« Syndrome de Salomon ». - article ; n°3 ; vol.21, pg 283-301
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Description

Enfance - Année 1968 - Volume 21 - Numéro 3 - Pages 283-301
19 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

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Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1968
Nombre de lectures 59
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

F. Cortez
« Syndrome de Salomon ».
In: Enfance. Tome 21 n°3-4, 1968. pp. 283-301.
Citer ce document / Cite this document :
Cortez F. « Syndrome de Salomon ». In: Enfance. Tome 21 n°3-4, 1968. pp. 283-301.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/enfan_0013-7545_1968_num_21_3_2463de Salomon Syndrom,e
ou
nouvelles structures de la parenté
en milieu urbain
par
F. CORTEZ
Depuis que nous nous occupons de la rééducation d'enfants inadaptés
intelligents de la Région Parisienne, nous avons été frappés (avec d'autres)
par les modifications profondes qu'a subi la structure familiale dans notre
région.
Nous avons pensé d'ailleurs que ces modifications de forme, de struc
ture, d'implantation, de rapport avec le reste de la société, jointes aux
difficultés nées de la nécessité de s'adapter à un nouveau style de vie que
rien n'avait préparé, pouvaient expliquer valablement le très grand nombre
d'enfants inadaptés, l'importance numérique du divorce et la plupart des
formes — anodines ou majeures — des troubles du comportement. Nous
en avons déjà longuement traité et nous n'y reviendrons pas (1).
On ne sait jamais très bien de quoi l'on parle lorsqu'on parle de famille.
Il en a existé plusieurs types, depuis la horde, en passant par la famille-
patriarcale jusqu'à la famille mono-nucléaire que nous connaissons à Paris,
sans oublier la famille idéale qui n'a peut-être jamais existé ailleurs que
dans l'imagination des poètes.
Nous n'en tenterons pas l'historique, persuadé d'ailleurs qu'il s'agit
d'un concept assez flou et que des études monographiques si elles étaient
possibles, à travers les temps historiques seulement et pour notre seul pays,
amèneraient- bien des surprises... Il est ainsi d'ailleurs de plusieurs concepts
sacrés tels que la « liberté de l'homme », « le travail féminin » ou « l'im
portance de la sexualité ». Tenons- nous à ce que nous savons d'à peu près
certain. Jusqu'à des temps très proches — et encore aujourd'hui dans bien
des points du territoire national — la famille constituait un groupe élargi,
(i) « Knfant, Famille et Société urbaine » — Mécanisme tl genèse de
l'inadaptation. P. U.F. Paris 1963. 284 F. CORTEZ
A la notion de famille était liée la notion de « territoire » sur lequel vivait
cette famille et dont elle vivait.
C'était un groupe hiérarchisé et stable : à sa tête l'ancêtre qui pouvait
être d'ailleurs un homme ou une femme, puis tous ceux qui étaient issus
de son sang, avec l'apport des mariages successifs. En fait, la famille rurale
se composait de plusieurs couples. Il n'était pas exceptionnel de voir sur une
même exploitation trois ou quatre générations. Le mariage tendait d'abord
à raffermir la position du groupe global ; ce n'était pas l'affaire de deux
individualités, mais de deux collectivités qui, par ce mélange de sang et
d'intérêt devenaient solidaires. Au moment du mariage, un des conjoints
venait se fixer dans celui des groupes où son entrée était possible ; le plus
souvent la femme suivait l'époux, mais ce n'était pas une règle formelle.
La famille élargie était une unité de production et le nouvel arrivant
rejoignait en fait un poste de travail. Si c'était l'épouse qui avait gagné la
maison de son mari, elle prenait immédiatement sa tâche, la cérémonie à
peine terminée, car les foins n'attendent pas et que le travail féminin ne
date pas du XXe siècle, travail à peine interrompu par la grossesse.
L'enfant à peine sevré (et même pendant l'allaitement) la jeune mère
était suppléée par la grand-mère — ou l'arrière-grand-mère — , car le
groupe n'allait pas se priver de bras jeunes et vigoureux pour les soins d'une
promesse de vie incertaine — on mourait beaucoup et jeune dans les villages.
On n'a peut-être pas prêté assez attention à ce fait important. Dans les
sociétés traditionnelles, la mère élève rarement ses enfants au-delà de l'allait
ement ; elle élèvera ses petits-enfants comme sa mère (ou sa belle-mère) a élevé
les siens. C'est l'aïeule qui balance la bercelonnette d'un pied distrait. Dans
certaines régions c'est elle — médiocre productrice aux champs — qui pré
mastique la nourriture du bébé à peine sevré — géniale intuition du rôle de
salive," mais procédé non moins gén'al pour transmettre toutes sortes de la
germes pathogènes. C'est aussi la mère-grand qui raconte les histoires et
chante les berceuses et l'aïeul qui transmet la saga de la tribu.
Tous les habitants de la Région parisienne ont derrière eux, tout près,
parfois à une génération, des familles de ce type. La plupart d'entre eux
sont passés sans transition de ce tissu complexe des solidarités et des parentés,
des dépendances et des pouvoirs, à la solitude absolue.
La famille est toujours une unité économique, mais sans solidarité autre
que de classe. La femme travaille toujours autant que ses aïeules — pas plus,
c'est impossible — mais dans des conditions différentes, à grande distance
parfois de son foyer et à de rares exceptions près, sur un « territoire » qui
n'est pas le sien.
Apparemment rien n'est changé ; il y a toujours des ascendants, des
collatéraux, des alliés ; on utilise toujours les termes d'oncle, de cousine,
de marraine, mais ces mots qui indiquaient, en même temps qu'un rang de « SYNDROME DE SALOMON » 285
parenté, un certain nombre d'obligations cérémonielles et hiérarchiques, ne
désignent plus que des personnes lointaines avec lesquelles on ne vit pas.
Il est remarquable que les parisiens ont tentance d'ailleurs à « sortir »
des rôles traditionnellement impartis aux époux. On a déjà montré à quel
point le couple conjugal tendait à l'indifférenciation, que ce soit sur le
plan du costume ou des responsabilités, depuis la maman en pantalon et
qui tient les comptes du ménage, jusqu'au père qui lange, donne le biberon
et commence à devenir un client sérieux de l'industrie des cosmétiques.
C'est peut-être la vole vers un nouvel équilibre ?
Mais, dans cette structure nouvelle, que devient l'élevage des enfants ?
La société moderne a pensé (tardivement) qu'il fallait peut-être s'inquiéter
de ce problème. On a prévu les crèches, la prime d'allaitement et le congé
de maternité. Médiocre palliatif maintenant que la mère-grand n'est plus là
pour libérer la jeune mère.
La poussée démographique de la région parisienne datant d'entre les
deux guerres mondiales, en fait, de plus en plus souvent, la grand-mère est
là, du moins pas très loin. C'est elle qui a été la première migrante, avec
son époux ; elle a constitué la première famille mononucléaire de la lignée,
famille qui d'ailleurs a quelquefois tenté de reconstituer un « territoire »,
et s'est fixée dans quelque lotissement de banlieue. Nous sommes persuadés
que la vogue délirante des lotissements après la guerre de 1914, qui faisait
se fixer dans des lieux absolument aberrants et inaméliorables des centaines
de familles, était motivée par ce besoin de reconstituer un « territoire ».
Nous avions été frappé, à travers ce que nous savions de nos clients,
par les efforts inconscients mais considérables que les 'familles parisiennes
faisaient pour retrouver des structures perdues et comment, tout naturelle
ment, elles retrouvaient les anciens modèles traditionnels ; mais nous étions
frappé aussi de l'inadéquation de ces solutions* et des résultats le plus souvent
dramatiques qui en découlaient.
Parmi les enfants dont nous avions la charge, un grand nombre avaient
été partiellement ou totalement élevés par les grand-mères, comme dans le
« bon vieux temps », et pourtant la solution n'avait pas été favorable ;
pourquoi ?
Nous en étions là de nos réflexions et, en vue d'une étude ultérieure,
nous avions pris des notes monographiques, quand

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