Tradition et originalité dans Les Martyrs - article ; n°1 ; vol.20, pg 73-83
12 pages
Français

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Tradition et originalité dans Les Martyrs - article ; n°1 ; vol.20, pg 73-83

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
12 pages
Français
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1968 - Volume 20 - Numéro 1 - Pages 73-83
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 39
Langue Français

Extrait

Pr. Maurice REGARD
Tradition et originalité dans "Les Martyrs"
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1968, N°20. pp. 73-83.
Citer ce document / Cite this document :
REGARD Maurice. Tradition et originalité dans "Les Martyrs". In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises,
1968, N°20. pp. 73-83.
doi : 10.3406/caief.1968.899
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1968_num_20_1_899TRADITION ET ORIGINALITÉ
DANS « LES MARTYRS »
Communication de M. Maurice REGARD
(Aix-en-Provencé)
au XIXe Congrès de Г Association, le 26 juillet 1967.
Malgré le halo romantique dont l'entoure René, Chateau
briand est avant tout un écrivain de transition : « Je me suis
rencontré entre deux siècles », dit-il de lui-même. De fait,
il aura 53 ans lorsque paraîtront les Méditations. Il a déjà
41 ans lorsque paraissent Les Martyrs. Son éducation s'est
faite dans les collèges de l'ancien régime. D'autre part, il a
passé sa jeunesse dans cette province perdue de Bretagne,
dans un château isolé, presque anachronique, où la lecture,
les courses dans les bois et la rêverie étaient les seuls plaisirs
accessibles. Quoique l'inventaire de Combourg établi après
la mort du père ne mentionne aucun livre, on peut être cer
tain que lui, sa mère et ses sœurs étaient de grands liseurs.
Il affirme, sans doute avec excès, que sa mère savait par
cœur les dix gros volumes du Cyrus ; lui-même cite souvent
YAstrée. De là vient que cet écrivain qui fut l'initiateur du
siècle par sa sensibilité reste en même temps fidèle au passé
par la structure de ses œuvres, quelquefois par les thèmes,
les situations et les personnages. Atala demeure par bien des
aspects un roman exotique conforme à l'esprit du xvnie
siècle, et le Dernier Abencérage est encore un roman hispano-
mauresque. Je voudrais montrer aujourd'hui, en m'attachant MAURICE REGARD 74
plus particulièrement aux premiers livres, que Les Martyrs
également sont caractéristiques de cette obéissance à la tra
dition.
Tout d'abord, ils se présentent non seulement comme un
récit d'amour et d'héroïsme guerrier, mais aussi un
roman du voyage situé dans un cadre historique. Les évé
nements se déroulent à la fin de ce nie siècle équivoque où
le monde romain se heurte au monde barbare, où le christi
anisme est en train de supplanter en Gaule la religion des
Druides. Eudore, dans son récit, nous décrit les mœurs, les
coutumes, la religion des différents peuples barbares qu'il a
visités en compagnie des Francs. Chateaubriand, tout en recon
naissant qu'il force un peu la chronologie, réunit sous le règne
de Dioclétien les plus illustres de nos ancêtres : Pharamond,
Clodion, Mérovée, Clotilde. Or ces différents aspects, et par
dessus tout le choix de l'époque et des personnages, ra
ttachent Les Martyrs à ce courant national qui se développe
dans notre histoire littéraire surtout à partir du XVIe siècle,
parallèlement au courant gréco-latin. Il s'agit là d'un véri
table gallicanisme littéraire qui ambitionne de rechercher et
de mettre en lumière chez les Gaulois et les Francs, ces frères
de race et nos ancêtres communs, la source profonde de notre
grandeur et de nos institutions. Ce gallicanisme littéraire se
manifeste au xvne siècle dans l'épopée et surtout le roman,
plus rarement dans la tragédie. Du moins, c'est à lui que se
rattachent non seulement le Clovis de Desmarets ou YAlaric
de Scudéry, mais Y Attila de Corneille où figure la sœur de
Mérovée, « afin d'opposer la France naissante au déclin de
l'Empire », nous dit la Préface, et surtout des romans comme
VAstrée, le Faramond de La Calprenède et même Le Grand
Cyrus.
Un historien sans cesse réédité jusqu'en 1830 dans les for
mats les plus divers témoigne, au XVIIe siècle, de cette fidélité
à notre héritage spirituel : il s'agit de l'historien Mézeray,
non seulement érudit, mais également habile metteur en
scène. Sous sa plume, les événements barbares se civilisent,
prennent le charme du récit romanesque, car l'histoire côtoie
constamment le roman. Cette Histoire des Francs depuis Pha- ET ORIGINALITÉ DANS « LES MARTYRS » 75 TRADITION
ramond, où la monarchie des Mérovingiens préfigure et just
ifie la monarchie de Louis XIV, a été lue minutieusement,
pratiquée avec fidélité par Chateaubriand qui s'en est inspiré
très directement, lui empruntant des situations,' au besoin
même des phrases (i). Le tableau de Pharamond rendant
la justice sous un chêne, ou le jeune Mérovée sur son char
de guerre, couronné de lis, beau comme un dauphin, entouré
de ses douze pairs, agitant déjà le drapeau blanc des Bour
bons, appartiennent visiblement à cette veine nationale (2).
Quelques exemples empruntés à H. d'Urfé, à La Calpre-
nède, à Mlle de Scudéry, pourront montrer que c'est bien à
cet aspect du roman français, à cette conception utilitaire et
fantaisiste de l'histoire, qu'il faut rattacher Les Martyrs,
beaucoup plus qu'à l'épopée d'Homère et de Virgile comme
nous invite à le faire Chateaubriand. Les deux genres, si
voisins, présentaient sans doute des ressemblances très
nettes : personnages historiques, naufrages, récits, combats,
descriptions de peuples étranges, rencontres inattendues
se trouvaient de part et d'autre. La différence essentielle
est que l'épopée s'écrivait nécessairement en vers, se réser
vait les aventures les plus héroïques et les plus nobles, fai
sait leur part aux Dieux, tandis que le poème en prose, comme
on appelait aussi le roman, offrait à son lecteur des scènes
moins élevées, des situations plus intimes, et se passait fort
bien du Ciel.
UAstrée nous montre, comme Les Martyrs mais deux
siècles plus tard (3), la Gaule au moment où la religion drui
dique subsiste encore, mais par îlots secrets, en face du chris
tianisme. Urfé, qui a consulté l'historien le plus réputé de
son temps, Claude Fauchet, historiographe de Henri IV,
dont les Antiquités gauloises et françaises consacrent tout un
chapitre à la gloire de nos ancêtres, possède une solide docu-
(1) Voir Cahiers de la Société Chateaubriand, n° 10, 1967-1968 : Sources
avouées et sources secrètes dans Les Martyrs.
(2) Les Martyrs, éd. Ladvocat, t. 17, pp. 292-293, et t. 18, p. 20.
(3) C'est également au Ve siècle que se passe VAmadis de Gaule qui est
lui aussi à la gloire des Celtes. Voici le début : « Vers la fin du cinquième
siècle et peu de temps après qu'une partie des anciens Celtes [. . .] eurent
été forcés de s'établir à main armée dans la partie des Gaules nommée
Armorique, etc.. » (Traduction par M. le comte de Tress [an], 1779.) 76 MAURICE REGARD
mentation. L'archidruide Adamas, par exemple, nous donne
un cours où le druidisme est présenté comme une préfigu
ration du christianisme (4). Céladon a élevé un temple à sa
bergère dans un lieu sauvage : « De tous temps ce bocage
avait été sacré au grand Hésus, Teutatès et Taramis (5). »
On consacre aux divinités des feuilles de chêne, on fait un
sacrifice à Bélénus ; la fille du Grand Druide se rend dans le
pays des Carnutes ; les jeunes Gauloises sont couronnées de
verveine ; elles sont belles, elles sont fées, elles ont le don de
prophétie. Il est question de Bardes, d'Eubages ; on im
mole des taureaux blancs dans la forêt. Les cérémonies sont
mystérieuses et nocturnes ; la cueillette du gui s'accomplit
selon les rites. Bref, cette atmosphère celtique assez colorée,
qu'on dirait puisée aux sources, ne produit pas un mauvais
effet à côté de l'Armorique de Velléda.
Il est probable que Chateaubriand connaissait également le
Faramond de La Calprenède, qui se déroule en partie sur les
bords du Rhin, à l'endroit où Eudore fait campagne au livre
VI, à l'endroit où Romains et Barbares sont aux prises. Plu
sieurs points pourraient le rapprocher des M

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents