Bulletin d épistémologie - article ; n°1 ; vol.26, pg 85-111
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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1924 - Volume 26 - Numéro 1 - Pages 85-111
27 pages

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Publié le 01 janvier 1924
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Langue Français
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Extrait

René Kremer
Bulletin d'épistémologie
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 26° année, Deuxième série, N°1, 1924. pp. 85-111.
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Kremer René. Bulletin d'épistémologie. In: Revue néo-scolastique de philosophie. 26° année, Deuxième série, N°1, 1924. pp.
85-111.
doi : 10.3406/phlou.1924.2368
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1924_num_26_1_2368d* èpistémologie 85 Bulletin
V.
BULLETIN D'ÉPISTÉMOLOGIE
II n'y a pas si longtemps qu'un Bulletin d'épistémologie pouvait
se concentrer facilement sur une question unique : le pragmatisme.
Pour ou contre ce système, cette disjonction classait la plupart des
productions scientifiques du moment ; explications, discussions,
rectifications, rien ne paraissait épuiser l'intérêt de cette théorie
de la connaissance. Elle semble actuellement avoir à peu près
épuisé sa puissance créatrice, et l'on commence à l'envisager avec
l'objectivité de la recherche historique; on en distingue les variétés
très différentes et l'on discerne mieux sa physionomie propre, moins
étrange qu'on ne l'avait cru d'abord.
Le pragmatisme américain et anglais est celui qui, sous la diver
sité des conceptions partielles, présente l'unité la mieux définie.
Aussi M. Emmanuel Leroux a-t-il été bien inspiré en lui consacrant
une étude spéciale, qui s'arrête à l'année 1911, date de la publica
tion du dernier ouvrage inédit de James l). Cette thèse est fort bien
documentée et la riche bibliographie méthodique qui termine le
volume (pp. 326-410), rendra d'inappréciables services à ceux qui
étudieront le sujet dans la suite 2). Dans l'histoire du pragmatisme,
M. Leroux distingue deux périodes : la formation du système, et son
développement; l'année 1903, à laquelle les leaders, James, Schiller,
Dewey se reconnaissent et coordonnent leurs efforts et font de
nombreux disciples, marque la limite qui les sépare. Ce pragma
tisme est bien une philosophie originale ; tout en signalant les
rapprochements et même les dépendances historiques par rapport
à Renouvier, Schopenhauer, Kant, Emerson, Carlyle, J. Grote,
ou Poincaré, Bergson, Boutroux, Mach, Simmel et en général le
mouvement volontariste et antiintellectualiste de la philosophie con-
1) Le pragmatisme américain et anglais. Etude historique et critique, suivie
d'une bibliographie méthodique (Bibliothèque de philosophie contemporaine).
In-8°, 429 pp. Paris, Alcan, 1923.
2) On peut s'étonner de telle ou telle omission, comme celle des articles et
bulletins parus dans cette Revue ; sans doute, M. Leroux ne prétend pas énu-
mérer tous les travaux critiques, mais il en cite qui ont moins bien reconnu dès
l'abord la vraie nature du pragmatisme, R. Kremer , 86
temporaine, M. Leroux n'a garde de brouiller les différences. Il
caractérise aussi la personnalité de chacun des chefs du mouve
ment. Le pragmatisme n'est pas avant tout une philosophie volontar
iste, comme on l'a trop répété, mais une réaction empiriste contre
un intellectualisme qui présente une double formule : le « natura
lisme » et l'idéalisme absolu. Le mot naturalisme désigne, chez les
philosophes anglo-saxons, une forme de pensée qui réduit toute la
réalité au type de la nature physique; c'est un empirisme intellec
tualiste rigide, représenté, par exemple, par Huxley, Clifford,
Spencer. Par contre, Green, Bradley, Royce, voulant faire place
dans le monde de l'expérience aux valeurs morales et religieuses,
l'ont transformé par une analyse dialectique et métaphysique, de
manière à ne voir en lui qu'une manifestation de l'Esprit absolu :
mais ainsi celui-ci a été dépouillé de toute originalité. Le pragma
tisme veut rendre à la pensée concrète, humaine, une place parti
culière dans ce monde de l'expérience; il conçoit l'esprit comme
une activité téléologique, une spontanéité individuelle, dont la
fonction est de nous orienter dans le milieu où nous vivons.
L'essence de sa méthode a est d'affirmer que toute conception
ayant un sens réel, annonce qnelque changement déterminé dans
notre expérience » (p. 97). Ce piincipe, le mathématicien Charles
Santiago Peirce l'avait appliqué au problème méthodologique de la
définition des concepts; James en tire une théorie de la vérification
et de la vérité. Malgré quelque flottement dans ses explications, il
l'entend toujours dans un sens « expérimental » et non volontariste;
il se fait gloire de perpétuer l'esprit de l'école empiriste anglaise,
mais il est juste d'ajouter qu'il prend l'expérience humaine dans le
sens le plus large.
M. Sthiller, qui se rallie avec enthousiasme au pragmatisme en
4902-1903, ne peut y voir une simple méthode : fidèle a son éduca
tion et continuant ses travaux de jeunesse, il y cherche une méta
physique de l'univers et crée l'humanisme. M. Dewey, venu de
l'hégélianisme, aboutit, par l'analyse de l'idée concrète au point de
vue de sa fonction logique, à des vues analogues : l'idée est un
« instrument », destiné à résoudre une « situation » particulière:
le doute, c'est-à-dire le défaut d'adaptation de l'esprit à un milieu
modifié, la rupture de l'équilibre mental préexistant ; les « signifi
cations » sont les moyens que l'esprit emploie pour établir un
nouvel état d'équilibre, toujours instable d'ailleurs. Mais tandis
que le pragmatisme se répand *), Peirce proteste contre ce qu'il
1) M. Leroux remarque avec raison que, contrairement à ce qu'on croit géné
ralement, il reste en Angleterre l'opinion d'une minorité (pp. 163-164). Bulletin d'épistémologie 87
estime être un abus de ce nom et adopte celui de « pragmaticisme » ;
il veut se tenir au réalisme des concepts et de la chose observée et
refuser toute compromission avec l'idéalisme, de même qu'il ne
reconnaît aucune intervention de la volonté dans la connaissance
objective comme telle; il entend la vérification dans le sens étroit
ement expérimental.
L'effort des pragmatistes se concentre désormais sur deux points :
la critique de l'intellectualisme et la définition de la vérité. Selon
James, la critique de découle plutôt du pragmat
isme qu'elle ne le précède : si la pensée est un fait biologique, on
ne peut, comme le fait I'intt'tlectualisme, exalter le concept au point
de le rendre immuable, d'en faire la réalité primordiale et de ne
point laisser de place à l'eireur. M. Dewey, au contraire, et surtout
M. Schiller attaquent de front l'intellectualisme, pour mieux assurer
le système pragmatiste.
M. Schiller veut définir la notion de vérité en partant du carac
tère téleologique de la pensée : elle prétend à la vérité (it daims
truth); la vérification consiste à réaliser cette tendance; comme ce
travail est essentiellement nôtre, humain, la vérité sera humaine, le
pragmatisme devient humanisme; la pensée va jusqu'à transformer
la realité. Mais M. Schiller ne s'explique pas sur la nature de cette
transformation, ni sur celle de la réalité en question : s'agit-il seu
lement de la réalité connue ou bien de toute réalité? Et les trans
formations du monde diffèrent-elles de celles du sujet lui-même?
Et préalablement, de quelle nature est la « valeur » vérité? De
quelle satisfaction et de finalité s'agit-il?
M. Dewey s'explique nettement. L'idée n'est qu'une partie sélec
tionnée dans l'expérience, afin d'anticiper et de préparer une expé
rience future ; celle-ci réalisée, l'idée disparait. La vérité consiste
tout entière dans ce rapport concret entre des parties de l'expé
rience ; on «vite l'idéalisme en déclarant que l'expérience ne
s'identifie nullement avec la connaissance, mais existe antérieure
ment à celle-ci ; la connaissance ou l'idée n'en est qu'une partie
transitoire; cela suppose un monde divers et toujours en évolution;

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