Le Paradis retrouvé (Hersent-Penquer)
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Description

Léocadie Hersent-Penquer — Le Parnasse contemporain, IILe Paradis retrouvéPoème de la première heure. L’Éden était fermé. La terre ouvrait ses routes :Adam, d'un seul regard, les interrogea toutes,Et, ne pouvant choisir parmi tant de chemins,Il se tourna vers Ève et dit : « Étends les mains :Je te laisse le choix entre tous nos domaines.Puisque jai quitté Dieu, qu’importe où tu me mènes ?Ma patrie est partout avec Ève ; ses yeuxMe tiendront lieu du jour qui me venait des cieux.Près de toi rien ne manque à mes regards ; ma vie,Condamnée à la mort et maudite, est ravie,Puisque le Créateur, qui te créa pour moi,M’ordonne de te suivre et de mourir pour toi.L’Éternel s'est trompé dans sa double sentence ;Sa justice n’a pas atteint notre existence :Ève, tous deux unis, maîtres dans ces déserts,Tu seras reine, et moi, le roi de l’univers.Je te suis. Où veux-tu que nous allions ? — Vers l’ombre,Reprit-elle, là-bas, vers cette enceinte sombre,Où l’œil de l’Éternel ne pourra nous chercher.Pour t’aimer, j'ai besoin, Adam, de me cacher.Je ne sais quelle flamme à mon visage monte,Quand j’arrête sur toi des yeux charmés : j’ai honte.Je ne t’avais pas vu dans Éden ; Dieu couvraitD’un voile de pudeur tout ce qui m’entourait.Dans Éden, j’ignorais le charme humain des choses ;J’écoutais les oiseaux, je contemplais les roses,J’aspirais les parfums et j’entendais les sons ;Mais rien ne m’enivrait, ni ...

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Extrait

Léocadie Hersent-PenquerLe Parnasse contemporain, II
Le Paradis retrouvé
Poème de la première heure.
L’Éden était fermé. La terre ouvrait ses routes : Adam, d'un seul regard, les interrogea toutes, Et, ne pouvant choisir parmi tant de chemins, Il se tourna vers Ève et dit : « Étends les mains : Je te laisse le choix entre tous nos domaines. Puisque jai quitté Dieu, qu’importe où tu me mènes ? Ma patrie est partout avec Ève ; ses yeux Me tiendront lieu du jour qui me venait des cieux. Près de toi rien ne manque à mes regards ; ma vie, Condamnée à la mort et maudite, est ravie, Puisque le Créateur, qui te créa pour moi, M’ordonne de te suivre et de mourir pour toi. L’Éternel s'est trompé dans sa double sentence ; Sa justice n’a pas atteint notre existence : Ève, tous deux unis, maîtres dans ces déserts, Tu seras reine, et moi, le roi de l’univers. Je te suis. Où veux-tu que nous allions ?  —Vers l’ombre, Reprit-elle, là-bas, vers cette enceinte sombre, Où l’œil de l’Éternel ne pourra nous chercher. Pour t’aimer, j'ai besoin, Adam, de me cacher. Je ne sais quelle flamme à mon visage monte, Quand j’arrête sur toi des yeux charmés : j’ai honte. Je ne t’avais pas vu dans Éden ; Dieu couvrait D’un voile de pudeur tout ce qui m’entourait. Dans Éden, j’ignorais le charme humain des choses ; J’écoutais les oiseaux, je contemplais les roses, J’aspirais les parfums et j’entendais les sons ; Mais rien ne m’enivrait, ni baumes, ni chansons. Je vivais sans désir, j’ignorais l’espérance ; Mon bonheur était froid comme mon ignorance : L’amour n’était pas né. Non, dans Éden, jamais Je n’aurais pu comprendre à quel point je t’aimais. J’étais trop près du Dieu, maître de la nature, Trop près du Créateur, pour voir la créature. Mais à présent que Dieu n’est plus là, l'homme est dieu Pour mon âme, et beauté pour mon regard de feu.
— Ève, répondit-il, je l’ignorais moi-même, Cette loi de l’amour humain ; ce mot suprême, Aimer, j’en ignorais hier la volupté. Dans Éden, je n’ai pas remarqué ta beauté. Ce que j’aimais hier en toi, c’était ton âme ; En toi ce que j’adore aujourd'hui, c’est la femme. J’admire les contours élégants de ton col ; J’admire la blancheur de tes pieds sur le sol ; J’admire ton regard où mon regard se noie, Et le voile onduleux de tes cheveux de soie, Et ta chair blanche et rose, et ton bras, et ta main, Et ce beau sein qui doit porter le genre humain. Je te suis. Conduis-moi. Dans l’ombre ou la lumière, Où tu seras, j'irai. Va, marche la première ! Regarde ton chemin ; moi, je regarderai La trace de tes pas. Marche. Je te suivrai. »
Ève se dirigea vers l’occident, légère, Non comme une exilée et comme une étrangère, Mais comme une habitante à qui tout est connu. À eineelle foulait le sol de sonied nu
À peine elle hésitait dans sa route. À mesure Qu’elle avançait vers l'ouest, l’ombre était plus obscure, Le firmament prenait des tons gris, les vapeurs Des grandes mers montaient du flot sur les hauteurs. On entendait déjà les bruits sourds du rivage. La solitude avait un aspect plus sauvage ; L’arôme des sapins résineux chargeait l'air De son effluve au suc nourrissant, mais amer. Un peu dans le sud-ouest, des lignes montagneuses S’étendaient et formaient des voûtes caverneuses. C’est vers ces antres noirs qu’Ève se dirigea. Palpitante, éperdue, elle y touchait déjà, Quand Adam, l’étreignant et l’enlevant de terre, La porta, frémissant d’amour, dans ce mystère.
La nuit parut. Ce fut la plus belle des nuits : Les astres rayonnaient, l’un par l'autre éblouis ; Le zéphyr et la fleur échangeaient leur caresse ; Les hôtes des forêts se cherchaient, dans l’ivresse ; Les oiseaux, sans savoir d’où leur vint cet attrait, Se rapprochaient, unis dans un premier secret ; Et le ruissellement des eaux autour des mousses Avait des bruits de luth, de baisers, de voix douces. On entendit alors, à travers l’infini, Les palpitations du Verbe humain, béni ; L’enfantement divin germa dans la nature : L’amour, égal à Dieu, créa la créature.
L’aube éclairait déjà l'azur de l'orient. Adam regardait Ève et l’aube en souriant, Comme un être enivré des douceurs de la vie. Ève ne regardait qu’Adam. Belle et ravie, Les yeux pleins de langueur, elle attachait sur lui Un long regard encor plus charmé qu’ébloui. Il dit : « Voici le jour saluant l’hyménée. » Elle : « Voici l’épouse à tes pieds pardonnée : Dieu bénit notre hymen, Adam. L'Éden perdu, Nous l’avons retrouvé ; l’amour nous l'a rendu. »
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