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Entretien avec le responsable de la lutte anti-terrorisme de l'Union Européenne, M. Gilles De Kerchove Entretien réalisé par Joshua Massarenti
Dimanche 22 août 2010
ll y a quelques semaines la France et la Mauritanie ont mené une opération militaire conjointe au Mali contre Al Qaeda au Maghreb qui n’a pas eu les résultats escomptés. Que pense l’Union européenne de cette intervention française ? Pensez-vous qu’elle peutaider à lutter contre cet ennemi invisible ou, qu’au contraire, elle va provoquer une escalade dans la région ? (Le Calame)Je me garderais de tout commentaire concernant cette intervention militaire et sa réussite ou pas. Là où je peux saluer l’opération c’est qu’elle traduit un effort de la part des autorités mauritaniennes à prendre des mesures fortes pour lutter avec des moyens militaires contre les katibat de l’AQMI. Ceci s’inscris dans un cadre plus général dans lequel l’Union Européenne s’est engagée depuis un an et demi à travers la formulation d’une stratégie « sécurité et développement » pour aider les pays du Sahel, et plus particulièrement la Mauritanie, le Mali et le Niger, à renforcer leur dispositif de prévention et de lutte contre le terrorisme, ainsi que contre d’autres facteurs d’instabilité comme le trafic de drogue, le trafic d’armes ou l’immigration illégale.Malgré les menaces terroristes qui pèsent sur les pays de la sous-région, l’UE est inscrite aux abonnés absents.Qu’attendez-vous pour venir en aide à ces pays comme le font les USA par exemple ? (Le Calame)Ce n’est pas du tout exact. L’Union Européenne fait déjà beaucoup, en tout cas plus que les Etats-Unis au niveau de l’assistance. La stratégie « sécurité et développement » que je viens de mentionner s’inscris dans cette volonté de repenser notre aide au développement et d’intensifier notre soutien au renforcement des dispositifs de sécurité, et ce de manière intégrée. L’engagement de l’UE présuppose
une détermination de la part des autorités nationales des pays du Sahel d’investir dans les dispositifs de sécurité et l’identification de projets adéquats. Dans le cadre de la reprogrammation du dixième FED, l’UE compte mettre des accents particuliers dans des projets de développement au sein de zones géographiques qui connaissent une forte insécurité. A titre d’exemple, au nord du Mali, dans la région de Kidal, il est clair que l’absence de l’Etat et des services publics, l’absence de perspectives économiques pour les jeunes constituent un facteur d’instabilité qui peut conduire ces derniers à rejoindre des groupes criminels. Il nous faut donc redéployer l’Etat dans ces région. Au Mali c’est ce que nous faisons dans le cadre du Programme d’intervention d’urgence pour la réduction, voire l’éradication de l’insécurité au Nord Mali (PIRIN) lancé par les autorités maliennes. Par ailleurs, je tiens à rappeler qu’avec les appuis budgétaires, l’UE soutient financièrement les défis majeurs des pays concernés tels que la construction de routes, indispensable pour désenclaver la région, ou bien l’aide à la formation pour la sécurité et la justice. Ceci dis nous compter augmenter nos efforts dans chacun des pays du Sahel menacés par le terrorisme et favoriser des initiatives régionales. À moyen terme, quel appui peut-on attendre de l’Europe ? (Les Echos)Il y a d’un coté l’appui technique à travers la mobilisation de fonds communautaires avec par exemple l’envoi d’experts chargés de former la police et de la justice. De l’autre ily a la dimension politique, plus complexe évidemment, dans laquelle l’UE cherche à créer un climat de confiance entre les partenaires de la région. Malheureusement force est de constater que cette confiance n’est pas toujours au rendez-vous. Cette dimension politique s’inscris dans le cadre de l’initiative avec l’Algérie qui a réunis les ministres des Affaires étrangères et les chefs des services de renseignement, et mis en place un Etat-major à Tamanrasset. En règle générale, nous sommes ouverts à toutes formes d’initiatives régionales car compte tenu de la géographie de la région on ne peut pas envisager des actions isolées. Nous sommes donc favorables à la création de centres de formations régionaux pour faciliter le cadre légal de la coopération régionale ou à favoriser des actions militaires conjointes. Concrètement, il y a un exercice d’identification qui est en cours pour des projets particuliers. Dans le cadre de « l’instrument instabilité » nous avons mobilisés cinq millions d’euro au Mali et en Mauritanie. A titre d’exemple, en Mauritanie une partie des fonds est dédiée au renforcement des contrôles aux frontières à travers une vingtaine postes frontières, dont sept sont prises en charge par la France tandis que les treize autres seront soldés par l’Union Européenne. Il faut ajouter à cela la constitution de bases de données, la création à Nouakchott d’un pôle de lutte contre le terrorisme et le crime organisé, un peu sur le modèle de l’audience nationale en Espagne ou de la Galerie Saint-Elois en France. À Bamako nous ouvrirons un bureau d’appui pour aider les autorités de sécurité maliennes et mauritaniennes, ainsi que les autorités judiciaires à traiter les dossiers de terrorisme avec plus de compétences et d’expertises. Comme je l’ai par ailleurs indiqué, tant au titre du dixième FED que de « l’instrument instabilité » nous allons soutenir le plan PIRIN du Mali. Ce fut en tout cas un des thèmes de discussion de la rencontre que j’ai eue en juillet dernier à Bamako avec le président malien Amadou Toumani Touré. Nos représentants sont en train de négocier sur place avec la Communauté internationale à Bamako pour élaborer une feuille de route dans laquelle tous les donateurs et les autorités maliennes vont programmer l’installation de pôles de sécuritéet de développement. Quant au Niger, l’Union Européen vient d’annoncer le rétablissement progressif de l’aide au développement et une reprise du dialogue avec les autorités nigériennes. Dans ce cadre, je me suis rendu à Niamey il y a quelques semaines pour mesurer la volonté des autorités du Niger à lutter contre le terrorisme et à identifier les grands axes de ce qui pourrait être notre appui. Nous allons envoyer des experts pour identifier avec plus de précisions des projets concrets. Enfin, à l’automne les ministres des Affaires étrangères seront saisis d’une stratégie intégrée « sécurité et développement ». Installé à Tamanrasset le 21 avril dernier, le comité d’état-major opérationnel conjoint entre l’Algérie, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Burkina Faso ne semble pas encore en mesure d’être la hauteur des défis qu’il s’est fixé, à savoir multiplier la coopération militaire et sécuritaire dans le cadre de la lutte commune contre la criminalité et le terrorisme dans les bandes frontalières. Qu’attend l’Union Européenne de ce comité ? (Afronline.org)Il est trop tôt pour juger l’efficacité de ce comité. L’échange d’informations dans le domaine du renseignement nécessite un niveau de confiance qui ne s’atteint pas en quelques mois. C’est un travailde longue haleine. Nous européens en savons quelque chose. Je devrais me rendre prochainement à Alger pour rencontrer les autorités algériennes et discuter entre autre de l’évolution du comité et d’un appui éventuel de l’UE. Lors de mon séjour à Niamey, leprésident par intérim, ainsi que le Premier ministre et le ministre de la Défense m’ont fait part de leur grande disponibilité par rapport au comité d’Etat-major. Dans les deux dernières années, les tentatives de coordination entre les pays du Sahel pour combattre Al Qaeda ont été mises à mal par des divergences de fonds quant à la stratégie à adopter. D’un coté nous avons l’Algérie et la Mauritanie adeptes d’une stratégie agressive, de l’autre le président Amadou Toumani Touré contraire aux opérations militaires par peur de représailles sur la population malienne. Est-ce que l’opération franco-mauritanienne sur le territoire malien marque-t-elle un tournant ? (Afronline.org)Je n’ai pas les informations suffisantes pour dire s’il s’agit d’un tournant ou pas. En tout cas c’est peut-être le signe que les choses changent dans la bonne direction. Lors de mon entretien avec le président
malien, j’ai eu le sentiment que ce dernier était déterminé à prendre les mesures nécessaires pour renforcer les dispositifs desécurité. J’ai noté également un début de collaboration efficace entre le Mali et le Niger avec des opérations conjointes non loin de Niamey. En ce qui concerne les rapports entre le Mali et la Mauritanie, des améliorations sont nécessaires. Je pense que la prise de conscience augmente dans l’ensemble de la région, surement du coté de la Mauritanie dont le président affiche une volonté très clair de combattre contre le terrorisme. Le moment est peut-être venu pour passer à une phase plus active. Pourquoi le terrorisme se déplace-t-il dans la bande sahélienne ? (Les Echos)La fermeté et l’efficacité de l’action des autorités algériennes a fortement contribué au déplacement des activités d’Al Qaeda au Maghreb dans la bande du Sahel. Ce n’est pas un hasard siles deux katibat sont organisés autour d’un commandement algérien. Celles-ci ont cherché et trouvé un sanctuaire dans des pays dont les services de sécurité sont par nature moins efficaces. Donc à la fois pour des raisons géographiques et pour des raisonsliées aussi au désinvestissement de l’Etat du Mali dans le nord du pays à la suite des accords avec les Touaregs, Al Qaeda au Maghreb a su se occuper la région de Kidal. Le terrorisme urbain en Algérie et la tentative de fédérer les cellules d’Al Qaeda présents dans les pays du Maghreb se sont révélés un échec. La multiplication des actions menées au Sahel n’est-elle pas comparable à une stratégie de repli de la part de l’Emir Abdelmalek Droukdel ? Voire un aveu de faiblesse de ce mouvement ? (Afronline.org)Je le pense. C’est en tout cas l’analyse que font les autorités algériennes. La franchise du GSPC à Al Qaeda et sa transformation en Al Qaeda islamique au Maghreb était déjà un signe avant-coureur des revers subis par ces terroristes en Algérie. Ceci dit, il ne faut pas sous-estimer la stratégie de conquête dans le Sahel et au-delà, vers le Nigéria et le Sénégal. Maintenant que les risques soient réels c’est difficile à dire. En tout cas l’Union Européenne a décidé d’agir car mis à part l’AQMI, la régionest exposée à un cocktail de menaces explosif liés à l’acheminement vers l’Europe de la cocaïne en provenance de l’Amérique Latine, ainsi qu’à des trafics d’armes intenses qui arrivent de l’Afrique de l’Est. Il y aussi dans certains pays du Sahel une islamisation qui tend vers l’extrémisme. On l’a vu au Nigéria, on le voit un peu en Mauritanie et au Sénégal. Il y a une pauvreté endémique et au Mali une certaine fragilité des accords avec les Touaregs. Le fait que les pays européens paie des rançons ou contraints les Etats à des échanges n’encourage-t-il pas les terroristes ? (Les Echos)Indubitablement les rançons qui auraient pu être payées à la suite d’enlèvements sont un facteur important de financements. Ce sont des sommes considérables pour une région dont les gens sont très pauvres. Il n’est pas très cher de s’adjoindre la complicité ou le concours actif des habitants du Nord du Sahel. Ceci permet aux deux katibat de disposer de véhicules, de relais d’approvisionnement et d’une bonne connaissance du terrain. Aujourd’hui la grande difficulté est de bien analyser les relations entre les trafiquants, les katibat et les touaregs. Quels sont les moyens dont on dispose en terme de prévention pour contrecarrer l’AQMI ? (Afronline.org)Il y a du renseignement électronique avec des observations satellitaires, il y a aussi les capacités algériennes qui sont loin d’être négligeables, il y a l’effort bilatérale produis certains pays européens pour renforcer les moyens des pays du Sahel. Je pense à la France, l’Allemagne et l’Espagne au Mali, à l’Italie au Niger, au Danemark et à la Grande Bretagne qui vient d’ouvrir une ambassade à Bamako et qui à partir d’Alger envoie de plus en plus de diplomates et d’experts dans la région.Pensez-vous que des responsables politiques locaux sont ou peuvent être impliquées ou complices ? (Les Echos)Les différents accords qui ont été conclu dans la région, soit avec l’aide des algériens au Mali ou des libyens au Niger, tardent à être mis en œuvre. Ce retard crée du ressentiment, quià son tour constitue un facteur d’insécurité dans lequel s’engouffrent les Touaregs. Je n’ai pas d’informations spécifiques sur le rôle que peuvent jouer les autorités locales, mais la capacité des katibat de l’AQMI à évoluer dans cet environnement laisseà penser qu’il y a certainement des complicités, ou pour le moins des tolérances. J’en reviens donc au point central de ma réflexion, c’est-à-dire à la nécessité de promouvoir des capacités de développement alternatives pour réduire les tentations des populations locales de laisser se développer des filières criminelles. Quelles sont les marges financières dont dispose l’Union Européenne pour promouvoir ces capacités de développement alternatives lorsque l’on sait que pour faire face à la crise économique de nombreux pays européens procèdent à des coupes budgétaires très sévères dans les domaines de la coopération au développement et de la défense ? (Afronline.org)C’est exactement le message que je ne cesse de répéter aux différents responsables politiques de la région. Il y a tellement de sollicitations, tellement de défis à relever dans le monde que le Sahel n’est pas au sommet de l’agenda politique international de l’UE. Il le devient si des responsables politiques maliens, nigériens ou mauritaniens portent ce dossier à Bruxelles, le soutiennent suffisamment pour le pousser en haut de la liste des priorités de l’UE, tout en démontrant une volonté affichée de faire bouger les choses et de passer à l’action. Si au contraire il y a de la passivité, au moment des choix il y aura la tentation de mobiliser plus de ressources vers des pays ou des régions dans lesquels des efforts se traduisent dans des résultats plus convaincants. A Bruxelles Il y a une volonté réelle d’intensifier l’aide dans le Sahel, une
région proche de l’Union Européenne. C’est important pour les pays de la région et les intérêts européens qui y sont présents. A terme, on peut aussi s’interroger sur les liens entre l’AQMI et certaines cellules de support en Europe. Nous avons eu la difficile expérience du GIA dans les années 90, où il y avait des cellules logistiques qui au départ se limitait à collecter de l’argent ou à assurer des faux papier, pour ensuite devenir des cellules actives qui ont été à l’origine des attentats commis en France en 1995. Dans les services de renseignement européens on suit tout cela de très près car il en va aussi de la sécurité du territoire européen ainsi que des ressortissants UE présents dans les pays du Sahel. Certains pays européens avaient tout fait pour que le pouvoir de Ould Abdel Aziz, issu du putsch du 06 août 2008, se normalise rapidement parce qu’il pourrait constituer selon eux un rempart contre la déferlante islamiste. Ce prétexte peut-il justifier quelques entorses aux Accords de Cotonou qui régissent les rapports entre l’UE et les ACP ? (Le Calame)Non, l’Union Européenne a en la matière des procédures très strictes. Ce qui explique qu’il a fallu un certain pour reprendre le dialogue avec la Mauritanie et qu’il est sur le point de se renouer avec leNiger. Sur ce plan là, nous sommes très attentifs au respect des règles constitutionnelles, autant pour des raisons de principe et que pour des raisons de précédents. Nous ne pouvons pas accepter une approche flexible, simplement guidée par nos intérêts sécuritaires car nous pensons qu’à terme elle se retournera contre nous. Je soutiens très nettement que le dialogue de Cotonou n’est pas pollué par des purs intérêts économiques et sécuritaires. Quel va être l’impact du nouveau Service extérieur de l’Union Européenne sur l’action de l’UE dans la région ? (Afronline.org)Il n’y aura pas de changement radical, mais ce service va surement renforcer l’approche intégrée que j’ai mentionnée à plusieurs reprises dans cette interview. Nous avons là un cas d’écoleintéressant dans lequel il faudra insérer une coordination entre les efforts assurés au niveau intérieur de l’espace européen par les ministères de l’Intérieur et ceux extérieurs par les ministres des Affaires Etrangères.Comment s’inscrit votre actiondans les institutions européennes ? (Afronline.org)Ce poste a été crée en 2005 par l’ancien Haut Représentant pour la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) de l’Union Européenne et confirmée par le conseil européen. Je suis supposé contribuerà une meilleure intégration de toutes les politiques vouées à mieux prévenir et à mieux lutter contre le terrorisme. En d’autres termes veiller à ce que toutes les institutions européennes mettent en œuvre la stratégie contre le terrorisme adoptée en 2005. Je reste très à l’écoute des Etats Membres pour identifier leurs besoins et relayer leurs souhaits au sein des institutions. Les mondes que je côtois sont ceux du renseignement, de la police, de la justice pénale, des douanes, des diplomates. Ces mondesdoivent coopérer ensemble pour atteindre le même objectif. Ceci sur le plan interne. Sur celui externe, j’essaye de mobiliser les moyens communautaires pour renforcer les dispositifs de lutte contre le terrorisme dans un certain nombre de pays très exposés à ce phénomène. Depuis ma nomination, je suis parvenu à mobiliser des fonds européens et de l’expertise nationale sur des pays ou des régions comme le Pakistan, le Yemen, le Sahel, le Bangladesh, bientôt l’Afghanistan, la Somalie et l’Asie centrale. Je rencontre les autorités nationales de ces pays pour m’assurer qu’il y a une volonté politique, essayer de déterminer le type de besoins qu’ils requièrent et ensuite de mobiliser à Bruxelles les fonds européens et l’expertise nécessaires. Au bout du compte, je crée des ponts entre des mondes, entre l’UE et les Etats membres, en étant le visage de l’Union Européenne dans la lutte contre le terrorisme.
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