L URSS après Brejnev : quelques hypothèses - article ; n°4 ; vol.47, pg 855-865
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L'URSS après Brejnev : quelques hypothèses - article ; n°4 ; vol.47, pg 855-865

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Description

Politique étrangère - Année 1982 - Volume 47 - Numéro 4 - Pages 855-865
11 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1982
Nombre de lectures 61
Langue Français

Extrait

Hélène Carrère d'Encausse
L'URSS après Brejnev : quelques hypothèses
In: Politique étrangère N°4 - 1982 - 47e année pp. 855-865.
Citer ce document / Cite this document :
Carrère d'Encausse Hélène. L'URSS après Brejnev : quelques hypothèses. In: Politique étrangère N°4 - 1982 - 47e année pp.
855-865.
doi : 10.3406/polit.1982.3261
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1982_num_47_4_3261POLITIQUE ÉTRANGÈRE / 855
L'URSS APRES BREJNEV : Hélène
CARRÈRE-D'ENCAUSSE QUELQUES HYPOTHÈSES
La disparition de la scène politique soviétique de Leonid Brejnev
doit-elle, et peut-elle, modifier de manière notable la politique
extérieure de l'URSS? L'idée que les périodes de transition
sont propices au changement est couramment admise dans le monde
occidental. A l'appui de cette idée, on invoque toujours le précédent
de la période post-stalinienne, marquée par la fin de la guerre froide,
et les démarches spectaculaires de l'URSS en Autriche, en Iran,
en Indochine. A l'inverse, les successeurs de Khrouchtchev, après
une période d'hésitations consacrée à évaluer son héritage, ont entre
pris dès 1968 de le consolider partout où il posait des problèmes :
dans l'Est européen, au Moyen-Orient, à Cuba. A y regarder de
près, la continuité l'a généralement emporté sur les ruptures radicales
et même là où la rupture semblait patente, telle la fin de la guerre
froide, les travaux d'un Marshall Schulman [1] témoignent que l'évo
lution était amorcée alors même que Staline vivait encore.
Brejnev disparu, est-il possible de discerner dans les situations exis
tantes et dans les positions prises par ses héritiers, des signes sug
gérant soit le changement, soit la continuité des conduites sovié
tiques ?
Si l'on s'en tient aux attitudes et aux intentions proclamées, l'hypo
thèse du changement s'impose tout d'abord. Ce changement, c'est le
nouveau secrétaire général du PCUS qui paraît l'incarner. Précédé
d'une réputation ambiguë — l'efficacité à la tête du KGB, mais
aussi le « libéralisme » — Youri Andropov se pose nettement en
champion d'un retour au dialogue avec le monde occidental et d'une
révision de certaines démarches guerrières soviétiques. Durant plu
sieurs mois, le directeur de l'Institut des Etats-Unis — G. Arbatov —
a sillonné le continent américain et propagé l'idée que l'invasion
de l'Afghanistan en 1979 avait été décidée en dépit des objections
de Youri Andropov.
* Professeur à l'Institut d'études politiques de Paris. 856 I POLITIQUE ÉTRANGÈRE
Cette réputation de « colombe » claironnée dans une quasi-campagne
pré-électorale à l'extérieur, Andropov l'a renforcée le 21 décemb
re 1982 en proposant une négociation sur la réduction des missiles
soviétiques de portée intermédiaire stationnés en Europe [2]. On ne
reviendra pas ici sur la signification de cette proposition répétée
et commentée à l'infini et dont les responsables européens de l'OTAN
ont analysé les limites. L'important est ailleurs, dans les directions
d'actions nouvelles qu'elle démontre. Continuité dans l'alternance
de l'usage de la carotte et du bâton, puisque cette proposition de
paix succède aux propos menaçants tenus par le général Ustinov
deux semaines plus tôt et ne les annule en rien. Continuité aussi
dans l'opposition suggérée entre deux clans : les « faucons » incarnés
par le maréchal Ustinov et les « colombes » dont Youri Andropov
serait le représentant. Le vieil antagonisme supposé entre « man
geurs d'acier » et consuméristes, entre partisans de la détente et mili
taires aventuristes, qui a jalonné l'histoire de la politique extérieure
soviétique depuis 1960, trouve là sa troisième incarnation.
A chaque fois, le secrétaire général du Parti, qu'il ait comme nom
Khrouchtchev, Brejnev ou Andropov, a systématiquement prétendu
représenter l'option de paix, la chance de dialogue ouverte au monde
occidental. S'il y a changement, celui-ci se situe moins dans cette
hypothétique apparition d'un vigoureux défenseur de la paix, que
dans l'intérêt porté dans la période récente par les décideurs sovié
tiques, aux mouvements pacifistes. Le discours de Youri Andro
pov — du moins tel qu'il est commenté — s'adresse moins aux
chefs d'Etat, prompts à en déceler les faux-semblants, qu'à ces frac
tions toujours plus larges de l'opinion publique américaine, all
emande, hollandaise, etc. que gagne de manière croissante l'idéologie
de la paix. C'est peut-être là que réside, sur le front des rapports
Est-Ouest, l'un des changements les plus remarquables des orien
tations soviétiques récentes.
Habitués depuis la fin des années 50 à accorder une priorité aux
gouvernements sur les opinions publiques, cherchant le dialogue avec
les gouvernements, et, plus ou moins, avec eux seuls, les dirigeants
de l'URSS ont durablement négligé les opinions publiques. La mobil
isation des foules, telle qu'elle se pratiquait à l'époque de la guerre
froide, avait depuis un quart de siècle cédé la place à des rela
tions interétatiques très classiques. Mais, au début des années 80,
l'URSS semble redécouvrir la vieille stratégie de l'appel aux sym
pathisants et inclure dans ses calculs politiques les mouvements de
masse, ici les pacifistes qui se multiplient.
Qu'un tel tournant des relations interétatiques aux relations inter
sociétés soit accompli par un homme qui fut durant quinze ans re
sponsable du KGB, n'est pas étonnant. Le KGB, organe d'information
privilégié sur le monde extérieur, tout autant que sur la vie interne L APRES-BREJNEV / 857
de l'URSS, a pu fournir à Youri Andropov des indications précieuses
sur l'état des opinions et sur leur désarroi, dès lors qu'une crise
économique grave remet en question toutes les certitudes antérieures
sur la stabilité et le progrès continu du monde occidental. Ici aussi,
rupture et continuité sont inséparables. Car, si pendant près d'un
quart de siècle — de la mort de Staline au milieu des années 70 —
les dirigeants soviétiques ont été convaincus de la capacité de vie
et de progrès du monde capitaliste, donc de l'intérêt qu'ils avaient
à organiser leur coexistence avec lui [3], la crise occidentale dont ils
prennent tardivement la mesure au milieu des années 70 les conduit
à réviser leurs idées sur la stabilité du capitalisme, à ajouter à l'option
de la cohabitation avec lui, l'alternative d'une déstabilisation, donc
d'une situation conflictuelle.
Le mode changé de relations internationales que l'on peut entrevoir
désormais — relations interétatiques fondées sur la stabilité, et util
isation des opinions déstabilisant les Etats ou les soumettant à des
pressions incontrôlables — rend compte de cet infléchissement des
conceptions soviétiques dans le domaine des rapports avec l'Oc
cident.
Si, dans les relations Est-Ouest, l'URSS adopte, comme elle l'a tou
jours fait, une attitude prudente, complexe, caractérisée par une
vision à long terme, il n'en est pas de même dans les situations
de crises qui existent à ses frontières, dans des zones dont Moscou
a continûment répété qu'elles se situaient hors du contexte des rela
tions internationales classiques. La constitution soviétique de 1977
ne laisse sur ce point place à aucune équivoque : le domaine du
socialisme est régi par des normes qui lui sont propres et qui transcen
dent la norme du champ international « inter-systèmes » [4]. Ici aussi,
il importe de noter qu'un changement explicite des conceptions a
précédé la disparition de Leonid Brejnev.
En mai 1955, la déclaration de Belgrade marquant la réconciliation
soviéto-yougoslave spécifiait nettement que les relations entre Etats
socialistes relevaient des normes classiques des interéta
tiques, et que leur fondement était la souve

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