La politique turque en 2008, Sahin Alpay - La politique turque en 2008
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Politiques méditerranéennes |La Turquie-Les Balkans
Lapolitiqueturqueen2008
r D SahinAlpay Chargédenseignementenpolitiqueturque UniversitédeBahcesehir Chroniqueurprincipal Zamanet amaZsydaTon, Istanbul
En Turquie, 2008 a été une année extraordinaire sur le plan politique – même à l’aune des normes locales – et ce principalement pour deux raisons. Tout d’abord, le procureur général du pays a demandé la fermetu-re du Parti de la justice et du développement (AKP), qui est au pouvoir depuis 2002 et a recueilli pas moins de 47 % des votes nationaux lors des élections par-lementaires de juillet 2007, pour avoir été au cœur d’activités de contre-sécularisation. À ce jour, la Cour constitutionnelle turque a fermé près d’une trentaine de partis politiques, mais jamais un parti au pouvoir. Si 2008 a également été une année extraordinaire, c’est parce que le pays a assisté, pour la première fois de son histoire, à l’incarcération et au procès de hauts gradés militaires en poste et à la retraite, accu-sés d’être membres d’une nébuleuse baptisée Ergenekon,une organisation centrale de groupes clandestins auxquels les procureurs publics d’Istanbul reprochent de vouloir renverser le gouvernement démocratiquement élu. Les événements ayant débouché sur l’affaire de la fermeture du parti au pouvoir qui, selon les termes de l’éditorial duFinancial Timesdu 28 juillet, a conduit le pays « au bord d’un désastre national », ont com-mencé au printemps 2007, lorsque le gouverne -ment de l’AKP a fait du ministre des affaires étran-gères Abdullah Gül son candidat à la présidence, les candidatures étant soumises au vote du Parlement. Une note électronique publiée sur le site Web du chef d’état-major le 27 avril, la nuit du premier tour du scru-tin parlementaire, fait état d’une vive opposition de l’armée à l’élection de Gül, essentiellement due au fait que sa femme porte le voile islamique, un sym-
bole d’opposition à la laïcité aux yeux des militaires. Le jour suivant, le principal parti de l’opposition, le Parti républicain du peuple (CHP) , a porté l’affaire devant la Cour constitutionnelle, alléguant que la pour-suite du scrutin exigeait un quorum de deux tiers des membres du Parlement dont l’AKP ne disposait pas. En totale violation des dispositions de la Cons-titution exigeant seulement un tiers de présence, la Cour constitutionnelle s’est prononcée en l’espace de quelques jours en faveur de la requête du CHP . Le gouvernement de l’AKP a réagi en organisant des élections anticipées en juillet. Celles-ci ont débou-ché sur une victoire écrasante de ce parti et Gül a été dûment élu président en août. Les élections nationales de juillet 2007 ont été pri-mordiales pour la politique turque, d’une part parce que l’AKP a augmenté son score électoral, de 34 à 47 %, lui donnant ainsi un blanc-seing pour diriger seul le pays, et d’autre part parce que le parti a pu recueillir la majorité des voix dans la région du sud-est à dominante kurde, théâtre d’une insurrection armée du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) depuis 1984. Les élections nationales de 2007 ont abouti à un autre résultat important : le Parti pour une société démocratique (DTP), considéré par beau-coup comme l’aile politique du PKK, est parvenu à devenir le premier parti pro-kurde représenté au Parlement, surmontant la barre des 10 % nécessai-re pour s’adjuger des sièges parlementaires grâce à des candidats sur des listes indépendantes. Début2008,personnenesattendaitàcequelego-u vernement de l’AKP profite de son avantage politique croissant pour honorer ses promesses électorales et poursuivre les réformes garantes d’une adhésion à l’UE, restées au point mort, notamment en raison de divergences entre Ankara et Bruxelles depuis le début des négociations d’adhésion fin 2005. Dans ce contex-te, les franges europhiles de la société en particulier tablaientsurlefaitquelegouvernementdelAKPsou-
mettrait au Parlement le projet de nouvelle constitu-tion préparé par un groupe d’experts libéraux deman-dé par le Premier ministre Erdogan et modifié par les organes du parti. La nouvelle constitution, la pre-mière adoptée par un Parlement élu, était censée rem-placer celle entérinée en 1982 par le régime militai-re, resté fortement autoritaire malgré la modification d’un tiers de ses dispositions par des réformes euro-péennes entre 2001 et 2004. Les principaux partis de l’opposition, tant le CHP que le Parti de l’action nationaliste (MHP), avaient néan-moins annoncé qu’ils n’appuieraient pas l’adoption duprojetdeconstitution.LesresponsablesdelAKP se sont rapidement rendu compte que le parti ne pou-vait pas non plus compter sur le soutien de l’ensemble de son groupe parlementaire. Le projet de constitu-tion a donc été mis en attente et le gouvernement a plutôt saisi l’opportunité offerte – ou il est tombé dans le piège tendu – par le MHP, ce dernier faisant part de sa volonté de soutenir les amendements consti-tutionnels visant à lever l’interdiction du port du voile pour les étudiants universitaires, point majeur de la controverse ayant longtemps opposé les élites de l’É-tat, dirigées par une armée privilégiant une forme de laïcité autoritaire, au gouvernement pro-musulman de lAKPetàlintelligentsiaàtendancelibérale.Lamende-ment constitutionnel a été adopté au Parlement en février par près de quatre cinquièmes des membres et tous les partis qui y siégeaient, à l’exception du CHP qui a immédiatement demandé à la Cour consti-tutionnelle d’abroger l’amendement invoquant une violation du principe de la laïcité. En mars, le procureur général a demandé la fermetu-re de l’AKP pour « activités contraires à la laïcité de l’État » en lançant un chef d’accusation très controver-sé justifié en partie par les amendements constitution-nels visant à lever l’interdiction du port du voile pour les étudiants universitaires. Il a par ailleurs demandé depriverpendantcinqans71responsablesdelAKP de tout mandat politique, dont le président Abdullah Gül et le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. En juin, la Cour constitutionnelle a abrogé les amen-dements levant l’interdiction du voile, une fois de plus en violation des dispositions constitutionnelles l’autorisant uniquement à modifier les amendements pour des questions de procédure et non de fond. Sa décision a été critiquée dans les sphères libérales, clamant que la juristocratie se substituait à la démo-cratie. Compte tenu de sa décision sur l’amendement relatif au port du voile, beaucoup s’attendaient à ce quelaCourmettefinauxactivitésdelAKP.Ellenest
toutefois pas parvenue en juillet à réunir la majorité qualifiée requise pour interdire le parti. L’AKP a évité la fermeture de justesse, six juges seulement se pro-nonçant pour, soit un de moins que le nombre requis pour la majorité qualifiée. Dix juges de la Cour ont néanmoins reconnu que l’AKP était en effet devenu le foyer d’activités contraires à la laïcité, cinq d’entre eux estimant par ailleurs que les violations n’étaient pas suffisamment graves pour justifier la fermeture du parti. Le vote par le seul membre de la Cour mili-taire de carrière contre cette fermeture a amené cer-tains à spéculer sur l’existence éventuelle d’un accord en coulisse entre le gouvernement et le général qui s’attendait à être désigné chef d’état-major en août. D’autres se sont perdus en conjectures, se deman-dant si l’affaire contre l’AKP n’était pas une réaction d’Ergenekon, visée par une enquête.
LAKPaévitélafermeturede justesse,sixjugesseulement  seprononçantpour,soitun  demoinsquelenombrerequis pourlamajoritéqualifiée
L’enquête judiciaire sur cette obscure organisation criminelle, qui s’est baptiséeErgenekonen raison d’une légende ultranationaliste, s’est élargie en 2008. Ergenekona commencé à faire parler d’elle lorsque la police a mis la main sur une cache d’armes dans un district d’Istanbul en juin 2007. Ce mois a mar-qué le début d’au moins 10 vagues d’arrestations concernant plus d’une centaine de personnes, parmi lesquelles des responsables politiques, des hommes d’affaires, des universitaires, des journalistes, des membres de la mafia, des membres actifs ou non de forces armées et de sécurité, dont la plupart ont été incarcérées. Le premier chef d’accusation retenu contreErgenekon, révélé en juillet, reprochait aux sus-pects d’avoir mis sur pied une organisation terroris-te visant à renverser le gouvernement élu en fomen-tant un coup d’État programmé en 2009. Divers assassinats politiques non élucidés, tels que le meurtre d’un juge du Conseil d’État en mai 2006 et du jour-naliste turco-arménien Hrant Dink en janvier 2007, sont soupçonnés d’avoir des ramifications avec Ergenekon. On s’attendait à ce que le procès dErge-nekon, ouvert en octobre, soit long et implique un grand nombre de suspects.
La nature même d’Ergenekonest au cœur d’un vaste débat public et d’une controverse. Certains cercles, dirigés essentiellement par Deniz Baykal, le leader du CHP, le principal parti de l’opposition, accusant le gouvernement de l’AKP de violer les principes de laïcité de la République, d’islamiser la société turque et de tenter d’instaurer un régime autoritai-re, affirment que l’affaireErgenekonrepose sur des preuves peu convaincantes et vise essentiellement àmuselertouteoppositionaurègnedelAKP.Dautres considèrent que l’affaireErgenekonest un test vital pour la démocratie turque étant donné qu’elle pro-met de révéler la face cachée de la politique turque, de traduire en justice les conspirateurs du coup d’État et de faire toute la lumière sur l’« État pro-fond », à savoir des gangs entretenant des liens avec des forces de sécurité et des services de rensei-gnements, responsables d’un grand nombre d’as -sassinats extrajudiciaires depuis les années 1990, en particulier contre des sympathisants du PKK. S’agissant de la question kurde, la réforme la plus significative a sans doute été le lancement officiel, le 1er janvier 2009, de la chaîne de télévision publique diffusant ses programmes en kurde, dans le sillage de l’adoption de la loi qui l’autorise et des prépara-tifs qui se sont étendus tout au long du second semestre 2008. La diffusion d’émissions en langue kurde par la chaîne TV – 6 revêtait au moins autant d’importance pour la Turquie que la fin officielle de la non-reconnaissance de l’identité ethnique de près d’un cinquième de sa population. Le 1er janvier 2009, d’autres chaînes de télévision publiques ont égale-ment commencé à diffuser des programmes sur les convictions religieuses des Alévis, un nouveau pas vers une reconnaissance officielle totale de la religion de la minorité musulmane la plus importan-te du pays, estimée elle aussi à un cinquième de la population.
Laréformelaplussignificative  asansdouteétélelancement officieldelachaînedetélévision publiquediffusantses programmesenkurde
Des combats sporadiques entre les forces de sécu-rité turques et le PKK se sont poursuivis tout au long de 2008. L’armée turque a mené une opération ter-
restre hivernale contre les bases du PKK dans le nord de l’Irak en février et la force aérienne turque a pilon-né les cibles du PKK dans les montagnes de Qandil.
Fidèleauxobjectifsdu gouvernementdelAKPen matièredepolitiqueétrangère, Ankaraacontinuéàœuvrer pouruneaméliorationdes relationsaveclespaysvoisinset pourlinstaurationdundialogue afindecontribueràlapaix
L’attaque la plus meurtrière perpétrée par les militants du PKK contre l’armée turque a eu lieu en octobre. Le quotidien libéralTaraf, lancé fin 2007, a publié plu-sieurs documents sur le gangErgenekonet sur les tentatives de l’armée de manipuler en douce les res-ponsables politiques. Le 5 octobre, des militants du PKK, en provenance de l’Irak, foulant le territoire turc ont attaqué un avant-poste militaire à proximité dupostefrontalierdAktutun;cetteattaquesestso-l dée par 15 morts et 21 blessés dans les rangs mili-taires.Tarafa publié des documents confidentiels révélant que l’attaque avait été déclenchée en dépit des renseignements obtenus sur sa préparation, et a soulevé pour la première fois dans l’histoire des médias turcs la question de savoir si l’armée faisait correctement son travail, ce qui lui a valu une levée de boucliers de la part du chef d’état-major et du gou-vernement. Fidèle aux objectifs du gouvernement de l’ AKP en matière de politique étrangère, Ankara a continué à œuvrer pour une amélioration des relations avec les pays voisins et pour l’instauration d’un dialogue avec l’ensemble des acteurs étatiques et non étatiques de la région, afin de contribuer à la paix. La guerre de l’Ossétie du Sud en août, opposant la Russie, le plus important partenaire commercial et fournisseur d’énergie de la Turquie, et la Géorgie, son proche allié, ont mis Ankara en mauvaise posture. Souhaitant réagir, la Turquie a lancé l’initiative d’une Plate-forme de coopération et de stabilité dans le Caucase répon-dant aux principes de l’Organisation pour la Coopéra-tion et la Sécurité en Europe (OSCE). En matière de politique étrangère, le développe-ment le plus significatif tient sans doute à la visite du président Abdullah Gül dans la capitale arménienne
d’Erevan afin d’assister avec son homologue armé-nien au match de la Coupe du Monde de football entre leurs deux équipes nationales. La «diplomatie du football» a contribué à renforcer les initiatives visant à nouer de relations diplomatiques entre les deux pays et à ouvrir les frontières que la Turquie avait mainte-nues fermées depuis 1993 en réaction à l’occupa-tion du territoire azerbaïdjanais par l’ Arménie. Dans un élan tout aussi important sur le plan de la politique étrangère, Ankara a intensifié le dialogue avec le gou-vernement régional kurde, ce qui semble avoir conso-lidé la coopération sécuritaire entre Ankara et les auto-rités kurdes irakiennes contre le PKK. Courant 2008, Ankara a facilité la normalisation des relations entre Israël et le Pakistan à travers la toute première rencontre des ministres des affaires étran-gères des deux pays à Istanbul en septembre. Elle a également continué à œuvrer pour des négociations indirectes entre Israël et la Syrie. Le Premier ministre Erdogan a déclaré qu’il s’était senti trahi par l’attaque de Gaza par Israël le 27 décembre 2007, quatre jours à peine après la visite à Ankara du Premier ministre Ehud Olmert, au cours de laquelle Israël et la Syrie ont été à deux doigts d’annoncer l’entame de négo-ciations directes en vue d’un traité de paix. Le 29 décembre, Ankara mettait un terme à son mandat de médiateur. L’économie turque a enregistré une croissance de 1,5 % en 2008, bien en dessous de la moyenne de 6,7 % entre 2003 et 2007. Au cours de cette pério-
de, les investissements directs étrangers à long terme en Turquie sont passés de 1,8 milliards à 21,7 mil-liards, pour un revenu par habitant de 3 400 à 9 300 dollars environ. Les exportations turques ont elles aussi augmenté entre 2003 et 2007, passant de 47 à 107 milliards, tandis que les importations ont explo-sé, de 69 à 170 milliards. Les entrées de fonds à court terme dans l’économie turque, totalisant 8,2 milliards en 2002, ont atteint 107 milliards en 2008, permettant ainsi de couvrir le déficit courant annuel, à la hausse, passant de 1,5 milliard à 47 milliards au cours de la même période. La crise économique mondiale a également touché la Turquie au cours du dernier trimestre de 2008, se traduisant par une chute vertigineuse des fonds à court terme à 59,5 milliards en octobre et un effon-drement des cours de 58 000 points en octobre 2007 à 22 000 points environ. Le taux de chômage est de 12 % dans les zones urbaines et quelque 3 millions de personnes étaient officiellement sans emploi en fin d’année. Les analystes prédisent par ailleurs un taux de croissance négatif pour 2009. L’événement politique majeur de 2009 sera la tenue d’élections locales en mars. À ce jour, les sondages indiquent qu’elles pourraient permettre à l’ AKP au pouvoir de remporter autant de votes nationaux que lors des élections nationales de l’été 2007. Les élec-tions locales devraient s’apparenter à une forme de référendum sur le règne de l’ AKP suite à l’affaire de fermeture à son encontre en 2008.
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