L historicité dans la philosophie contemporaine (suite et fin) - article ; n°43 ; vol.54, pg 456-477
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Revue Philosophique de Louvain - Année 1956 - Volume 54 - Numéro 43 - Pages 456-477
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Publié le 01 janvier 1956
Nombre de lectures 25
Langue Français
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Albert Dondeyne
L'historicité dans la philosophie contemporaine (suite et fin)
In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième série, Tome 54, N°43, 1956. pp. 456-477.
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Dondeyne Albert. L'historicité dans la philosophie contemporaine (suite et fin). In: Revue Philosophique de Louvain. Troisième
série, Tome 54, N°43, 1956. pp. 456-477.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1956_num_54_43_4883L'historicité
dans la philosophie contemporaine
{suite et fin) <*>
§ 3. Historicité et finitude.
Deux des problèmes principaux que soulèvent les philosophies
de l'historicité vont nous retenir. Il y a d'abord la question de savoir
si l'idée d'historicité est conciliable avec la présence d'un permanent
au sein de l'histoire, plus précisément s'il est possible d'arriver à
quelque certitude absolue dans l'ordre de la spéculation ou de
l'action. On ne peut nier que la philosophie de l'historicité a fort
ement contribué à discréditer la croyance séculaire en une nature hu
maine universelle et immuable, donnant lieu à des jugements de va
leur et à des règles morales valables pour tous les temps. « L'homme
... est condamné à chaque instant à inventer l'homme », écrit
J. P. Sartre. Il « n'est rien d'autre que son projet, il n'existe que
dans la mesure où il se réalise, il n'est donc rien d'autre que
l'ensemble de ses actes, rien d'autre que sa vie ». Aussi « la vie
n'a pas de sens, à priori », et « aucune morale générale ne peut
vous indiquer ce qu'il y a à faire » (1).
Une seconde question, liée à la précédente, est celle de savoir
si l'idée moderne d'historicité est compatible avec l'existence d'un
Absolu situé au delà de l'histoire, mais qui reste en relation vivante
avec l'histoire, vu qu'il en constitue le sens ultime et transcendant.
C'est tout le problème de la coexistence de l'Infini et du fini, de
l'Eternité et du temps, de la Souveraineté divine et de la liberté
humaine. Le propre de l'athéisme contemporain est de déclarer
<•> Cfr Revue philosophique de Louoain, février 1956, pp. 5-25.
(*> J. P. SARTRE, L'existentialisme est un humanisme, Paris, Nagel, 1946,
pp. 36, 55, 89, 47. L'historicité dans la philosophie contemporaine 457
cette coexistence impensable. « La théologie, écrit Merleau-Ponty,
ne constate la contingence de l'être humain que pour la dériver
d'un Etre nécessaire, c'est-à-dire pour s'en défaire » (2), et c'est
pourquoi, d'après cet auteur, la foi en Dieu entraînerait la mort
de la conscience : « La conscience métaphysique et morale meurt
au contact de l'Absolu » (3>. Francis Jeanson dira dans le même
sens : « L'athéisme [contemporain] ne se soucie pas tant de prouver
la non-existence de Dieu, mais de donner prise à l'homme sur sa
propre existence » (4). Quant à l'athéisme sartrien, il tient tout entier
dans le dilemme : si l'homme est libre, Dieu n'est pas ; si Dieu
existe, l'homme n'est plus libre. Pour Sartre la liberté est absolue
ou n'est pas et la crise religieuse du monde moderne n'est rien
d'autre que la lente récupération par l'homme de « cette liberté
créatrice que Descartes avait mise en Dieu » (5).
A entendre ces divers propos, on est évidemment tenté de
conclure que la philosophie de l'historicité nous ramène tout droit
au relativisme traditionnel. La réponse à donner aux deux questions
que nous venons de signaler serait donc négative : interprétés dans
le cadre de la pensée contemporaine, les termes « historicité » et
a historicisme » se recouvriraient complètement.
En réalité les choses ne sont pas si simples et tout ce que
nous avons dit dans les paragraphes précédents tend déjà à le
prouver. N'avons- nous pas montré que, pour les modernes, ft his
toricité » n'est aucunement synonyme de « succession » ou de « de
venir », et que la philosophie contemporaine, en tant que doctrine
de l'intentionalité et de l' intersubjectivité, est aux antipodes du
• Ttdcvta £eï d'Heraclite et de toutes les formes de l'empirisme clas
sique ? C'est du reste ce que ces mêmes auteurs ne cessent d'affi
rmer. « Nous ne renonçons pas, écrit Merleau-Ponty, à l'espoir d'une
vérité par delà les prises de position divergentes » (6), et encore :
« si j'ai compris que vérité et valeur ne peuvent être pour nous
que le résultat de nos verifications ou de nos évaluations au contact
du monde, devant les autres et dans des situations de connaissance
et d'action données — que même ces notions perdent tout sens
<*> Eloge de la Philosophie, Paris, Gallimard, 1955, p. 61.
<•) Sens et Non-sens, Paris, Nagel, 1948, p. 190.
<4> Athéisme et liberté, dans Lumière et Vie, janvier 1954, p. 92.
<*) Cfr J. P. SARTRE, Situations I, Paris, Gallimard, 1947, La liberté carté
sienne, pp. 314-335, en particulier, p. 334.
<*> Sens et Non-sens, p. 126. Albert Dondeyne 458
hors des perspectives humaines — alors le monde retrouve son
relief, les actes particuliers de vérification et d'évaluation, dans les
quels je ressaisis une expérience dispersée reprennent leur impor
tance décisive, il y a de l'irrécusable dans la connaissance et dans
l'action, du vrai et du faux, du bien et du mal, justement parce
que je ne prétends pas y trouver l'évidence absolue » (7>. Même
l'existentialisme sartrien n'est pas un retour pur et simple au relat
ivisme classique. En disant que « l'homme invente l'homme », Sartre
ne prétend pas affirmer que toutes les inventions et tous les choix
se valent et qu'il n'y a plus de place pour une morale quelconque.
Si la liberté humaine est seule à décider, chaque décision est un
engagement dans le monde, devant les autres : « Certes, la liberté
comme définition de l'homme, ne dépend pas d'autrui, mais dès
qu'il y a engagement je suis obligé de vouloir, en même temps que
ma liberté, la liberté des autres » (8). Il n'y a pas d'acte humain
qui soit absolument privé : tout ce que nous faisons, nous le faisons
en quelque sorte au nom de tous. Aussi, « bien que le contenu
de la morale soit variable, une certaine forme de cette morale est
universelle » <9). — Mais il y a plus: l'œuvre de Merleau-Ponty et de
Sartre ne représente pas toute la philosophie de l'historicité et de
l'intentionalité. A côté du courant athéiste il y a le courant théiste,
représenté par G. Marcel, P. Ricoeur et K. Jaspers. Le souci de
Dieu qui traverse leur œuvre de part en part, n'a pas pour résultat
de dépouiller l'existence humaine de son caractère historique, con
tingent et « événementionnel » : celui-ci reste au centre de la ré
flexion métaphysique et constitue notre accès à la Transcendance.
Quant à la pensée heideggerienne, elle occupe une position inte
rmédiaire: si Heidegger refuse de considérer le problème de Dieu
comme un thème proprement philosophique, il insinue en même
temps que sa philosophie, avec la distinction de l'Etre et de l'étant
qui en est la clef de voûte, n'est pas sans intérêt pour une éven
tuelle affirmation de Dieu : « C'est seulement à partir de la vérité
de l'Etre, écrit-il dans la Lettre sur l'humanisme, que l'essence du
Sacré (des Heiligen) se laisse penser. C'est seulement à partir de
l'essence du Sacré qu'est à penser l'essence de la Divinité {Gottheit).
<7> Ibidem, p. 191.
(*> L'existentialisme est un humanisme, p. 83.
(*) Ibidem, p. 85. dans la philosophie contemporaine 459 L'historicité
C'est seulement à la lumière de l'essence de la Divinité qu'on
pourra penser et dire ce que le mot Dieu (Gott) doit nommer » (10).
Devant une situation aussi paradoxale, ne pourrait-on pas con
clure que l'historicité chez les modernes est, tout compte fait, un
concept extrêmement ambigu, qui s'accommode aussi bien du rela
tivisme le plus effréné que de l'affirmation d'un Absolu transhisto
rique et immua

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