Le jardin et son « estre » dans « Le Roman de la rose » et dans « Le Dit dou lyon » - article ; n°1 ; vol.34, pg 25-37
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Le jardin et son « estre » dans « Le Roman de la rose » et dans « Le Dit dou lyon » - article ; n°1 ; vol.34, pg 25-37

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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1982 - Volume 34 - Numéro 1 - Pages 25-37
13 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 57
Langue Français

Extrait

Shigemi Sasaki
Le jardin et son « estre » dans « Le Roman de la rose » et dans
« Le Dit dou lyon »
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1982, N°34. pp. 25-37.
Citer ce document / Cite this document :
Sasaki Shigemi. Le jardin et son « estre » dans « Le Roman de la rose » et dans « Le Dit dou lyon ». In: Cahiers de
l'Association internationale des études francaises, 1982, N°34. pp. 25-37.
doi : 10.3406/caief.1982.2378
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1982_num_34_1_2378JARDIN ET SON « ESTRE » LE
DANS « LE ROMAN DE LA ROSE »
ET DANS « LE DIT DOU LYON »
Communication de Mlle Shigemi SASAKI
(Yokohama)
au X XXII Г Congrès de l'Association, le 21 juillet 1981.
I. L'Arbre, symbole du jardin.
Le premier auteur du Roman de la Rose commence par
entrer dans le jardin :
Lors entré, sans plus dire mot,
Par l'uis que Oiseuse overt m'ot,
Ou vergier, et quant je fui ens,
Si fui liés et baus et joiens ;
Et sachiés que je cuidai estre
Por voir en paradis terrestre,
Tant estoit li leu delitables... (Ed. Poirion, vv. 631-637) (1)
Le poète n'a pas encore visité le jardin, mais, du seul fait
qu'il éprouve de la joie, il conclut qu'il s'est introduit dans
un lieu paradisiaque : il a l'impression de s'être rapproché
de l'Eden. Il lui semble de surcroît qu'il n'existe nulle part
un séjour plus beau que celui qu'il vient de découvrir.
Pourtant, il ne se lance pas d'emblée dans la description du
« paradis terrestre ». Son admission dans le lieu des délices
contraste avec l'élimination des dix vices que l'éthique cour-
(1) Le Roman de la Rose, Paris, Garnier-Flammarion, 1974. 26 SHIGEMI SASAKI
toise condamne sévèrement (2) : Haine (w. 139-151),
Felonnie (vv. 152-155), Vilonnie (vv. 156-162), Convoitise
(w. 169-194), Avarice (vv. 195-234), Envie (vv. 235-290),
Tristece (vv. 291-338), Viellece (vv. 339-406), Papelardie
(vv. 407-440) et Povreté (vv. 441-462). Ainsi l'auteur essaye-
t-il de donner à son verger une coloration idéologique pré
cise. A ces vices, il oppose de propos délibéré les danseurs
de carole. Viennent de prime abord Déduit (3), Leesce, Amor,
Biauté, Richece, Largece, Franchise, Cortoisie et Joinece
(vv. 720-1294)...
Le premier personnage doit retenir tout particulièrement
notre attention. Signalons tout de suite que c'est Déduit, et
non le dieu Amour, qui est le propriétaire du jardin (vv. 590-
591, 3010). C'est encore lui qui en est l'architecte :
Fist ça les arbres aporter
Et fist par ce vergier planter, (w. 593-594)
Le mur que vous avés veii
Fist lors Déduis tout entor faire ;
Et si fist au dehors portraire
Les ymages qui i sont paintes. (w. 596-599)
Dès ses premiers pas dans ce lieu, le poète est impatient
d'aller voir le créateur de ce verger (w. 711-713 et 628) ;
après lui avoir rendu hommage, le héros éprouve le désir de
visiter l'endroit et d'admirer la beauté des plantes.
En effet, aux yeux du poète, connaître le jardin, c'est
d'abord prêter son attention aux arbres, « remirer ces biaus
loriers, / Ces pins, ces codres, ces moriers » (vv. 1289-1290).
A eux seuls, les arbres symbolisent le paradis terrestre (4).
(2) Plus explicite serait le propos de Gui de Mori : ces vices
« N'ont en ce vergier nul repaire » (MR. Jung, Gui de Mori et
Guillaume de Lorris, dans : Vox Romanica, t. XXVII (1968), p. 114).
(3) Déduit est le divertissement personnifié (Le Roman de la Rose,
éd. E. Langlois, t. V, Paris, 1924, p. 335).
(4) Le jardin en enfer n'a pas d'arbre : « ... gardin... / Q'ainc
Dieus ne fist sappin ne pin, / Ne arbre qui porte flourin / Dont
n'at laïens a planté » (Jean de la Mote, La Voie d'Enfer et de Paradis,
éd. M.A. Petty, Washington, 1940, p. 29). JARDIN ET SON « ESTRE » 27 LE
Déduit y a fait venir non seulement les « arbres domesches »
(v. 1347), mais encore ceux des « Saradins » (v. 592). Une
cinquantaine de vers sont consacrés aux arbres (w. 1325-
1374) : nous ne sommes pas en présence d'un simple acces
soire, mais d'un élément essentiel de ce séjour paradisiaque !
L'auteur s'excuse d'ailleurs de la longueur de cet inventaire
(vv. 1361-1366) (5). D'autant plus qu'il parle, dans le passage
qui suit immédiatement, de la disposition de ces arbres, en
donnant une précision numérique :
Li uns fu loing de l'autre assis
Plus de cinc toises ou de sis... (w. 1367-1368)
Ces deux vers nous permettent de concevoir un grand
verger où se trouvent plantés des arbres de trente-six espèces
différentes, chacun à dix ou douze mètres de l'autre (la
superficie est nettement moindre dans la traduction anglaise
de Chaucer : les arbres ne sont séparés que par un intervalle
de trois mètres environ) (6). Plus loin, l'auteur admire des
animaux et des fleurs, puis arrive à une fontaine « sous un
pin [...] Que ou vergier n'ot plus bel arbre » (vv. 1427-1431)
(7). C'est « lez un fier > (v. 1684) que notre héros est
attendu par Amour pour assister au choix décisif d'un bouton
de rose. Le dieu Amour décoche la première flèche, appelée
Biautés (v. 1716). A la troisième, appelée Cortoisie, le poète
tombe en pâmoison « Desoz un olivier ramé » (v. 1770).
Dans le roman, les scènes majeures s'ouvrent chacune à
l'ombre d'un arbre. Au moyen âge, à n'en pas douter, le
jardin est planté d'arbres, et le plus bel arbre est celui qui
est consacré à l'amour : « Li vergiers est l'arbre d'amor » (8),
(5) M.R. Jung, art. cit., p. 117.
(6) Chez Chaucer : « Five fadome or six » (The Romaunt of the
Rose) .
(7) Dans le jardin de Déduit, il y a d'autres pins (éd. Poirion,
v. 1290). L'importance de cet arbre dans la littérature médiévale a été
signalée par Mlle A. Planche (« Comme le pin est plus beau que
le charme... », dans : Le Moyen Age, t. LXXX (1974), pp. 51-70).
(8) A. Langfors, Li Romans du Vergier et de l'Arbre d'Amors,
dans : Neuphilologische Mitteilungen, t. XXIX (1928), p. 19. . 28 SHIGEMI SASAKI
écrit un poète anonyme, appliquant au jardin une compar
aison déjà valérienne (9). Dans le Roman de la Rose, la
peinture de l'espace paradisiaque reste toujours en rapport
avec l'évocation de végétaux ; elle revêt un caractère fonciè
rement « structural », et notre remarque rejoint ainsi la vue
plus générale de A.M. F. Gunn (10). Les rencontres succes
sives que fait le poète de diverses personnifications corre
spondent à sa progression vers le centre du jardin (11).
II. L'Eden supérieur à l'Eden.
L'enclos du jardin et sa forme s'accordent au « san »
général de l'œuvre :
Si vi un vergier grant et lé,
Tout clos de haut mur bataillié. (vv. 130-131)
En examinant les portraits peints, le poète constate en
même temps : « Li murs fu haus et tous quarrés » (v. 467),
et le tour rapide qu'il en fait lui permet de vérifier cette
constatation :
Açaignant la compasseiire
Et la cloison du mur carré, (w. 514-515) (12)
La hauteur de l'enclos semble refuser toute entrée ainsi que
le « guichet » hermétiquement fermé (v. 516), seule possi
bilité qu'il aperçoit ; il voulait d'abord escalader le mur au
(9) « L'Arbre et l'Amour, tous deux, peuvent dans nos esprits se
joindre en une idée » (Paul Valéry, Dialogue de l'Arbre, dans :
Œuvres, éd. J. Hytier, t. II, Paris, 1962, p. 183).
(10) A.M.F. Gunn, The Mirror of Love, a reinterpretation of the
Roman of the Rose, Lubbock, 1952, p. 107.
(11) J. Batany, Paradigmes lexicaux et structures littéraires au
Moyen Age, dans : Revue d'Histoire Littéraire de la France, 1970,
p. 823.
(12) Jean de Meung reprendra l'adjectif appliqué au jardin :
«quarré» (éd. F. Lecoy, Paris, 1970, t. III, p. 108, v. 20249). LE JARDIN ET SON « ESTRE » 29
moyen d'une échelle (vv. 472-473) ; la porte de « charme »
(v. 524) s'ouvre pourtant devant lui ; il sort donc de la pre
mière épreuve, élu par la « jardinière » (13).
Avec plus d'insistance que lui, Guillaume de Machaut
recourt à l'idée de la clôture dans le Dit doit Lyon (14),

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