Le Fauve

Morgane Couzinet

Description

La vie et la mort d'un animal sauvage que l'on emprisonne. Que pense t'il ? Que lui reste t'il ?

Sujets

• Fauve
• Lion
• Barreau
• Prison
• Tombeau
• Vie

Informations

• Publié par: lihane
• Publié le: 16 juin 2013
• Nombre de lectures: 254
• Langue: Français

Extrait

Le fauve

I

Le fauve immobile derrière les sombres barreaux,

Songeait à ce lieu qui serait son tombeau.

Le souvenir est vague lorsqu'on est prisonnier,

Parfois il est des choses qu'il vaut mieux oublier ;

La plaine, la douce brise et les vastes étendues

Toutes ces choses lointaines qu'il a pourtant connues.

"Liberté" rugit-il, mais sans bien savoir pourquoi,

Le mot il s'en souvient mais ne le comprend pas.

Sans doute a t'il du ardemment le désirer :

Aujourd'hui cependant il a cessé d'en rêver.

Ces barreaux infinis et qui ne veulent s'arrêter,

Vaines mâchoires qui ont cessé d'en battre l'acier...

Alors à présent sinistre spectre dans son enclos

Ne parvient plus à son cœur le chant des oiseaux.

Tout espoir l'a quitté. Non, le fauve ne se bat plus,

Ne sait plus rien de lui, ni même de ce qu'il fut.

Ses yeux d'or viennent à croiser ceux des passants,

"Maudits !" leur hurle t'il comme dans un tremblement.

"Vous m'avez tout pris, jusqu'au dernier de mes désirs :

Car le seul qu'il me reste homme est celui de mourir !

Pourquoi ? Mais pourquoi suis-je ainsi enfermé ?

Est-ce donc ma souffrance qui semble vous amuser ?

Suis-je la bête cruelle et vous les gens civilisés ?

Dans notre cas ne peut-on en douter... ?

Vous voulez un fauve. Voici l'ombre de ce qu'il a été,

Le spectre et les os, en fait, ce que vous m'avez laissé..."

Et d'un pas chancelant il repart et tourne en rond,

Recomptant encore une fois les barreaux de sa prison.

II

Le fauve immobile derrière les sombres barreaux,

Songeait à ce lieu qui serait son tombeau.

Un enfant fit alors preuve d'une étonnante curiosité

Et plongea son regard dans celui de l'animal emprisonné

La bête intriguée cessa alors son éternel va et vient

Pour poser son regard sur cet être incertain,

"Contemple ma misère, même un court instant,

Aujourd'hui si petit, moi qui pourtant fut si grand.

C'est pour que vous puissiez me voir et m'admirer

Qu'on enferme un roi derrière des barres d'acier !

Vous ne respectez qu'une chose, qui se nomme profit :

A ses conquêtes sportives, l'homme ne met pas de prix.

Sache que si tu ouvrais ma cage, je ne fuirai point

Où pourrais-je bien aller quand mon pays est si loin ?

Quand le corps est enfermé, l'esprit y reste lié,

J'ai cru pouvoir m'évader, mais voilà, j'y ai renoncé...

Lorsque je ferme les yeux, j'essaye d'imaginer :

Mon pays, l'odeur, les couleurs de ses vastes vallées.

Il n'y a plus rien ! Ai-je vraiment été libre un jour ?

Ne l'ai-je qu'espéré, rêvé, quand si dur est le parcours ?

J'ai entendu un homme dire "Il courait dans la savane avant..."

Avant ? Mais quand ? Lorsque j'étais vivant ?"

Le fauve s'assied alors le cœur et l'âme troublés ;

Comprenant que le remords est le voisin du regret...

III

Le fauve immobile derrière les sombres barreaux,

Songeait à ce lieu qui serait son tombeau.

A présent l'heure était venue, celle de manger ;

Le fauve savait que bientôt un humain viendrait.

La silhouette approcha pour ouvrir la prison

Et dans un élan apparemment dénué de raison,

La bête saisit le gardien par la gorge pour le dévorer ;

Ce ne fut ni par vengeance, ni par instinct meurtrier,

Mais quelque chose en lui réveilla le prédateur

La proie était homme et lui redevint chasseur.

Il se souvint alors de tout ce qu'il avait été

De sa race, de son nom et du cadeau liberté !

Un rugissement fit trembler de la cage les fondations

Enfant des plaines, il se rappelait enfin être un lion.

Quand la balle siffla aux oreilles du fauve déchaîné

Son dernier regard pour nous fut empreint de pitié.

Son cœur déjà loin il s'effondra ensanglanté

Et dans sa gorge se perdit le mot liberté....

03/09/02