Mon frère Yves
315 pages
Français

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Description

Avec ce livre en 1883 il est élu à l'académie Goncourt. Embarqué sur le Tonnerre en 1878 ,il y rencontra le marin Pierre Le Cor qui servit de modèle pour ce livre. “Le livret de marin de mon frère Yves ressemble à tous les autres livrets de tous les autres marins. Il est recouvert d’un papier parchemin de couleur jaune, et, comme il a beaucoup voyagé sur la mer, dans différents caissons de navire, il manque absolument de fraîcheur. En grosses lettres, il y a sur la couverture : Kermadec, 2091. P. Kermadec, c’est son nom de famille

Informations

Publié par
Nombre de lectures 22
EAN13 9782824711072
Langue Français

Extrait

P I ERRE LO T I
MON F RÈRE Y V ES
BI BEBO O KP I ERRE LO T I
MON F RÈRE Y V ES
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1107-2
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
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distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.A ALP HONSE D A U DET
   histoir e que je y eux v ous dé dier , acceptez-la
av e c mon affe ction.V On a dit qu’il y avait toujour s dans mes liv r es tr op d’amour
tr oublant. Eh bien, cee fois, il n’y aura qu’un p eu d’amour honnête , et
seulement v er s la fin.
C’ est v ous qui m’ay ez donné cee idé e , d’é crir e une vie de matelot et
d ’y mere la grande monotonie de la mer.
Ce liv r e va p eut-êtr e me fair e dès ennemis, bien que j’aie touché le
plus légèr ement p ossible aux règlements maritimes. Mais v ous, qui aimez
toutes les choses de la mer , même le v ent, la br ume et les gr osses lames, —
même les matelots simples et brav es, — v ous compr endr ez certainement
Mon frère Yves. — Et cela me dé dommag era.
P I ERRE LO T I
n
1CHAP I T RE I
     mon frèr e Y v es r essemble à tous les autr es
liv r ets de tous les autr es marins.L Il est r e couv ert d’un p apier p ar chemin de couleur jaune , et,
comme il a b e aucoup v o yag é sur la mer , dans différ ents caissons de
navir e , il manque absolument de fraîcheur .
En gr osses ler es il y a sur la couv ertur e  :
K ERMADEC, 2091. P .
K er made c, c’ est son nom de famille  ; 2091, son numér o dans l’ar mé e
de mer , et P , la ler e initiale de Paimp ol, son p ort d’inscription.
En ouv rant, on tr ouv e , à la pr emièr e p ag e , les indications suivantes  :
« K er made c (Y v es-Marie ), fils d’Y v es-Marie et de Je anne D anv e o ch.
Né le 28 août 1851, à Saint-Pol-de-Lé on ( Finistèr e ). T aille , 1 ᵐ ,80. Che v eux
châtains, sour cils châtains, y eux châtains, nez mo y en, menton ordinair e ,
fr ont ordinair e , visag e o vale .
» Mar ques p articulièr es  : tatoué au sein g auche d’une ancr e et, au
2Mon frèr e Y v es Chapitr e I
p oignet dr oit, d’un bracelet av e c un p oisson. »
Ces tatouag es étaient encor e de mo de , il y a une dizaine d’anné es,
p our les v rais marins. Ex é cutés à b ord de la Flore p ar la main d’un ami
désœuv ré , ils sont de v enus un objet de mortification p our Y v es, qui s’ est
plus d’une fois marty risé dans l’ esp oir de les fair e disp araîtr e . — L’idé e
qu’il est marqué d’une manièr e indélébile et qu’ on le r e connaîtra toujour s
et p artout à ces p etits dessins bleus lui est absolument insupp ortable .
En tour nant la p ag e , on tr ouv e une série de feuillets imprimés r elatant,
dans un style net et concis, tous les manquements aux quels les matelots
sont sujets, av e c, en r eg ard, le tarif des p eines encour ues, — depuis les
désordr es lég er s qui se p ay ent p ar quelques nuits à la bar r e de fer
jusqu’aux grandes réb ellions qu’ on punit p ar la mort.
Malheur eusement cee le ctur e quotidienne n’a jamais suffi à inspir er
les ter r eur s salutair es qu’il faudrait, ni aux marins en g énéral, ni à mon
p auv r e Y v es en p articulier .
Viennent ensuite plusieur s p ag es manuscrites p ortant des noms de
navir e , av e c des cachets bleus, des chiffr es et des dates. Les four rier s,
g ens de g oût, ont or né cee p artie d’élég ants p arafes. C’ est là que sont
mar qué es ses camp agnes et détaillés les salair es qu’il a r e çus.
Pr emièr es anné es, où il g agnait p ar mois quinze francs, dont il g ardait
dix p our sa mèr e  ; anné es p assé es la p oitrine au v ent, à viv r e demi-nu en
haut de ces grandes tig es oscillantes qui sont des mâts de navir e , à er r er
sans souci de rien au monde sur le désert chang e ant de la mer  ; anné es
plus tr oublé es où l’amour naissait, pr enait for me dans l’âme vier g e et
inculte , — puis se traduisait en iv r esses br utales ou en rê v es naïv ement
pur s au hasard des lieux où le v ent le p oussait, au hasard des femmes
jeté es entr e ses bras  ; é v eils ter ribles du cœur et des sens, grandes ré v oltes,
et puis r etour à la vie ascétique du lar g e , à la sé questration sur le couv ent
floant  ; il y a tout cela sous-entendu der rièr e ces chiffr es, ces noms et ces
dates qui s’accumulent, anné e p ar anné e , sur un p auv r e liv r et de marin.
T out un étrang e grand p oème d’av entur es et de misèr es tient là entr e les
feuillets jaunis.
n
3CHAP I T RE I I
 28   1851, il faisait, p araît-il, un b e au temps d’été à
SaintPol-de-Lé on, dans le Finistèr e .L Le soleil pâle de la Br etagne souriait et faisait fête à ce p etit
nouv e au v enu, qui de vait plus tard tant aimer le soleil et tant aimer la
Br etagne .
Y v es app ar ut dans ce monde sous la for me d’un gr os bébé tout r ond et
tout br onzé . Les b onnes femmes présentes à son ar rivé e lui donnèr ent le
sur nom de Bugel-Du , qui, en français, signifie  : p etit enfant noir . C’était,
du r este , de famille , cee couleur de br onze , les K er made c, de pèr e en fils,
ayant été marins au long cour s et g ens fortement p assés au hâle de mer .
Un b e au jour d’été à Saint-Pol-de-Lé on, c’ est-à-dir e une chose rar e
dans cee région de br umes  : une espè ce de ray onnement mélancolique
rép andu sur tout  ; la vieille ville du mo y en âg e comme ré v eillé e de son
mor ne sommeil dans le br ouillard, et rajeunie  ; le vieux granit se
chauffant au soleil  ; le clo cher de Cr eizk er , le g é ant des clo cher s br etons,
bai4Mon frèr e Y v es Chapitr e I I
gnant dans le ciel bleu, en pleine lumièr e , ses fines dé coupur es grises
marbré es de lichens jaunes. Et tout alentour la lande sauvag e , aux br uyèr es
r oses, aux ajoncs couleur d’ or , e xhalant une senteur douce de g enêts
fleuris.
A u baptême , il y avait une jeune fille , la mar raine  : un matelot, le
p ar rain, et, der rièr e , les deux p etits frèr es, Goulv en et Gildas, donnant la
main aux deux p etites sœur s, Y v onne et Marie , av e c des b ouquets.
Lor sque le cortèg e fit son entré e dans l’antique église des é vê ques de
Lé on, le b e de au, p endu à la corde d’une clo che , se tenait prêt à
commencer le carillon jo y eux que commandait la cir constance . Mais M. le curé ,
sur v enant, lui dit d’une v oix r ude  :
― Reste en p aix, Marie Ber v rac’h, p our l’amour de Dieu  ! Ces K
ermade c sont des g ens qui jamais ne donnent rien à l’ offrande , et le pèr e
dép ense au cabar et tout son av oir . Nous ne sonner ons p as, s’il te plaît,
p our ce monde-là .
Et v oilà comment mon frèr e Y v es fit sur cee ter r e une entré e de
p auv r e .
Je anne D anv e o ch, de son lit, prêtait l’ or eille av e c inquiétude , gueait
av e c un mauvais pr essentiment ces vibrations de br onze qui tardaient à
commencer . Elle é couta longtemps, n’ entendit rien, comprit cet affr ont
public et pleura.
Ses y eux étaient tout baignés de lar mes quand le cortèg e r entra, p
enaud, au logis.
T oute la vie , cee humiliation r esta sur le cœur d’Y v es

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