L évolution de l idée de supranationalité - article ; n°3 ; vol.21, pg 299-312
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L'évolution de l'idée de supranationalité - article ; n°3 ; vol.21, pg 299-312

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Description

Politique étrangère - Année 1956 - Volume 21 - Numéro 3 - Pages 299-312
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1956
Nombre de lectures 14
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Maroger
L'évolution de l'idée de supranationalité
In: Politique étrangère N°3 - 1956 - 21e année pp. 299-312.
Citer ce document / Cite this document :
Maroger Jean. L'évolution de l'idée de supranationalité. In: Politique étrangère N°3 - 1956 - 21e année pp. 299-312.
doi : 10.3406/polit.1956.6188
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1956_num_21_3_6188C'est avec une profonde émotion que nous avons appris la mort, survenue dans la nuit du
24 au 25 mai, de M. Jean Maroger.
J'avais eu l'occasion de m entretenir avec lui tout récemment encore, à plusieurs reprises,
des problèmes dont il traite dans le texte que nous publions, sans doute le dernier qu'il ait écrit.
C'est aussi sur « L'organisation économique et technique de l'Europe », sujet qui lui tenait
particulièrement à cœur, que Jean Maroger avait accepté de présenter un rapport à notre
prochaine conférence franco-allemande.
Avec lui disparaît un « honnête homme » au plein sens que nos pères donnaient à ce mot.
Justesse de l'esprit, générosité du cœur, absence de passion et d'ambition personnelle, mais
enthousiasme de jeune homme pour l'étude désintéressée des faits politiques et pour une action
constructive et réfléchie, tel était Jean Maroger. Avec lui le Centre d'études de politique
étrangère perd un ami qui lui faisait honneur. Jacques VERNANT.
L'ÉVOLUTION DE L'IDÉE DE SUPRANATIONALITÉ
Chacun a pu constater que, dans le communiqué consacré à l'Euratom
du Comité que préside M. Monnet, le mot « supranational » avait disparu.
On m'a dit, dans le même sens, que nos amis du Mouvement européen
avaient également pris comme consigne de ne plus parler de « supra
nationalité ».
Je ne sais si la chose a disparu avec le mot ; je ne sais par quoi on entend
remplacer la chose ; j'en conclus simplement que la question est posée :
la révision de la notion de supranationalité.
Rappelons donc l'objectif des partisans du « supranational ». Ils partent
de la constatation de Y inefficacité des organismes internationaux qui étu
dient des problèmes pour le compte commun et font des recommand
ations aux États : le type en est l'O. E. C. E.
Ils réclament la création d'organismes supranationaux auxquels les Etats
abandonnent une partie de leur souveraineté et qui l'exerceront à leur place,
d'abord dans des domaines précis — cas du marché commun du charbon
et de l'acier — puis peut-être dans des domaines plus généraux : politique
extérieure, marché commun généralisé, comme dans le cas de la Commun
auté politique.
Cette doctrine a pris corps et forme dans |la Communauté [européenne
du Charbon et de l'Acier.
Les pouvoirs abandonnés par les six pays ont été transférés à une Haute
Autorité, collège de neuf sages européens désignés par les six gouver
nements, Haute Autorité qui, dans les matières de sa compétence, a le
pouvoir et la responsabilité de prendre des décisions, applicables de plein
droit aux six États et à leurs ressortissants.
On sait que le traité s'est préoccupé de concilier les intérêts nationaux
avec les objectifs supranationaux assignés à la Haute Autorité. Et c'est JEAN MAROGER 300
ainsi qu'un Conseil des ministres nationaux a été institué, dont l'avis
préalable est requis pour les décisions tant soit peu importantes de la Haute
Autorité. Mais, sauf dans des cas très limités où la décision de la
Autorité doit être conforme à l'avis du Conseil des ministres, la Haute n'est pas liée par cet avis, donné à une majorité, suivant les cas,
qualifiée ou non. Ce qui veut dire que la Haute Autorité peut passer outre
à l'avis d'une minorité et même de la majorité des six gouvernements.
Enfin, la Haute Autorité fonctionne sous le contrôle d'une Assemblée,
actuellement désignée par les six Parlements. Mais, statutairement, ce
contrôle n'est qu'un contrôle a posteriori. Une fois l'an, au mois de mai, la
Haute Autorité soumet à l'approbation de l'Assemblée un rapport sur son
activité pendant l'année précédente. C'est-à-dire que l'Assemblée statue
sur des faits qui sont vieux de six à dix-huit mois, et sur des décisions qui
sont déjà entrées en application.
En outre, l'Assemblée a le droit, à une majorité qualifiée (deux tiers des
suffrages exprimés et majorité des membres composant l'Assemblée), de
démissionner la Haute Autorité. Et, en ce sens, elle est souveraine, et elle
est seule à avoir ce pouvoir : les gouvernements ne l'ont pas, même vis-à-vis
des membres de la Haute Autorité pris individuellement. Mais ce n'est pas
l'Assemblée qui désignera une nouvelle Haute Autorité. Ce sont les
gouvernements.
Tel est le mécanisme. Il fonctionne depuis plus de trois ans. Quelles
leçons peut-on tirer de cette expérience ?
Pour ma part, j'en tire d'abord deux enseignements.
Le premier — et j'y reviendrai plus en détail tout à l'heure — c'est qu'on
se leurre sur la réalité des pouvoirs d'une organisation supranationale.
On peut donner à une Haute Autorité, à une Assemblée, des pouvoirs de
souveraineté ; autre chose est de les avoir, autre chose est de les exercer.
Et on constate qu'un organisme, si largement doté de pouvoirs qu'il soit
dans ses statuts, devient extrêmement prudent pour les mettre en œuvre,
dès qu'il sent qu'il va entrer en conflit avec les réalités nationales. Je poserai
volontiers comme axiome qu'il n'y a pas de décisions internationales
valables, c'est-à-dire susceptibles de se réaliser dans les faits, autres que les
décisions d'unanimité ; plus exactement, car ce n'est pas tout à fait la même
chose, autres que les décisions mûrement élaborées par un organisme indé
pendant et qui sont finalement acceptées, avalisées, par tous les États de la
Communauté.
Le problème, selon moi, revient alors à déterminer l'organisation qui
permettra le mieux d'aboutir à ces solutions d'unanimité, c'est-à-dire qui de les dégager d'abord, de les faire accepter ensuite.
Si on pose ainsi le problème, on peut alors reconnaître que les Euro- SUPRANATIONALITÉ 301
péens ont raison quand ils considèrent qu'un Conseil des ministres natio
naux est congénitalement incapable de dégager de telles solutions : chaque
ministre arrive imbu des revendications de ses administrés, prisonnier du
point de vue national, et il lui est très difficile de transiger.
En outre, si on donne à un tel Conseil le pouvoir de statuer à la majorité,
c'est-à-dire d'imposer une solution en échappant au veto de tel ou tel
pays, les droits, les intérêts de la minorité ne sont nullement sauvegardés :
la Communauté est à la merci d'une coalition d'intérêts politiques ou
économiques.
Que ce Conseil des ministres s'entoure au préalable d'un collège d'experts
ne change rien, ou peu de chose, car, en dernière analyse, c'est le Conseil
qui devra prendre la décision.
Je considère qu'il est indispensable de confier à un organisme commun,
indépendant des gouvernements, échappant à la pression des intérêts
nationaux, la tâche de dégager pour des problèmes européens des solutions
européennes qui soient sages, raisonnables, mûrement réfléchies et préa
lablement discutées en commun.
Cet organisme doit être plus qu'un collège d'experts ou qu'un secré
tariat. Car finalement c'est lui qui, sous des conditions que nous verrons
tout à l'heure, aura à prendre la responsabilité des mesures étudiées et à
les traduire en actes.
A cet égard, l'expérience de la C. E. C. A. apporte un deuxième ense
ignement : c'est que la forme « Haute Autorité » — ce collège de neuf sages
mi-apatrides, mi-nationaux — est une forme satisfaisante, que son recru
tement est possible et son fonctionnement satisfaisant.
Je n'en connais pas la vie intérieure, mais elle reste discrète ; la Haute
Autor

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