Charles de Gaulle, observations d outre-Atlantique - article ; n°1 ; vol.51, pg 93-106
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Description

Politique étrangère - Année 1986 - Volume 51 - Numéro 1 - Pages 93-106
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 27
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Anton W. DePorte
Charles de Gaulle, observations d'outre-Atlantique
In: Politique étrangère N°1 - 1986 - 51e année pp. 93-106.
Citer ce document / Cite this document :
DePorte Anton W. Charles de Gaulle, observations d'outre-Atlantique. In: Politique étrangère N°1 - 1986 - 51e année pp. 93-
106.
doi : 10.3406/polit.1986.3554
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1986_num_51_1_3554POLITIQUE ÉTRANGÈRE I 93
Charles de Gaulle.
Anton W. DePORTE * observations . . d outre-Atlantique ' A m
1936 : II y a un demi-siècle, le colonel de Gaulle entre dans l'His
toire en essayant de convaincre Léon Blum, nouveau président du
Conseil, que la France doit changer ses plans militaires si elle veut
être capable de se protéger contre la nouvelle armée allemande.
Mais Blum, comme ses successeurs dans les dernières années de la
IIIe République, se trouve confronté à des problèmes trop urgents
pour pouvoir se permettre de défier les chefs de l'armée française,
vainqueurs de la Grande Guerre, qui considèrent comme absurdes
les idées du Colonel. C'est ainsi que la France s'achemine vers juin
1940 avec un outil militaire défectueux servi par une diplomatie qui
ne l'est pas moins.
1946 : Le général de Gaulle, qui est passé de la désastreuse bataille
de France à Londres puis à Alger pour revenir à Paris en libérateur,
démissionne de la présidence du Gouvernement provisoire de la
République française. Sa décision est motivée par le fait que le
régime des partis qui contrôlent l'Assemblée constituante ne veut
donner à la France les solides institutions dont elle a besoin. N'ayant
pu dominer le jeu des partis, le Général espère revenir bientôt au
pouvoir, et selon ses propres conditions, quand ce jeu aura conduit
la France au bord de l'anarchie. Cet espoir va se matérialiser, pas au
bout de quelques mois toutefois, mais après que la IVe République
ait régné pendant douze ans.
1966 : Le président de Gaulle inaugure son second mandat en tant
que chef d'Etat — maintenant la Ve République, créée par lui et à
sa mesure — en faisant sortir la France de l'organisation militaire de
l'Alliance atlantique et en se rendant en Union soviétique dans un
but de détente, d'entente et de coopération. Par ces démarches, le
Général semble ouvrir une ère nouvelle dans laquelle la division de
l'Europe née de la Seconde Guerre mondiale pourrait commencer à
se voir surmontée après vingt ans, et ce à l'initiative de la France,
nouveau leader d'un nouveau système européen. A Pnom-Penh, de
Institute of French Studies, New York University. I POLITIQUE ÉTRANGÈRE 94
Gaulle déclare que, dans le Tiers-Monde aussi, on peut résister et
mettre fin à la compétition et à la domination des superpuissances
(dont l'une est son allié américain).
1986 : Charles de Gaulle est mort depuis quinze ans et ce qu'il a fait
appartient désormais à l'Histoire et au mythe. Mais ses actions
conservent beaucoup d'impact dans le monde actuel. Le parti qu'il a
fondé reste l'un des deux plus importants de France. Les institutions
qu'il a établies, dominées par le rôle du Président, lui ont survécu
telles quelles. Quant à la politique étrangère française, principale
préoccupation du Général, elle semble toujours inspirée par les
méthodes et l'orientation, ou, au moins, les objectifs et l'esprit du
gaullisme.
Mais la politique étrangère, même celle des plus grands leaders et
des plus grands pays, doit évoluer afin de s'adapter à l'évolution du
monde. C'était vrai pour de Gaulle lui-même qui sut se montrer
d'une suprême habileté tactique dans l'adaptation pragmatique de
politiques servant les intérêts français. Ce fut également vrai pour ses
successeurs. En plus, chaque génération regarde le passé à la lueur
du présent et son propre temps à la lueur de ce qu'elle croit savoir
du passé. S'il ne fait pas de doute que l'action de de Gaulle en 1940
et en 1958 lui assure la première place dans l'histoire politique
française du XXe siècle, personne ne peut penser sérieusement que
toutes les questions à propos de sa carrière et de son influence sur la
politique française depuis son époque aient eu leurs réponses défini
tives. Nous avons dès lors un droit, et même un devoir, de réexami
ner à notre époque ce que de Gaulle a fait ou tenté de faire en
politique étrangère, sachant, bien sûr, que nos réponses ne constitue
ront pas non plus le dernier mot.
Il n'y a peut-être pas d'événements de l'histoire humaine dont la
« signification » soit finale et absolue, mais il en est certains pour
lesquels c'est presque vrai. Nous reconnaissons cela non seulement
par raison, mais aussi, comme de Gaulle le disait en parlant de son
amour pour la France, par sentiment. Pour ceux de ma génération
et, je l'espère, pour d'autres aussi, ce que fit de Gaulle le 18 juin
1940 a une valeur morale et historique hors de toute discussion. Le
réalisme, renforcé par le choc et la peur, avait alors porté une
grande partie de l'élite française à croire que la victoire allemande
était inévitable et que la France n'avait d'autre choix que de se
chercher la meilleure place possible au sein de l'Ordre Nouveau. Il y
a eu d'autres moments semblables dans l'histoire de l'Europe, parfois
avec la France comme puissance conquérante. On doit cependant se
rappeler que la victoire militaire allemande dont il fallait s'accommod
er n'était pas celle d'une Allemagne impériale ou républicaine, un
Etat plus ou moins comme les autres. C'était la victoire d'une
Allemagne hitlérienne, un Etat à nul autre comparable. Une France CHARLES DE GAULLE I 95
vaincue pouvait-elle trouver une place aux côtés de cet Etat ou,
plutôt, à ses pieds ? Aurait-ce encore été la France ? Le sentiment
autant que la raison montrèrent à de Gaulle qu'une telle France
aurait cessé d'exister. Il en est d'autres qui pensaient de même, mais
bien peu avaient la volonté d'agir en conséquence. La grandeur
morale du geste de refus de de Gaulle ne réside pas seulement dans
la perspicacité de son jugement. Elle se trouve aussi dans la solitude
où il le fit, dans la témérité avec laquelle il défia le gouvernement
légal de son pays et dans le courage avec lequel il s'engagea lui-
même du côté où des hommes plus prudents pensaient que la partie
était perdue.
Ceux d'entre nous qui ont un certain âge se souviennent également
de cet autre grand leader qui refusa lui aussi la défaite en ce terrible
été. Mais ce n'est rien retirer à la plus grande heure de gloire de
Winston Churchill que de noter qu'il était alors le chef du gouverne
ment d'une nation encore libre, à la tête d'un vaste empire, appuyée
au-delà des mers par une nation encore plus forte, bien qu'à demi
engagée à cette époque : les Etats-Unis. Churchill eut un grand
courage, mais il n'eut pas à faire un saut dans l'inconnu. De Gaulle,
par contre, venait de nulle part et n'avait rien. Non élu, non
désigné, prétendant non reconnu à la conduite d'un pays blessé par
une défaite humiliante, il demandait une place à bord d'un navire
qui paraissait en train de sombrer. Même si les Allemands avaient
gagné la guerre et l'appel du 18 juin resté sans suite, l'engagement
de de Gaulle serait demeuré un acte extraordinaire.
Mais de Gaulle ne disparut pas dans l'oubli. Comme il devait l'écrire
plus tard, dans un autre contexte, une action honorable peut parfois
s'avérer de bonne politique. Ce fut le cas pour lui. L'exemplaire
grandeur du 18 juin rendit possible trente années d'actions politiques
à un niveau inévitablement moins élevé. Ces actions sont discutables
et les jugements à leur endroit ne font pas l'unanimité.
Que de Gaulle ou un autre ait essayé de maintenir la France dans la
guerre après l'armistice, il était clair dès le départ que le pays ne
pouvait être libéré que si la Grande-Bretagne et ses alliés venaient à
bout de l'Allemagne.

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