Le rôle du sujet dans l interprétation. Une nouvelle lecture de Schleiermacher avec Manfred Frank - article ; n°84 ; vol.89, pg 606-634
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Description

Revue Philosophique de Louvain - Année 1991 - Volume 89 - Numéro 84 - Pages 606-634
Concilier le sujet et la structure dans l'interprétation, revoir le rôle de la subjectivité en tenant compte des acquis du structuralisme, telle est la tâche que se propose Manfred Frank. Cherchant à nouer le dialogue entre l'herméneutique existentiale et le positivisme plus ou moins affirmé des tenants de la pensée française et anglaise du langage, il décèle une ouverture possible chez les néo-structuralistes; la notion de «différance» chez Derrida, entre autres, semble requérir un principe actif au sein de la structure, même s'il reste innomé.
A partir d'une lecture renouvelée de Schleiermacher, chez qui apparaît déjà l'idée si actuelle de la primauté du signifiant, on retrouverait la subjectivité s'incarnant dans la structure dont elle reste radicalement dépendante en même temps qu'elle la crée. C'est le langage qui est le lieu où se nouer «le général individuel» et s'accomplit le Je, dont la présence ne peut jamais être totalement maîtrisée; c'est pourquoi la différence est, pour Derrida, l'originant de toute origine.
Cependant la différence elle-même présuppose une certaine présence comme source du sens des déterminations; il s'agirait d'une «conscience pré-réflexive», sans dédoublement représentatif, un événement simple, immédiat, anonyme, que la philosophie a appelé «être», berceau de l'intentionnalité.
A-t-on pour autant surmonté l'idéalisme et la pétition de principe qu'il entraîne? Le Même de l'être et de la pensée est toujours à penser.
The task that Manfred Frank sets out to accomplish is that of reconciling subject and structure in interpretation and reviewing the role of subjectivity while taking into account the achievements of structuralism. While seeking to establish a dialogue between «existential» hermeneutics and the more or less pronounced positivism of the champions of the French and English thought on language, he perceives a possible opening in neostructuralism; the notion of «differance» in Derrida, for example, seems to require an active principle within structure, even it remains unnamed.
On the basis of a revised reading of Schleiermacher, who had already reached the concept of the primacy of the signifier that is of such importance at the present time, it is possible to find subjectivity embedded in structure, on which it remains radically dependent while at the same time creating it. Language is the place where «the general individual» is met and where the «I» is accomplished, the presence of which can never be totally mastered; this is why the «differance» for Derrida is the originator of every origin.
However, the «differance» itself presupposes a certain presence as the source of the meanings of its determinations; it appears that this is a «prereflexive consciousness», without a representative undoubling, a simple, immediate, anonymous event, which philosophy has called «being», the cradle of intentionality.
Have we, however, overcome idealism and the petitio principii which it entails? The Same in being and in thought has always to be thought. (Transi, by J. Dudley).
29 pages

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Publié par
Publié le 01 janvier 1991
Nombre de lectures 37
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Luce Fontaine-De Visscher
Le rôle du sujet dans l'interprétation. Une nouvelle lecture de
Schleiermacher avec Manfred Frank
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 89, N°84, 1991. pp. 606-634.
Citer ce document / Cite this document :
Fontaine-De Visscher Luce. Le rôle du sujet dans l'interprétation. Une nouvelle lecture de Schleiermacher avec Manfred Frank.
In: Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, Tome 89, N°84, 1991. pp. 606-634.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0035-3841_1991_num_89_84_6707Résumé
Concilier le sujet et la structure dans l'interprétation, revoir le rôle de la subjectivité en tenant compte
des acquis du structuralisme, telle est la tâche que se propose Manfred Frank. Cherchant à nouer le
dialogue entre l'herméneutique existentiale et le positivisme plus ou moins affirmé des tenants de la
pensée française et anglaise du langage, il décèle une ouverture possible chez les néo-structuralistes;
la notion de «différance» chez Derrida, entre autres, semble requérir un principe actif au sein de la
structure, même s'il reste innomé.
A partir d'une lecture renouvelée de Schleiermacher, chez qui apparaît déjà l'idée si actuelle de la
primauté du signifiant, on retrouverait la subjectivité s'incarnant dans la structure dont elle reste
radicalement dépendante en même temps qu'elle la crée. C'est le langage qui est le lieu où se nouer
«le général individuel» et s'accomplit le Je, dont la présence ne peut jamais être totalement maîtrisée;
c'est pourquoi la différence est, pour Derrida, l'originant de toute origine.
Cependant la elle-même présuppose une certaine présence comme source du sens des
déterminations; il s'agirait d'une «conscience pré-réflexive», sans dédoublement représentatif, un
événement simple, immédiat, anonyme, que la philosophie a appelé «être», berceau de l'intentionnalité.
A-t-on pour autant surmonté l'idéalisme et la pétition de principe qu'il entraîne? Le Même de l'être et de
la pensée est toujours à penser.
Abstract
The task that Manfred Frank sets out to accomplish is that of reconciling subject and structure in
interpretation and reviewing the role of subjectivity while taking into account the achievements of
structuralism. While seeking to establish a dialogue between «existential» hermeneutics and the more
or less pronounced positivism of the champions of the French and English thought on language, he
perceives a possible opening in neostructuralism; the notion of «differance» in Derrida, for example,
seems to require an active principle within structure, even it remains unnamed.
On the basis of a revised reading of Schleiermacher, who had already reached the concept of the
primacy of the signifier that is of such importance at the present time, it is possible to find subjectivity
embedded in structure, on which it remains radically dependent while at the same time creating it.
Language is the place where «the general individual» is met and where the «I» is accomplished, the
presence of which can never be totally mastered; this is why the «differance» for Derrida is the
originator of every origin.
However, the «differance» itself presupposes a certain presence as the source of the meanings of its
determinations; it appears that this is a «prereflexive consciousness», without a representative
undoubling, a simple, immediate, anonymous event, which philosophy has called «being», the cradle of
intentionality.
Have we, however, overcome idealism and the petitio principii which it entails? The Same in being and
in thought has always to be thought. (Transi, by J. Dudley).Le rôle du sujet dans l'interprétation
Une nouvelle lecture de Schleiermacher avec Manfred Frank
Y a-t-il un dialogue possible entre l'herméneutique du sujet qui
domine la pensée allemande, et l'interprétation objectiviste des textes,
telle qu'elle est apparue en France, notamment dans le structuralisme?
C'est la question que pose l'œuvre de Manfred Frank, héritier de
Gadamer et de Heidegger. Il aurait trouvé un lieu de rencontre dans le
néo-structuralisme, auquel il a d'ailleurs consacré de longues heures
d'enseignement devant un public germanophone1. Et c'est en relisant
Schleiermacher lors de sa thèse d'habilitation2, qu'il aurait découvert
les éléments d'ouverture réciproque entre les deux types d'interprétat
ion. Toute cette recherche paraît provenir chez le philosophe d'un
souci majeur qui est comme le fil conducteur de sa pensée: rétablir le
rôle du sujet à nouveaux frais, face à la montée irréversible des sciences
humaines et de la linguistique en particulier. Plutôt que de suivre la
chronologie de l'œuvre, posons systématiquement quatre questions
pour en dégager les lignes de force:
1 - Quel est, pour Manfred Frank, le problème du sujet?
2 - Compte tenu du problème, comment se présente la perspective du
néo-structuralisme?
3 - Comment l'herméneutique de Schleiermacher fournit-elle les
ments d'un dialogue possible entre une interprétation «subjective»
et une interprétation «positive», prônée par le structuralisme sous
sa forme évoluée dans le post ou le néo-structuralisme?
4 - Enfin, pour situer l'auteur, amorçons la question du fondement de
l'herméneutique de Schleiermacher; permet-elle de relancer les ques
tions contemporaines de philosophie du langage?
1 Was ist Neo-Strukturalismus, Frankfurt, Suhrkampf, 1984.
2 Das Individuelle Allgemeine: Textstrukturierung und Interpretation nach Schleier
macher, Frankfurt, Suhrkampf, 1977. Le rôle du sujet dans l'interprétation 607
1 . Le problème de la subjectivité
L'opuscule intitulé L'ultime raison du sujet*, paru en 1986, nous
donne une approche explicite de la question que pose M. Frank tout au
long de son œuvre: comment concilier subjectivité et structure? Sa
formation l'amenait tout naturellement à ce problème car, en plus de
l'héritage heideggerrien, il s'était familiarisé avec les acquis de la
linguistique et du structuralisme français, ainsi que de la philosophie
analytique anglaise4.
Selon lui, c'est la notion de connaissance comme représentation qui
a créé l'impasse qui bloque la question du sujet. Comme auto-réflexion,
comme reflet intemporel, sans distance, la représentation est, depuis
Descartes, le premier principe, le point de départ de la connaissance. La
contestation de ce rationalisme est proclamée chez Nietzsche; elle est
reprise par Freud, pour qui la conscience est fiction.
Frank emboîte le pas à cette dénonciation de la conscience comme
présence immédiate. Il le fait au profit de ce qu'il tente de cerner dans
une sorte de «familiarité pré-réflexive». Ce que Kant aurait peut-être
entrevu dans l'intuition a priori du Temps, à la base du sujet consti
tuant. C'est ainsi tout au moins que le lira Heidegger chez qui la
conscience devient compréhension, et se liquide pour ainsi dire dans
l'Être.
Frank propose, comme points d'appui à sa recherche, quelques
relais dans l'histoire du Sujet.
Malgré ce que Heidegger aurait pressenti dans Y Esthétique, Kant
n'en reste pas moins, explicitement, à la conscience comme représenta
tion de notre état intérieur, qui est représentation de toutes les choses. Il
distingue :
- le Ich pur, transcendantal,
- le Moi empirique, qui se connaît comme objet du sens interne, donc
comme un objet parmi d'autres, dont la connaissance est possible
grâce au Moi pur. Le Moi pur, par contre, n'est pas un objet de
psychologie, car il est acte de part en part.
La connaissance, qui est représentation, a donc pour fondement ce
Moi intellectuel, qui est auto-réflexion5. Mais quel est le concept de ce
3 Actes du Sud, 1986; traduction par Véronique Zanetti de: Die Unhintergehbarkeit
von Individualitât, Frankfurt, Suhrkampf, 1986. Le titre original met l'accent sur l'indépas
sable de la finitude.
4 II enseigne à Genève, patrie de Saussure, en même temps qu'à Tubingen.
5 Ce qui paraît en désaccord avec Y Esthétique, du moins dans sa première édition.
Heidegger a signalé ce durcissement du rationalisme de la deuxième édition de la Critique. Luce Fontaine-De Visscher 608
Moi pur, si je ne le connais que par le perçu? Il ne peut être connu,
mais seulement pensé comme id

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