Philosophie existentielle et métaphysique des essences. A propos de deux livres d histoire - article ; n°60 ; vol.41, pg 555-570
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Revue néo-scolastique de philosophie - Année 1938 - Volume 41 - Numéro 60 - Pages 555-570
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Publié le 01 janvier 1938
Nombre de lectures 31
Langue Français
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Extrait

André Hayen
Philosophie existentielle et métaphysique des essences. A
propos de deux livres d'histoire
In: Revue néo-scolastique de philosophie. 41° année, Deuxième série, N°60, 1938. pp. 555-570.
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Hayen André. Philosophie existentielle et métaphysique des essences. A propos de deux livres d'histoire. In: Revue néo-
scolastique de philosophie. 41° année, Deuxième série, N°60, 1938. pp. 555-570.
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/phlou_0776-555X_1938_num_41_60_3925,
Philosophie existentielle et métaphysique des essences 555
PHILOSOPHIE EXISTENTIELLE
ET MÉTAPHYSIQUE DES ESSENCES
A propos de deux livres d'histoire
« Les divergences sont frappantes entre les écoles de philo
sophie..., remarquait M. Bergson. Mais les trouverait-on aussi
tranchées entre les maîtres eux-mêmes ? » C'est que, peut-être,
au fond ils n'ont été tous préoccupés que d'une même question,
et. que, de points de vue divers, en des langues étrangères par
fois les unes aux autres, et dans des sens contradictoires, ils se
sont tous efforcés de résoudre, sous son double aspect, le pro
blème que pose à nos pensées le mystère de la participation de
l'être, ou, pour parler plus clairement, le mystère de notre création.
Les deux aspects de ce problème, ce sont, d'une part, la tran
scendance de Dieu, et, d'autre part, la réalité du monde, c'est-à-dire
la multiplicité des consciences, et l'existence, en dehors de ma
pensée, de la matière sensible dans laquelle ces consciences s'i
ncarnent, se rencontrent et s'épanouissent.
De l'effort pour répondre à ces deux questions jaillit le double
conflit qu'exprime, depuis un siècle et demi, l'opposition des termes
bivalents de réalisme et d'idéalisme. En réponse à la première
question, l'idéalisme affirme le primat du sujet pensant, et s'ef
force d'absorber en lui le monde des objets pensés ; dans sa
réponse à la seconde question, prisonnier de son postulat ratio
naliste, il nie la transcendance absolue de la Pensée et proclame
sa parfaite immanence à notre pensée. Au contraire, le réalisme,
tel du moins que le présentent certains , de ses partisans, affirme
d'une part le primat de l'objet, de la « chose », et résiste mal à
la tentation de ramener la réalité de l'esprit au niveau de la nature
matérielle ; d'autre part, à force de souligner la transcendance de
la Pensée divine, il risque de méconnaître toute immanence de
Dieu à notre pensée.
Ainsi présentés, l'idéalisme et le réalisme sont deux positions
philosophiques extrêmes, inconciliables, et fausses dans la mesure
où elles s'excluent mutuellement. 556 A. Hayen
La vraie solution au problème de Dieu et du monde sera une
solution, non pas de compromis, mais d'équilibre. Dans une méta
physique de l'analogie, elle conciliera la transcendance de Dieu et
sa présence, que saint Thomas appelait « essentielle » (1), à l'œuvre
de ses mains. Elle reconnaîtra que, sans être Dieu, l'être fini est
de Dieu et n'est que par Lui, et que, sans pouvoir le comprendre,
l'esprit fini est capable cependant d'atteindre Dieu et de le con
naître. Elle maintiendra, simultanément, le primat du sujet pen
sant et celui de l'objet de pensée en affirmant l'intelligibilité de
l'être, parfaitement réalisée en Dieu, imparfaitement en nous, —
en refusant d'opposer l'un à l'autre l'Esprit et le Réel ou d'ac
corder à l'un ou à l'autre la moindre préférence, — en reconnaiss
ant, enfin, l'essentielle solidarité qui, dans le monde des esprits
finis et de la réalité matérielle, relie entre eux le sujet intelligent
et l'objet intelligible, créés ensemble par Dieu pour trouver en
semble leur perfection dans l'unité lumineuse de la conscience en
acte.
A vrai dire, ce qui fait question, ce n'est guère le problème
du monde, encore qu'il soulève souvent les controverses les plus
bruyantes. En dépit des apparences, nulle philosophie sérieuse ne
nie que l'homme soit engagé dans le monde ni ne conteste la
multiplicité des consciences. La question sur laquelle les esprits
vraiment se divisent, n'est-elle pas plutôt celle de la transcendance
de Dieu : l'unité synthétique et dynamique de l'intelligence et de
l'intelligible au sein de notre intellection en acte, elle-même indé
finiment perfectible, est-elle première, est-elle un mode, ou une
réalisation partielle et progressive de l'Absolu lui-même ? Ou bien,
au contraire, dérive-t-elle d'une autre Unité, plus haute et plus
parfaite, non point statique ni non plus dynamique, mais inten
sive, comme la chaleur concentrée du foyer d'où divergent les
rayons ; et cette Unité peut-elle être autre chose qu'une Unité
absolument transcendante ?
Ce problème, actuel aujourd'hui comme il y a dix ans, lorsque
M. E. Le Roy publiait son livre sur le Problème de Dieu, ne l'était
pas moins il y a trois siècles, lorsqu'il faisait l'enjeu secret des con
troverses théologiques soulevées autour de Baïus et de Jansenius,
ou celui des querelles philosophiques que provoquait « l'athéisme »
O In I Sent., d. 3, q. 4, a. 4, c. existentielle et métaphysique des essences 557 Philosophie
de Spinoza. Mais il est bien plus ancien encore. Un remarquable
petit livre, que vient de publier M. Paul Vignaux (2), montre bien
comment le même problème domine toute la pensée du moyen
âge : « le moyen âge théologique... est peut-être très proche de
nous : on Ta trop imaginé parfaitement organique, purement har
monieux, et quelque peu ;figé ; au fond de sa vie intellectuelle,
nous trouverons du mouvement, des heurts, de la division : des
conflits de l'ordre profane avec le sacré, un dialogue de l'humain
avec le divin. C'est d'un tel point de vue que nous apercevrons
la profondeur de l'humanisme médiéval » (p. 9). Conflits qui ne
furent jamais apaisés et ne le seront jamais ; dialogue auquel nul
homme ne mettra un terme : aucune philosophie ne s'achève ici-
bas, pas plus que n'aurait pu se réaliser l'idéal trop terrestre et
trop impatient de la chrétienté médiévale (3).
A ces questions qui le préoccupaient comme elles nous pré
occupent encore, le moyen âge sut donner une réponse, réponse
véritablement philosophique, bien qu'historiquement il la doive à
sa foi, réponse vraiment une, au fond, et définitive, en dépit des
controverses qui opposèrent, parfois si profondément, les écoles.
Dès les premières pages de son exposé, M. Vignaux dégage à merv
eille — à propos de Scot Erigène — la conception médiévale du
monde et de notre destinée : « admet une analyse et une
synthèse totales, qui suivent la nature des choses, portent sur leurs
substances : divisio naturarum omnium, substantiarum omnium col-
lectio. La démarche est assez simple : on part de Dieu, on y re
vient ; au milieu, au noeud, se trouve l'homme : corps et âme,
donc abrégé de l'univers, en lequel se retrouve toute créature »
(p. 15). Admirable hardiesse d'une pensée exempte cependant de
tout panthéisme, assure notre auteur. Voici, en effet, le principe
fondamental sur lequel elle repose : « les choses inférieures sont
naturellement attirées et absorbées par les supérieures, non
pas pour n'être pas, mais pour, en ces dernières, être davantage :
sauvées, subsistantes et faisant un — Inferiora Vero a superioribus
naturaliter attrahuntur et absorbentur, non ut non sint, sed ut in
eis plus salventur et subsistant et unum sint. Concluons que, des
<2> La pensée au moyen âge. (Collection Armand Colin). Paris, Colin, 1938,
208 pp., 15 fr.
(3) Pourquoi cet inachèvement est-il nécessaire, et même souhaitable ? Voir la
pénétrante réponse que donne à cette question le P. Fessard dans le beau livre
que nous signalons un peu plus bas (pp. 174-177). 558 A. H ay en
natures, il demeurera ce qui constitue chacune en propre : natu-
rarum igitur manebit proprietas. Malgré le scheme du retour, nous
voyons apparaître de l'irréversible dans le cours des choses : ces
natures, une fois créées,

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