La France et l Europe : le rêve ambigu ou la mesure du rang - article ; n°1 ; vol.51, pg 199-218
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Description

Politique étrangère - Année 1986 - Volume 51 - Numéro 1 - Pages 199-218
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 39
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Moreau Defarges
La France et l'Europe : le rêve ambigu ou la mesure du rang
In: Politique étrangère N°1 - 1986 - 51e année pp. 199-218.
Citer ce document / Cite this document :
Moreau Defarges. La France et l'Europe : le rêve ambigu ou la mesure du rang. In: Politique étrangère N°1 - 1986 - 51e année
pp. 199-218.
doi : 10.3406/polit.1986.3563
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1986_num_51_1_3563POLITIQUE ÉTRANGÈRE I 199
La France et l'Europe
Philippe MOREAU DEFARGES le rêve ambigu
ou la mesure du rang
"l y avait déjà longtemps qu'on pouvait regarder l'Europe chré
tienne (à la Russie près) comme une espèce de grande républi
que partagée en plusieurs Etats (...) tous ayant les mêmes I
principes de droit public et de politique, inconnus dans les autres
parties du monde ». Ce texte de Voltaire [1] définit l'idée française
de l'Europe. Pour l'homme des Lumières, seuls importent « le genre
humain », « l'Humanité », dont Frédéric de Prusse est l'allié [2] :
quant à la France, elle existe non par la diplomatie de Louis XV,
mais par son ironie, sa manière de vivre, ce rayonnement que lui
assurent ses philosophes. L'Europe est spontanément, naturellement
française.
Le rêve foudroyé
Or, cette Europe française, la France la détruit par l'aventure révolu
tionnaire et impériale, par l'ébranlement des nationalismes. Tandis
que, pour Talleyrand, les années précédant la Révolution réalisèrent
un bonheur exemplaire, Saint- Just est, lui, convaincu d'inventer enfin
le vrai bonheur ! La France gardienne d'un équilibre ou créatrice
d'un monde nouveau, instrument modérateur ou provocatrice plus ou
moins consciente ? Tel est encore, au milieu des années 80, le
dilemme de la diplomatie française face à l'Europe.
En 1815, la France est sauvée par ce qu'elle n'a cessé de contester
dans le quart de siècle qui s'achève : le concert européen, ressuscité
par le congrès de Vienne. De 1815 à 1870, la France apparaît bien
prisonnière du dilemme dans lequel sombre le Second Empire : le
congrès de Paris (25 février-8 avril 1856), qui clôt la guerre de
Crimée, fait de la France l'arbitre de l'Europe, la clef de voûte du
concert européen, mais Napoléon III ne rêve que de redessiner
l'Europe selon le principe des nationalités. Avec la défaite de 1870,
* Conseiller des Affaires étrangères, chargé de mission auprès du directeur de
l'IFRI, professeur à l'Institut d'études politiques de Paris. 200 I POLITIQUE ETRANGERE
la France cesse définitivement d'être la puissance inquiétante, redou
tée ; le rôle revient à l'Allemagne ! De 1870 à 1914, la France n'est
ni médiatrice, ni contestataire, mobilisée par la revanche. Le concert
européen se réduit, à l'aube du XXe siècle, au face-à-face d'une
Entente et d'une Alliance. Et la révolution s'éparpille en une bous
culade de revendications nationales.
La grande illusion de 1918 paraît enfin accomplir le rêve français,
celui de Voltaire, de la Révolution, de Napoléon III. A Versailles, la
France redessine les frontières, impose la démocratie, bref réinvente
l'Europe. Ainsi la France accomplit-elle, en 1919, la tâche qu'elle
devait mener à bien en 1815... si elle avait été victorieuse... et fidèle
au discours révolutionnaire ! Mais la France est atrocement blessée,
la question allemande se pose toujours, massive, obsédante [3].
C'est, selon l'expression de Stanley Hoffmann, l'ère « d'un triomphe
désastreux. Elle restait voisine d'une Allemagne à qui allait désormais
s'imposer l'impératif de la revanche ; elle devait donc être guidée par
l'impératif de la sécurité, qui dans un système révolutionnaire oblige
même l'Etat conservateur de l'ordre établi à se donner les moyens
d'intervenir partout contre toute tentative de subversion ou de destruc
tion » [4].
La France a-t-elle l'imagination et les moyens pour concevoir un
système européen, qui bénéficie d'un certain consensus, permet sa
réconciliation avec l'Allemagne, tout en la préservant ? C'est la
quadrature du cercle. En outre, l'unanimité d'août 1914 est bien
loin ; l'opinion se casse, dans les années 30, en plein désarroi face
aux défis extérieurs.
Tout au long de l'entre-deux-guerres et même encore sous l'Occupat
ion, trois voies sont explorées simultanément ou alternativement, et
toujours partiellement : la mise à l'écart, la forteresse, que symbolise
la ligne Maginot ; les alliances de revers, démarche dont la faillite
éclate au cours de l'été 1939 avec l'échec des négociations franco-
anglo-soviétiques et le pacte germano-soviétique ; enfin, la négociat
ion, le recours à des ersatz de concert européen.
De 1919 à 1939, la France, divisée, affaiblie, disposant d'alliances
chancelantes, n'osant rien sans l'Angleterre, cherche, dans ce con
cert, l'édification — toujours fuyante — d'une forme de stabilité,
d'ordre, de « l'insaisissable sécurité », selon l'expression de Jean-
Baptiste Duroselle [5]. A Locarno (5-16 octobre 1925), « la recon
naissance volontaire contractuelle du traité de Versailles » (Aristide
Briand) par l'Allemagne assure, semble-t-il, la renaissance « de la
raison et de la concertation des bonnes volontés » [6] ; bientôt Hitler,
considérant que le pacte franco-soviétique de 1935 viole les accords
de Locarno, les dénonce. A Stresa (11-14 avril 1935), le « sommet »
franco-anglo-italien, provoqué par Pierre Laval, ne constitue en fait LA FRANCE ET L'EUROPE I 201
qu'une tentative éphémère de « front » face à la menace allemande.
Enfin et surtout Munich (29-30 septembre 1938), ultime manifestat
ion du concert européen, n'en est plus qu'une caricature sinistre.
A la veille de la Seconde Guerre mondiale, l'Europe n'est plus qu'un
champ prêt pour la lutte à mort entre les démocraties libérales et les
fascismes, sous l'œil froid de Moscou. Qui, en France, saisit la
nature de l'enjeu ? « ... Nous n'envions pas le type d'homme que le
système prussien a imposé à l'Allemagne, qui s'efforce de l'imposer à
toute l'Europe... songez à ce que pourra représenter notre Europe de
l'Ouest, France et Angleterre intimement unies dans leur résolution
d'assurer l'indépendance de l'esprit... » [7], écrit, en 1939, celui qui
est regardé comme l'esprit le plus lucide de son époque, le penseur
consacré de la IIIe République, Paul Valéry.
Les débats des années 1940-1945, caricatures ou ébauches de l'avenir
Du point de vue de cette relation entre la France et l'Europe, les
années 1940-1945 apparaissent comme une transition capitale, le
point de passage entre les illusions de l'entre-deux-guerres et la
réinvention laborieuse, contradictoire d'une idée européenne.
Du côté de Vichy et de la collaboration, deux types de conceptions
s'opposent. Il y a, évidemment, l'attentisme officiel ou plus exacte
ment une apparence de réalisme, prétendant maintenir l'essentiel. Le
représentant majeur de cette approche demeure le « gnome » Pierre
Laval [8], qui ne croit qu'à la négociation, ne concevant pas « la
nécessité d'une lutte à mort au terme de laquelle les nations, héritières
de la même civilisation se retrouveraient fracassées, au seul bénéfice
du communisme » [9]. A cette prudence qui conduit tout de même
Laval à souhaiter la victoire de l'Allemagne « parce que, sans elle, le
bolchévisme, demain, s'installerait partout » (discours radiodiffusé du
22 juin 1942) [10], s'oppose la conception « révolutionnaire » de
certains collaborationnistes, dont l'expression la plus cohérente est
celle de Jacques Benoist-Méchin, secrétaire d'Etat chargé des rap
ports franco-allemands du 9 juin 1941 au 27 septembre 1942 : « ... la
France devait redevenir le soldat de l'Europe... il fallait conclure une
alliance militaire avec (l'Allemagne)... Not

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