Terres lorraines
214 pages
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Description

Terres lorraines est un roman publié en 1907. Il fut récompensé rétroactivement la même année par le prix Goncourt, en lieu et place du recueil de nouvelles Jean des Brebis ou le livre de la misère du même auteur. Extrait : Celle-là véritablement ressemblait à une demoiselle de la ville, avec son col blanc rabattu, sa robe d’étoffe grise dessinant sa taille souple, ses bandeaux plats séparés par une raie. On voyait bien à la fraîcheur de son teint qu’elle restait à la maison, loin des hâles desséchants et des soleils qui mordent la peau. Sous ses longs cils noirs, son regard avait une douceur soyeuse, une profondeur pensive qui attirait. Jolie ? On n’en savait rien. Mais à la regarder longuement, de toute sa personne s’exhalait un charme qui finissait par vous prendre. Ainsi poussent, dans les haies, des fleurs chétives, maltraitées par les vents, mais dont l’odeur tenace, inoubliable, fait chanter dans notre coeur des rêves infinis de tendresse.

Informations

Publié par
Nombre de lectures 18
EAN13 9782824711324
Langue Français

Extrait

ÉMI LE MOSELL Y
T ERRES LORRAI N ES
BI BEBO O KÉMI LE MOSELL Y
T ERRES LORRAI N ES
1907
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1132-4
BI BEBO OK
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Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.Pr emièr e p artie
1    sept heur es du matin, en no v embr e . Une aub e
pluvieuse filtrait du ciel bas, no yait les champs d’une désolation infi-I nie . Les chaumes grisâtr es, lavés p ar l’automne , r e vêtaient la ter r e
d’une toison hérissé e , p ar eille à un vêtement de misér eux. La pluie cessait
p ar moments  ; alor s une bué e d’ e au se le vait des b ois, dont le
moutonnement ondulait dans les lointains  ; puis une dé chir ur e livide s’ ouv rait
au flanc des nuag es  ; la pluie tombait en un r uissellement de cataracte ,
comme si toutes les e aux du ciel s’étaient r ué es p ar cee ouv ertur e .
La r oute dé valait pr esque à pic. Par endr oits des bancs de pier r e
affleurant le sol y faisaient des mar ches d’ escalier p our des p as de g é ant, et ces
pier r es blanches étaient p olies p ar la r oue des chariots, p ar l’é coulement
des e aux, p ar le glissement des sables.
D eux silhouees s’ébauchèr ent dans la grisaille du lointain, deux p
aysans qui mar chaient côte à côte .
Ils s’ar rêtèr ent du même mouv ement en haut de la monté e , et s’étant
adossés à des « landr es » de b ois se c, qui fer maient une friche , ils y
appuyèr ent les lourdes hoes d’ osier qui leur sciaient les ép aules.
Ils étaient tous deux étrang ement p ar eils, vêtus de futaine grise que
la pluie r e couv rait d’une fine bué e de g ouelees, ayant le tor se ser ré
2T er r es lor raines Chapitr e
dans un tricot de laine br une . Leur s phy sionomies fr ustes et grav es
s’éclairaient du même r eg ard bleu. Mais l’un était un jeune g ar s bien planté ,
dont les joues se r e couv raient d’une barb e châtain, frisé e et dr ue , tandis
que l’autr e , un vieux, tout courbé p ar le travail des champs, p araissait
infir me , incap able de se r e dr esser désor mais p our r eg arder les nuag es, le
ciel lumineux, les sp e ctacles qui ég aient les hommes et les ré confortent.
Ils soufflèr ent un moment, tandis qu’un pâle ray on de soleil, filtrant à
trav er s la pluie , courait sur l’horizon, allumait des lueur s dans les buissons
d’épine . Un r oitelet, tout près d’ eux, fit entendr e quelques notes d’une
chanson mouillé e et frissonnante .
Puis l’av er se r e doubla.
― Pier r e , dit le vieux, v’là qu’ ça r e commence .
Et l’autr e rép ondit, haussant les ép aules d’un air de lassitude  :
―  C’ est le temps de la saison.
Ils se r emir ent en mar che , ayant dans leur allur e le mor ne accablement
des bêtes de somme . T out un airail de pê che dansait dans leur s hoes.
Pour franchir les r uisse aux d’ e au b oueuse , ils sautaient sur les pier r es
branlantes, étendant les bras p our r epr endr e leur é quilibr e . Pier r e avait
le bras p assé dans l’anse d’un p ot de fonte ébré ché , où couvait un feu
de braise . and la rafale tour no yante p assait sur les deux hommes, une
mince colonne de cendr e , sortant du vase , montait dans l’air , comme une
fumé e .
Ils ar rivèr ent au b ord de la Moselle . La rivièr e coulait, rapide et glacé e ,
sous des branches de saules g ar nies de « chativ es », brins de joncs et de
r ose aux se cs, amenés p ar les cr ues ré centes, que le v ent agitait av e c un
long fr oissement triste . Une bar que était amar ré e à la b er g e , une vieille
bar que dont le fond était obstr ué de gravats et d’herb es folles.
Les deux hommes y montèr ent. Elle p artit lentement, puis s’anima
p eu à p eu, g agné e p ar la vie mobile et frémissante du flot. Les b er g es
fuyaient de chaque côté d’un mouv ement monotone , laissant ap er ce v oir
dans la pr ofondeur des prairies inondé es des saules étêtés qui le vaient
leur s têtes diffor mes. Et p arfois aussi on côto yait des tas de b ois empilés
à la lisièr e des forêts. Alor s une o deur forte de tan courait sur l’ e au  : ce
souffle p énétrant que les grands chênes e xhalent après leur mort.
Puis la rivièr e s’élar git, de vint un lac d’ e au jaunâtr e . Les deux hommes
3T er r es lor raines Chapitr e
se mir ent à pê cher .
Assis sur la planche à l’ar rièr e , le vieux D ominique faisait dé crir e à sa
bar que des courb es lentes. Puis il jetait dans l’ e au des p oigné es de son
et de chène vis. D e grandes traîné es blanches filaient à la surface  ; les
co ques légèr es des grains de chène vis se disp er saient en une p oussièr e
grise . Bientôt des ablees airé es, montant des pr ofondeur s, tr ouaient
la napp e de leur frétillement lég er , de leur pullulement innombrable .
Par eille aux inse ctes sortis de la ter r e à la fin d’une jour né e chaude , toute
cee v er mine de la rivièr e gr ouillait, tour no yait, happ ait les menus débris
emp ortés au fil de l’ e au.
Pier r e , deb out à l’avant, plong e ait dans la rivièr e le lar g e filet, tendu
sur deux bâtons en cr oix, qu’ on app elle un é chiquier . Puis il le r ele vait
d’un vig our eux tour de r eins, camp é solidement sur ses jamb es é carté es
au fond de la nacelle , qui vacillait à chacun de ses mouv ements.
Les ablees s’ entassaient dans un coin, les v entr es blancs jetant des
lueur s pâles.
Un r ude métier , cee pê che . Rentrés au logis, les deux hommes
raclaient les p oissons, meant de côté les é cailles qui luisaient comme des
pié cees d’ar g ent. Ils en r emplissaient une grande b oîte de fer-blanc,
qu’ils allaient tous les quinze jour s e xp é dier à la p oste de la ville . Ils
savaient vaguement qu’ on env o yait la chose à Paris p our fabriquer des
p erles fausses.
La pluie tombait toujour s  : on aurait pu tordr e leur s vêtements. Une
vap eur d’ e au montait de leur s ép aules, de leur s jamb es, de leur s bras.
Leur s mains, cinglé es p ar l’av er se , s’ eng ourdissaient, de v enaient si
maladr oites qu’ils s’ empêtraient dans les b esognes les plus simples.
Parfois ils pâlissaient, tout près de défaillir . Mais ils ne se plaignaient
p as, r etenus p ar une sorte de pudeur , craignant de p asser p our des
femmelees. D es p ensé es tristes, de lentes obsessions tour no yaient
invinciblement dans leur s cer v e aux. Le vieux D ominique song e ait à la vie qui
se faisait plus âpr e chaque jour . On trimait toute sa chienne de vie p our
amasser quatr e sous et on n’y ar rivait p as. Mais il finirait bien p ar se
r ep oser  ! On le coucherait auprès de sa femme , la Marie- Anne , dans le
p etit cimetièr e de camp agne dont les cr oix s’ effritent sous les hâles
dessé chants, sous le r uissellement des pluies d’automne .
4T er r es lor raines Chapitr e
Pier r e , plus jeune , r egr eait simplement le b on gîte , la pip e qu’ on
fume au coin de l’âtr e  ; une vision obsé dante ramenait de vant ses y eux la
« taque » de fonte dr essé e dans la cheminé e , une plaque v enue des temps
anciens, couv erte de dessins qu’ on ne compr enait plus. La suie qui la r
evêtait s’ enflammait p arfois dans le feu clair des b our ré es, et des r oug e
oiements y couraient, p ar eils à de

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