Moments circonstanciés

Basso

Informations

• Publié par: sebastiendzierlatka
• Publié le: 04 mars 2013
• Nombre de lectures: 30
• Langue: Français

Extrait

Moments circonstanciés.
Le Jour glisse obstinément sur les remparts de ma chicorée. Le bruissement
du ventilateur règle sans éclat le métronome discret d’un dix-sept heures
courtois. La voisine d’en face a clos ses volets, son linge fait le con sur le fil.
Je suinte comme une poire fracassée au pied de son arbre de père. Je suis
tombée après murissement sage et loyal. Je ne serais pas dévoré par le merle.
Mektoub, dit le renard derrière le buisson.
( Un figuier, une tache blanche ).
Le chat arrive comme une bombe depuis la gouttière. Il stoppe nette sa
course lorsqu’il me voit. Il fait le mime. C’est un gentilhomme bien sous tous
rapports qui connait le quartier comme ses griffes. De ces jolies chattes qui
graissent le bitume, il n’en dit mot. Pudique car attentif, il hurle simplement
certaines nuits. Il hurle profondément au milieu de la cour d’en bas. Toujours au
même endroit, bien centré. Avec beaucoup de lenteur, la lenteur précise du roi
funambule, il agrippe à présent un à un ses coussinets au revêtement ondoyant
du toit de la remise, la queue tendue, raide, fendant la moiteur sourde de cette fin
d’été. Il me nargue. Le caméléon s’éternise mille ans en une seconde, tremble
prestement, la volonté sereine, il roule à pas ouaté. Il a le temps. Le pirate est
snob. Je suis chat, miaulasse-t-il. Il s’épuise soudain à pousser un cri que l’on
devine aigu mais dont l’existence l’assèche dès qu’il y pense. Epuisé, je suis
chat épuisé. Ces nuits m’empanachent à ravir et rayent tant et si profondément la
paroi de mon ventre que je perçois à peine la musique odieuse du filet de merlu
qui va bientôt me passer sous les crocs. Viens mon pépère, viens mon grand
cavalier. Entre ici Chat biffin, plume hydrophile de coton de bas fond, ortie
robuste des poubelles de l’épicerie de nuit, charmeur de bourgeois en colère.
Paré, lustré, Chat scille un peu de l’œil, cambre, et, le dos rond, plonge de tout
son être sur mes genoux. Un coup de museau sous le menton et Chat s’affale
soudain sur ma cuisse, essoufflé, meurtri. C’est un petit chat qui dort. Le petit
chat d’un immeuble de la ville.
Le jour glisse obstinément sur les remparts de ma chicorée.
La voisine est rentrée. Je l’ai entendue.
C’est elle qui va bientôt sonner.