomplissais si malheureusement la mission dont je me suis chargé, je n’oserais plus jamais me présenter devant le marquis… – Voyons, dites devant sa fille. – Eh bien, oui. – Alors, pour ne pas vous brouiller avec votre belle amie, je vous promets de vous obéir. – Merci, merci, dit Michel saisissant vivement les mains de Petit-Pierre. Puis, s’apercevant de l’inconvenance qu’il commettait : – Oh ! pardon, pardon, dit-il en faisant vivement un pas en arrière. – Bon ! dit Petit-Pierre, ne faites pas attention. Où le marquis de Souday m’avait-il ménagé un asile ? – Chez moi, dans une métairie à moi. – Pas dans celle de Courtin, j’espère ? – Non, dans une autre, parfaitement isolée, perdue dans les bois, de l’autre côté de Légé… Vous savez le village où était la maison de Tinguy ? – Oui ; mais connaissez-vous les chemins qui y conduisent ? – Parfaitement. – Je me défie un peu de cet adverbe-là en France ; mon pauvre Bonneville, lui aussi, connaissait parfaitement les chemins, et cependant il s’est égaré. Petit-Pierre poussa un soupir et murmura : – Pauvre Bonneville !… Hélas ! C’est peut-être cette erreur qui est la cause de sa mort.
Ce retour que faisait Petit-Pierre en arrière le ramenait naturellement aux pensées mélancoliques qui avaient déjà occupé son esprit lorsqu’il avait quitté la maison où s’était accomplie la catastrophe qui avait coûté la vie à son premier compagnon ; il redevint silencieux, et, après un signe de consentement, il se mit à suivre son nouveau guide, ne répondant que par des monosyllabes aux rares questions que lui adressait Michel.
Quant à celui-ci, il se tira de ses nouvelles fonctions avec infiniment plus d’adresse et de bonheur que l’on n’aurait pu s’y attendre. Il se jeta sur la gauche, et, traversant la plaine, il gagna un ruisseau qu’il connaissait pour y avoir maintes fois pêché des écrevisses dans son enfance ; ce ruisseau traverse d’un bout à l’autre le vallon de la Benaste, remonte vers le sud pour redescendre au nord et rejoindre la Boulogne auprès de Saint-Colombin.
Les deux rives, bordées de prairies, offraient un chemin à la fois sûr et commode. Michel le suivit quelque temps en portant Petit-Pierre sur ses épaules comme avait fait le pauvre Bonneville.
Puis, sortant du ruisseau après y avoir fait un kilomètre environ, il appuya de nouveau à gauche, gravit une colline et montra à Petit-Pierre les masses sombres de la forêt de Touvois, que, dans l’obscurité, on entrevoyait au pied de la colline sur laquelle ils étaient parvenus.
– Est-ce donc déjà votre métairie ? demanda Petit-Pierre. – Non ; nous avons encore à traverser la forêt de Touvois ; mais, dans trois quarts d’heure, nous y serons arrivés. – Et la forêt de Touvois est-elle sûre ? – C’est probable : les soldats savent bien qu’il n’y a rien de bon, pour eux, à traverser nos forêts la nuit. – Et vous ne craignez pas de vous y perdre ? – Non ; car nous n’irons point à travers le fourré ; nous n’y entrerons même que quand nous aurons trouvé le chemin de Machecoul à Légé ; en suivant la lisière de l’est, nous devons nécessairement le rencontrer. – Et alors ? – Alors, nous n’aurons plus qu’à le suivre en remontant. – Allons, allons, dit Petit-Pierre, je rendrai bon compte de vous, mon jeune guide, et, ma foi, il ne tiendra pas à Petit-Pierre que votre courageux dévouement n’obtienne la récompense qu’il ambitionne. Mais voici un chemin à peu près praticable ; ne serait-ce pas celui que nous cherchons ? – C’est bien facile à reconnaître : il doit y avoir un poteau à droite… Et ! tenez, le voici ! C’est cela même. Et, maintenant, Petit-Pierre, j’ose vous promettre une bonne nuit. – Tant mieux ! dit Petit-Pierre en soupirant ; car je ne puis pas vous cacher que les terribles émotions de la journée ont mal réparé les fatigues de l’autre nuit.
Petit-Pierre n’avait pas achevé ces mots, qu’une silhouette noire se dressa sur le revers du fossé, bondit sur la route, et qu’un homme le saisissant violemment au collet, lui cria d’une voix de tonnerre : – Arrêtez, ou vous êtes mort ! Michel s’élança au secours de son jeune compagnon en assenant sur la tête de l’agresseur un vigoureux coup de la pomme de plomb de sa cravache. Mais il faillit payer cher sa généreuse intervention. L’homme, sans lâcher Petit-Pierre, qu’il contenait de la main gauche, tira un pistolet de dessous sa veste et fit feu sur le baron Michel. Heureusement pour le pauvre jeune homme que, quelle que fût la faiblesse de Petit-Pierre, ce n’était point un gaillard à se tenir aussi parfaitement tranquille que l’eût souhaité l’homme
au pistolet : il vit le geste, et, d’un geste plus rapide encore, il releva si à propos le bras qui ajustait l’arme meurtrière, que la balle, qui, sans ce mouvement, traversait infailliblement la poitrine du baron Michel, ne fit que lui labourer le haut de l’épaule.
Il revenait à la charge et l’assaillant sortait un second pistolet de sa ceinture, lorsque deux autres individus s’élancèrent hors des buissons et le saisirent par-derrière. Alors, l’homme, le voyant hors d’état de nuire, se contenta de dire à ses deux coopérateurs : – Fusillez-moi ce gaillard-là ! et, quand vous en aurez fini avec lui, vous me débarrasserez de celui-ci. – Mais, se hasarda de dire Petit-Pierre, de quel droit nous arrêtez-vous de la sorte ? – Du droit de ceci, répondit l’homme en montrant la carabine qu’il portait en sautoir sur son épaule. Pourquoi ? Vous le saurez tout à l’heure. Attachez solidement l’homme à la cravache ; quant à celui-ci, ajouta-t-il avec mépris en désignant Petit-Pierre, ce n’est pas la peine : je crois que nous n’aurons pas grande difficulté à nous en faire suivre. – Mais, enfin, où nous conduisez-vous ? demanda Petit-Pierre. – Oh ! vous êtes bien curieux, mon jeune ami, répondit l’homme. – Mais encore ?… – Eh ! pardieu ! marchez, si vous tenez tant à le savoir. Vous le verrez tout à l’heure par vos propres yeux. Et l’homme, prenant le bras de Petit-Pierre sous le sien, l’entraîna dans le fourré, tandis que Michel, qui regimbait encore vigoureusement, poussé par les deux acolytes, y pénétrait à son tour. Ils marchèrent ainsi pendant dix minutes, après lesquelles ils arrivèrent à la clairière que nous connaissons pour la demeure de Jacques, le maître des lapins ; car c’était lui qui, pour tenir saintement la promesse qu’il avait faite à Courte-Joie, avait arrêté les deux premiers voyageurs que le hasard avait envoyés sur la route et c’était son coup de pistolet qui avait mis en rumeur tout le camp des réfractaires, ainsi que nous l’avons vu à la fin d’un des chapitres précédents.
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XLVII – Oùi est démontré que tous es juifs ne sont pas de Jérusaem, et tous es Turcs de Tunis
olà! fit maître Jacques en arrivant à a cairière.! hé ! es apins Et à a voix de eur chef, es apins obéissants sortirent des buissons, des touffes H de genêts et de broussaies, sous esques is s’étaient gîtés au premier cri d’aarme, et rentrèrent dans a cairière, où autant, que e eur permettait ’obscurité, is examinèrent curieusement es deux prisonniers. Puis, comme cet examen dans es ténèbres ne eur suffisait pas, ’un d’eux descendit dans e terrier, y auma deux morceaux de sapin et revint es mettre sous e nez de Petit-Pierre et de son compagnon.
Maître Jacques avait été reprendre sa pace habituee sur e tronc d’arbre, et i causait paisibement avec Aubin Courte-Joie, auque i racontait es incidents de a prise qu’i venait d’opérer, avec a même conscience qu’un viageois raconte à sa femme es détais d’une acquisition qu’i a faite au marché.
Miche, que cette première affaire et a bessure qu’i avait reçue avaient nécessairement ému, s’était assis ou putôt couché sur ’herbe ; Petit-Pierre, debout à côté de ui, regardait, avec une attention qui n’était pas exempte de dégoût, es figures des bandits ; ce qui ui était d’autant pus facie que ceux-ci, eur curiosité satisfaite, avaient repris eurs occupations interrompues, c’est-à-dire eurs psamodies, eurs jeux, eur sommei et e soin de eurs armes.
Cependant, tout en jouant, tout en buvant, tout en chantant, tout en nettoyant eurs fusis, eurs carabines et eurs pistoets, is ne perdaient pas un seu instant de ’œi es deux prisonniers, que, pour surcroît de précaution, on avait pacés au centre de a cairière. Ce fut aors seuement, en ramenant ses regards des bandits sur son compagnon, que Petit-Pierre s’aperçut de a bessure de ceui-ci. – Oh ! mon Dieu ! s’écria-t-i en voyant e sang qui, couant de son bras, était descendu jusqu’à sa main, vous êtes bessé ? – Je crois que oui, Mad… mons… – Oh ! par grâce, jusqu’à nouve ordre,Petit-Pierre, et pus que jamais ! Souffrez-vous beaucoup ? – Non ; i m’a sembé que je recevais un coup de bâton sur ’épaue, et, maintenant, j’ai e bras tout engourdi. – Essayez de e remuer. – Oh ! dans tous es cas, i n’y a rien de cassé. Voyez ! Et, effectivement, i remua assez faciement e bras. – Aons, tant mieux ! Voià qui va enever d’assaut e cœur de cee que vous aimez, et, si votre nobe conduite ne suffisait pas, je vous promets d’intervenir ; j’ai de bonnes raisons pour croire que mon intervention sera efficace. – Que vous êtes bonne ! – Que je suisbon ! bon ! bon !Ne ’oubiez donc pus, maheureux que vous êtes ! – Oui, Petit-Pierre ; et, quoique vous m’ordonniez après une pareie promesse, s’agît-i d’enever à moi tout seu une batterie de cent pièces de canons, je marcherais tête baissée sur a redoute. Ah ! si vous vouiez parer au marquis de Souday, je serais e pus heureux des
hommes ! – Ne gesticuez donc pas ainsi : vous aez empêcher e sang de s’arrêter. Ah ! i paraît que c’est e marquis que vous redoutez particuièrement. Eh bien, je ui parerai, à ce terribe marquis, foi de… Petit-Pierre ; seuement, pendant qu’on nous aisse tranquies, continua Petit-Pierre en jetant un regard autour de ui, causons de nos affaires. Où sommes-nous, et quees sont ces gens-à ? – Mais, dit Miche, cea m’a tout ’air d’être des chouans. – Des chouans qui arrêtent des voyageurs inoffensifs ? C’est impossibe. – Cea s’est vu cependant. – Oh ! – Et, cea ne s’est pas vu, j’ai bien peur que cea ne se voie aujourd’hui. – Mais que vont-is faire de nous ? – Nous aons e savoir ; car voici qu’is se remuent, et c’est sans doute pour nous faire ’honneur de s’occuper de nos personnes. – Ah ! par exempe, fit Petit-Pierre, i serait curieux que ce fût de mes partisans que vînt pour nous e danger. En tout cas, sience ! Miche fit un signe pour indiquer qu’i n’y avait de sa part aucune indiscrétion à redouter. Comme ’avait fort judicieusement remarqué e jeune baron, maître Jacques, après avoir conféré avec Aubin Courte-Joie et queques-uns de ses hommes, venait de donner ’ordre qu’on ui amenât es prisonniers. Petit-Pierre s’avança avec assurance vers ’arbre sous eque e maître des apins tenait ses assises ; mais Miche, qui, à cause de sa bessure et de ses mains iées, éprouvait queque difficuté à se dresser sur ses jambes, mit un peu pus de temps à obéir ; ce que voyant, Aubin Courte-Joie, fit signe à Trigaud a Vermine, qui, saisissant e jeune homme par a ceinture, ’eneva avec autant de faciité qu’un autre eût fait d’un enfant de trois ans, et e posa devant maître Jacques en ayant soin de e pacer dans une situation exactement sembabe à cee où i était orsqu’i avait été ramassé, manœuvre que Trigaud a Vermine opéra en ançant fort adroitement en avant es extrémités inférieures de Miche, puis en donnant une secousse au centre de gravité avant de aisser retomber e tout sur e so.
– Butor ! murmura Miche, auque a doueur avait fait perdre sa timidité naturee.
– Vous n’êtes pas poi, dit maître Jacques ; non, je vous e répète, vous n’êtes pas poi, monsieur e baron Miche de a logerie ! et e procédé de ce brave garçon vaait mieux que cea. Mais voyons, aissons toutes ces futiités, et arrivons-en à nos petites affaires. Jetant aors un coup d’œi pus arrêté sur e jeune homme : – Je ne me suis pas trompé, continua-t-i : vous êtes bien M. e baron Miche de a logerie ? – Oui, répondit brièvement Miche. – Bien ! qu’aviez-vous à faire sur a route de légé, en peine forêt de Touvois, à cette heure de a nuit ? – Je pourrais vous répondre que je n’ai pas de comptes à vous rendre, et que es routes sont ibres. – Mais vous ne me répondrez pas cea, monsieur e baron. – Pourquoi ? – Parce que, sauf e respect que je vous dois, vous répondriez une sottise, et que vous avez trop d’esprit pour cea. – Comment ? – Sans doute : vous voyez bien que vous avez des comptes à me rendre, puisque je vous en
demande ; vous voyez bien que es routes ne sont pas ibres, puisque vous n’avez pas pu continuer votre chemin. – Soit ; je ne discuterai pas avec vous. J’aais à ma métairie de a Banœuvre, qui, vous e savez, est située à ’une des extrémités de a forêt de Touvois, où nous sommes. – Eh bien, à a bonne heure, monsieur e baron, faites-moi toujours ’honneur de me répondre ainsi, et nous serons d’accord. Maintenant, comment se fait-i que M. e baron de a logerie, qui a tant de bons chevaux dans ses écuries, tant de bons carrosses sous ses remises, voyage à pied comme es simpes manants, comme nous pourrions e faire ? – Nous avions un cheva ; mais, dans une chute que nous avons faite, i s’est échappé, et nous n’avons pas pu e rejoindre. – Bien encore. A présent, monsieur e baron, j’espère que vous serez assez bon pour nous donner des nouvees. – Moi ? – Oui. Que se passe-t-i par à-bas, monsieur e baron ? – En quoi ce qui se passe de nos côtés peut-i vous intéresser ? demanda Miche, qui, ne devinant pas encore tout à fait à qui i avait affaire, ne savait trop quee coueur i devait donner à ses réponses. – Dites toujours, monsieur e baron, reprit maître Jacques ; ne vous inquiétez pas de ce qui peut m’être utie ou de ce qui peut m’être indifférent. Voyons, rappeez bien vos souvenirs. Qu’avez-vous rencontré sur votre route ?
Miche regarda Petit-Pierre avec embarras. Maître Jacques surprit ce regard ; i appea Trigaud a Vermine et ui ordonna de se pacer entre es deux prisonniers, comme a Muraie duSonge d’une nuit d’été. – Eh bien, continua Miche, nous avons rencontré ce que ’on rencontre à toute heure et sur tous es chemins, depuis trois jours, dans es environs de Machecou : des sodats. – Et sans doute is vous ont paré ? – Non. – Comment ! non ? Is vous ont aissés passer sans vous parer ? – Nous es avons évités. – Bah ! fit maître Jacques d’un ton dubitatif. – Voyageant pour nos affaires, i ne nous convenait point d’être mêés magré nous dans cees qui ne nous regardent pas. – Et que est ce jeune homme qui vous accompagne ? Petit-Pierre s’empressa de répondre avant que Miche eût eu e temps de e faire : – Je suis, dit-i, e domestique de M. e baron. – Aors, mon ami, dit maître Jacques répiquant à Petit-Pierre, permettez-moi de vous dire que vous êtes un bien mauvais domestique ; et, en vérité, tout paysan que je suis, cea me chagrine de voir un domestique répondre pour son maître, surtout quand on ne ui adresse pas a paroe, à ui. Puis, revenant à Miche : – Ah ! Ce jeune garçon est votre domestique ? continua maître Jacques. Eh bien, i est fort genti ! Et e maître des apins regarda Petit-Pierre avec une profonde attention, tandis que ’un de ses hommes passait sa torche devant e visage de ce dernier pour faciiter ’examen. – Voyons, de fait, que vouez-vous ? demanda Miche. Si c’est ma bourse, je ne compte pas a
défendre, prenez-a ; mais aissez-nous aer à nos affaires.
– Ah ! fi donc ! répondit maître Jacques, si j’étais un gentihomme comme vous, monsieur Miche, je vous demanderais raison d’une pareie offense. Voyons, vous nous prenez donc pour des voeurs de grand chemin ? Voià qui n’est pas du tout fatteur, et, sans a crainte de vous être désagréabe, je vous révéerais mes quaités ; mais vous ne vous occupez pas de poitique… Monsieur votre père, cependant, que j’ai eu ’avantage de connaître queque peu, s’en mêait, ui, et i n’y a pas perdu sa fortune ; je vous avoue donc que je croyais trouver en vous un serviteur zéé de Sa Majesté louis-Phiippe.
– Eh bien, vous vous seriez trompé, mon cher monsieur, répondit très-irrévérencieusement Petit-Pierre : M. e baron est, au contraire, un partisan très zéé d’Henri V.
– Vraiment, mon jeune ami ? s’écria maître Jacques. Puis se tournant vers Miche : – Voyons, monsieur e baron, continua-t-i, ce que vient de dire à votre compagnon… non, je me trompe, votre domestique, est-ce bien vrai ? – C’est ’exacte vérité, répondit Miche. – Ah ! Voià qui me combe de joie ! Et moi qui croyais avoir affaire à d’affreux patauds ! Mon Dieu, que je suis donc honteux de vous avoir traités de a sorte, et que d’excuses j’ai à vous faire ! Recevez-es, monsieur e baron ; vous-même, prenez-en votre part, mon jeune ami, et touchez à tous deux, e domestique comme e maître… Je ne suis pas fier, moi. – Eh ! pardieu ! dit Miche, dont a poitesse raieuse de maître Jacques était oin d’apaiser a mauvaise humeur, vous avez un moyen bien simpe de nous témoigner vos regrets : c’est de nous renvoyer où vous nous avez pris. – Oh ! fit maître Jacques, non. – Comment ! non ? – Non, non, non ; je ne souffrirai pas que vous nous quittiez de a sorte ; d’aieurs, deux partisans de a égitimité comme nous, monsieur e baron Miche, doivent avoir à s’entretenir ensembe de a grande question de a prise d’armes. N’êtes-vous pas de cet avis, monsieur e baron ? – Soit ; mais ’intérêt même de cette cause exige que, moi et mon domestique, nous nous mettions promptement en sûreté à a Banœuvre. – Monsieur e baron, nu asie, je vous jure, n’est pus sûr que ceui que vous trouverez parmi nous ; puis je ne souffrirai pas que vous nous quittiez avant que je vous aie donné une preuve de ’intérêt vraiment touchant que je vous porte. – Hum ! murmura Petit-Pierre, i me sembe que cea se gâte. – Voyons, dit Miche. – Vous êtes dévoué à Henri V ? – Oui. – Très-dévoué ? – Oui. – Enormément ? – Je vous ’ai dit. – Vous ’avez dit, et je n’en doute pas. Eh bien, je vais vous fournir es moyens de manifester ce dévouement d’une manière écatante. – Faites. – Vous voyez tous ces braves, fit maître Jacques en montrant à Miche sa troupe, c’est-à-dire une quarantaine de drôes ayant bien pus ’air de bandits de Caot que d’honnêtes paysans ;
is ne demandent qu’à se faire tuer pour notre jeune roi et son héroïque mère ; seuement, is manquent de tout ce qui est nécessaire pour atteindre ce but : d’armes pour combattre, d’habits pour se présenter convenabement au feu, d’argent pour aéger es fatigues du bivac. Vous ne souffrirez pas, je e présume, monsieur e baron, que tous ces dignes serviteurs, en accompissant ce que vous-même regardez comme un devoir, s’exposent à toutes es maadies, rhumes, fuxions de poitrine, qui résutent de ’intempérie des saisons ? – Mais où diabe, répiqua Miche, vouez-vous que je trouve de quoi vêtir et armer vos hommes ? Est-ce que j’ai des magasins à ma disposition ? – Ah ! monsieur e baron, reprit maître Jacques, croyez-vous donc que je sache assez peu mon monde pour avoir pensé à donner à un homme comme vous ’ennui de tous ces détais ? Non ; j’ai à un serviteur merveieux (et i montra Aubin Courte-Joie) qui vous épargnera toute peine ; i vous suffira de e fournir d’argent, et i fera pour e mieux, tout en ménageant votre bourse. – S’i ne s’agit que de cea, dit Miche avec a faciité de a jeunesse et ’enthousiasme d’une opinion naissante, de grand cœur ! Combien vous faut-i ? – A a bonne heure ! fit maître Jacques assez étonné de cette faciité. Eh bien, croyez-vous que ce soit exagérer es choses que de vous demander cinq cents francs par homme ? Vous comprenez que je voudrais, outre a tenue – verte comme cee des chasseurs de M. de Charette – eur voir un havre-sac convenabement garni ; cinq cents francs, c’est à peu près moitié du prix que Phiippe compte à a France pour chaque homme qu’ee ui fournit, et chacun de mes hommes vaut bien deux sodats de Phiippe. Vous voyez que je suis raisonnabe. – Dites-moi en deux mots a somme que vous exigez, et finissons. – Eh bien, j’ai une quarantaine d’hommes, y compris es absents par congé en rège, mais qui doivent rejoindre es drapeaux au premier signa : cea fait tout juste vingt mie francs, c’est-à-dire une misère pour un homme riche comme vous êtes, monsieur e baron. – Soit ; dans deux jours, vous aurez vos vingt mie francs, dit Miche en essayant de se ever, je vous en donne ma paroe. – Oh ! que non pas !… Nous vouons vous épargner toute peine, monsieur e baron. Vous avez bien aux environs un ami, un notaire qui vous avancera cette somme : vous aez ui écrire un petit mot bien pressant, bien poi, et ’un de mes hommes se chargera de e ui remettre. – Voontiers ! donnez-moi ce qu’i faut pour écrire et déiez-moi es mains. – Mon compère Courte-Joie va vous fournir pume, encre et papier. Maître Courte-Joie, en effet, commença de tirer de sa poche un encrier garni. Mais Petit-Pierre fit un pas en avant. – Un instant, monsieur Miche, dit-i avec résoution. Et vous, maître Courte-Joie, comme on vous appee, rengainez vos ustensies ; cea ne se fera pas. – Bah ! vraiment, monsieur e domestique ? demanda maître Jacques. Et pourquoi cea ne se ferait-i pas, s’i vous paît ? – Parce que de pareis procédés, monsieur, rappeent un peu trop es bandits de a Caabre et de ’Estramadure pour être de mise chez des hommes qui se prétendent es sodats du roi Henri V ; parce que c’est une véritabe extorsion, et que je ne a souffrirai pas.
– Vous, mon jeune ami ?
– Oui, moi !
– Si je vous considérais comme étant réeement ce que vous avez prétendu être, je vous traiterais comme on traite un aquais impertinent ; mais i me sembe que vous avez queque droit au respect que ’on porte à une femme, et je n’aurai garde de compromettre ma
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