Stendhal et la marchande de modes, de « Valentine » à « Lucien Leuwen » - article ; n°1 ; vol.28, pg 331-345
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1976 - Volume 28 - Numéro 1 - Pages 331-345
15 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1976
Nombre de lectures 46
Langue Français

Extrait

H.-F. Imbert
Stendhal et la marchande de modes, de « Valentine » à «
Lucien Leuwen »
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1976, N°28. pp. 331-345.
Citer ce document / Cite this document :
Imbert H.-F. Stendhal et la marchande de modes, de « Valentine » à « Lucien Leuwen ». In: Cahiers de l'Association
internationale des études francaises, 1976, N°28. pp. 331-345.
doi : 10.3406/caief.1976.1125
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1976_num_28_1_1125STENDHAL ET LA MARCHANDE DE MODES,
DE « VALENTINE » A « LUCIEN LEUWEN»
Communication de M. Henri-François IMBERT
{Paris)
au XXVIIe Congrès de l'Association, le 30 juillet 1975.
Les relations de George Sand avec Stendhal n'ont guère
attiré l'attention de la critique. Sur le plan personnel,
l'élément majeur en demeure la descente du Rhône par
un couple d'amants célèbres en compagnie du consul de
France à Civita Vecchia. Stendhal choqua (1). Il y a sou
vent du vieux dragon dans le comportement de l'animal
beyliste ! Sur le plan littéraire, ces relations ont été cava
lièrement négligées. A première vue, certes, tout sépare
la géométrie romanesque de Stendhal du flux généreux
du roman sandien. Pourtant, les deux écrivains ne se sont
jamais perdus de vue. Stendhal rendit hommage aux har
diesses morales de George Sand (2), et celle-ci a porté sur
le bruyant compagnon du Rhône un jugement qu'il vaut
la peine de rappeler :
(1) George Sand. Histoire de ma vie, ш Œuvres autobiographiques, éd.
Pléiade-Georges Lubin, t. 2, p. 204-205
(2) Dans ses Mémoires d'un Touriste, Stendhal s'en prend vivement
aux Genevois et aux dames momières de Genève qui se scandalisent de
l'immoralité de George Sand, et il ajoute • « qu'est-ce que la littérature
française pour la généralité des hommes qui lisent en Europe, sans George
Sand et M. de Balzac ? » (t. 2, p. 93). HENRI-FRANÇOIS IMBERT 332
un homme eminent, d'une sagacité plus ingénieuse que juste
en toutes choses appréciées par lui, d'un talent original et
véritable, écrivant mal, et disant pourtant de manière à
frapper et à intéresser vivement ses lecteurs (3).
Jugement équilibré — qu'eût ratifié sans hésitation
un Sainte-Beuve. C'était alors un lieu commun — qui
devait avoir longue vie ! — que cette mauvaise écriture de
Stendhal. Lieu commun aussi, « sagacité plus ingé
nieuse que juste ». Stendhal se refuse à garder les avenues
de la critique, et, plus dédaigneusement encore que Mont
esquieu, il saute les idées intermédiaires. L'essentiel
demeure que George Sand a reconnu l'originalité du génie
stendhalien.
On ne rencontre dans sa bibliothèque que La Vie de
Haydn et La Chartreuse (4). Mais il est vraisemblable —
et nous en donnerons bientôt quelques preuves — qu'elle
a lu tous les romans de Stendhal, sinon tous ses essais
touristico-politiques. Ses relations avec Balzac et Latouche
auraient suffi, d'ailleurs, à l'éclairer sur l'importance de
Stendhal.
Cette aventure littéraire de George Sand avec Stendhal,
nous l'étudierons dans sa période la plus significative, de
1832 aux environs de 1835, de l'année à'Indiana et de
Valentine à la difficile gestation de Lucien Leuwen. Nous
nous intéresserons plus particulièrement à Valentine,
puisque ce roman eut l'honneur des marginalia de Sten
dhal. Notre propos sera double : rechercher dans quelle
mesure George Sand s'est inspirée de Stendhal, et surtout,
tirer du colloque intime que Stendhal crut bon d'établir
entre lui-même et sa jeune collègue romancière, les conclu
sions convenables sur la nature du roman stendhalien.
(3) Pléiade-Georges Lubin, p. 205.
(4) M. Lubin (op. cit , p 1349) admet que « ce catalogue n'a pas la
valeur d'un inventaire systématique ». STENDHAL ET LA MARCHANDE DE MODES 333
Que Sand ait lu Stendhal, rien ne le montre mieux que
les échos stendhaliens d'Indiana et de Valentine. Véri
table manifestation de beylisme. « La société ne doit rien
exiger de celui qui n'attend rien d'elle » : cette réflexion
de Ralph (5), reprise en termes voisins par Benedict (6),
est du plus bel égotisme à la Stendhal (7). De même,
cette défense de ce que Ralph appelle « l'égoïsme bien
entendu» (8). George Sand a, d'autre part, bien compris
le rôle de l'idéologie stendhalienne sur le plan de la créa
tion romanesque. Chez Stendhal, les héros, même les moins
durs, une Madame de Rénal, par exemple, savent mener,
par la bande, l'adversaire où il leur plaît. La douce Valent
ine, qui veut aller auprès de ses amis à la ferme d'Athé-
naïs, manœuvre habilement pour que sa mère — avec
l'illusion d'avoir remporté une victoire ! — parte sans
elle à la réception de la duchesse de Berry (9).
Sur le plan romanesque pur, les rencontres de Sand avec
Stendhal sont très significatives, tant pour les détails que
pour certaines formes de développement. Il est probable
que Raymon de Jumière, le séducteur d'Indiana, a trouvé
son magnétisme en compagnie d'Octave de Malivert au
salon de Mme de Bonnivet (10). Quand M. de Lansac rap
pelle ironiquement à Valentine « qu'une femme ne doit
jamais prendre son mari pour confesseur », comment ne
pas songer au conseil que reçut de sa tante Mme de
Rénal (11) ? Le passage de la duchesse de Berry et toutes
(5) Indiana, édition Gamier (Pierre Salomon), p. 353.
(6) Valentine (Nouvelle éd Michel Lévy, 1869), p. 141. 0 La Société
n'a pas besom de ceux qui n'ont pas besoin d'elle » Malgré cette décla
ration, Benedict n'est pas un égoïste Comme Stendhal, il est prêt à se
contenter de peu, pour ne pas se faire le complice d'une société dirigée
par l'intérêt.
(7) Voir le chapitre 37 a de Vie de Henry Brulard, éd Garnier (Henri
Martineau), avec, en particulier, cette phrase inspirée d'Helvétius :
« La société pate les services qu'elle voit » (p 336).
(8) Indiana, p. 108 et 165 II arrive à George Sand d'employer (ibid.,
p. 272) le terme stendhahen égotisme Elle le définit, contrairement à ce
que pense Pierre Salomon dans sa note, d'une manière profondément
stendhalienne : « qualification par laquelle les Anglais désignent l'amour
de soi, considéré comme un droit de l'homme et non comme un vice ».
Tout le paragraphe est à méditer.
(9) Valentine, chapitre XII
(10) Indiana, p 137 ; Armance, éd Garnier (Martineau), p. 52.
(11)p 228 ; Rouge et Noir, chapitre XI HENRI-FRANÇOIS IMBERT 334
les passions de vanité et d'ambition qu'il soulève est le
pendant des cérémonies royales de Bray-le-Haut (12).
Derrière Benedict penché sur Valentine qu'une potion
vient de plonger dans une sorte de léthargie, se profile
Octave de Malivert à genoux à côté d'Armance éva
nouie (13). Les deux amants sandiens vivront les mêmes
phases d'enthousiasme et de désespoir que Julien et Mme de
Rénal (14).
Il serait aisé de relever d'autres rencontres de détail,
ou de thèmes romanesques. Nous préférons nous limiter.
De telles rencontres sont inévitables. Le simple jeu des
positions et des situations romanesques suffit parfois à
les expliquer (15). Il n'en reste pas moins que ces échos
stendhaliens ne sont point le fait du hasard dans ces deux
premiers romans de George Sand. Rien ne le prouve mieux
que l'hommage direct rendu à Stendhal dans une page de
Valentine (16).
De toute manière, plus importantes pour notre propos
est la conception que se font nos deux romanciers de la
création et les applications qu'ils en tirent. George Sand
n'a pas été longue à découvrir que la création romanesque
ne s'identifie pas aux chaînes de rêveries du lutin
(12) Valentine, chapitre XII.
(13) Ibid , chapitre XXIII ; Armance, p. 140. Les deux textes méritent
d'être rapprochés. On constatera, non sans surprise, d'ailleurs, que celui
de Stendhal est moins chargé de sensualité que celui de Sand. Cela se
sent dans la présentation de l'hérome Stendhal : « Toute la rare perfec
tion de ce corps délic

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