La reconstruction de l Afghanistan aura-t-elle lieu ? - article ; n°3 ; vol.69, pg 611-624
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Description

Politique étrangère - Année 2004 - Volume 69 - Numéro 3 - Pages 611-624
Après l'opération américaine en Afghanistan, à l'automne 2001, l'accord de Bonn du 5 décembre a fixé les étapes du processus de paix, sous l'égide de l'ONU. Celle-ci exerce un rôle d'encadrement et de soutien h la reconstruction du pays, tout en laissant une coalition d'États gérer le volet sécuritaire. Ce processus a donné lieu à un phénomène d'afghanisation de la démocratie qui rend tout relatif le succès de l'aide internationale. Le président Karzaï a posé les bases d'un régime néo-monarchique, dont la nouvelle armée nationale, formée par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, est l'instrument privilégié. Mais cette stratégie centralisatrice suscite de nombreuses résistances parmi l'élite afghane issue de la guerre et du djihad. Pour réussir, le président Karzaï devra à la fois se doter d'un appareil d'État efficace et légitime et, surtout, élargir ses soutiens politiques en montrant sa capacité à redistribuer les ressources de l'État, en particulier les subsides internationaux.
Will the Rebuilding of Afghanistan Ever Materialize by Laurent GAYER and Alexandra NOVOSSELOFF The attacks of 09/11 have re-internationalized the Afghan crisis These ter rorist attacks have led the U.S government and its allies to launch military operation in Afghanistan which aimed at toppling the Talihan government and at destroying the terrorist infrastructures set up by Ossama bin Laden Meanwhile the international community has committed itself to rebuil ding the Afghan polity and economy which lie in shambles after 25 years of war Its intervention has met mitigated success The financial and military contribution of international donors to the reconstruction of Afghanistan has been insufficient and no properly coordinated However President Karzai has been using the Bonn process and the new Afghan National Army trai ned by the U.S. Great Britain and France to assert his authority over his fragmented and turbulent society He is no longer the Mayor of Kabul and he might become the new Emir of Afghanistan reinventing political tradi tion that he inherited from the founding fathers of the Afghan kingdom
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 2004
Nombre de lectures 174
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Gayer
Novosseloff
La reconstruction de l'Afghanistan aura-t-elle lieu ?
In: Politique étrangère N°3 - 2004 - 69e année pp. 611-624.
Citer ce document / Cite this document :
Gayer, Novosseloff. La reconstruction de l'Afghanistan aura-t-elle lieu ?. In: Politique étrangère N°3 - 2004 - 69e année pp. 611-
624.
doi : 10.3406/polit.2004.1553
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_2004_num_69_3_1553Résumé
Après l'opération américaine en Afghanistan, à l'automne 2001, l'accord de Bonn du 5 décembre a fixé
les étapes du processus de paix, sous l'égide de l'ONU. Celle-ci exerce un rôle d'encadrement et de
soutien h la reconstruction du pays, tout en laissant une coalition d'États gérer le volet sécuritaire. Ce
processus a donné lieu à un phénomène d'afghanisation de la démocratie qui rend tout relatif le succès
de l'aide internationale. Le président Karzaï a posé les bases d'un régime néo-monarchique, dont la
nouvelle armée nationale, formée par les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, est l'instrument
privilégié. Mais cette stratégie centralisatrice suscite de nombreuses résistances parmi l'élite afghane
issue de la guerre et du djihad. Pour réussir, le président Karzaï devra à la fois se doter d'un appareil
d'État efficace et légitime et, surtout, élargir ses soutiens politiques en montrant sa capacité à
redistribuer les ressources de l'État, en particulier les subsides internationaux.
Abstract
Will the Rebuilding of Afghanistan Ever Materialize by Laurent GAYER and Alexandra NOVOSSELOFF
The attacks of 09/11 have re-internationalized the Afghan crisis These ter rorist attacks have led the U.S
government and its allies to launch military operation in Afghanistan which aimed at toppling the Talihan and at destroying the terrorist infrastructures set up by Ossama bin Laden Meanwhile the
international community has committed itself to rebuil ding the Afghan polity and economy which lie in
shambles after 25 years of war Its intervention has met mitigated success The financial and military
contribution of international donors to the reconstruction of Afghanistan has been insufficient and no
properly coordinated However President Karzai has been using the Bonn process and the new Afghan
National Army trai ned by the U.S. Great Britain and France to assert his authority over his fragmented
and turbulent society He is no longer the Mayor of Kabul and he might become the new Emir of
Afghanistan reinventing political tradi tion that he inherited from the founding fathers of the Afghan
kingdom.
POLITIQUE ÉTRANGÈRE 3/2004
^Awr_^ La reconstruction
Laurent GAYER . ,,Ar . . -
de ' Afghanistan
et Alexandra NOVOSSELOFF
aura-t-elle lieu ?
Après l'opération américaine en Afghanistan, à l'automne 2001, l'accord de
Bonn du 5 décembre a fixé les étapes du processus de paix, sous l'égide de l'ONU.
Celle-ci exerce un rôle d'encadrement et de soutien h la reconstruction du pays,
tout en laissant une coalition d'États gérer le volet sécuritaire. Ce processus a
donné lieu à un phénomène d'afghanisation de la démocratie qui rend tout
relatif le succès de l'aide internationale. Le président Karzaï a posé les bases
d'un régime né o -monarchique, dont la nouvelle armée nationale, formée par les
États-Unis, la France et le Royaume-Uni, est l'instrument privilégié. Mais
cette stratégie centralisatrice suscite de nombreuses résistances parmi l'élite
afghane issue de la guerre et du djihad. Pour réussir, le président Karzaï devra à
la fois se doter d'un appareil d'État efficace et légitime et, surtout, élargir ses
soutiens politiques en montrant sa capacité à redistribuer les ressources de
l'État, en particulier les subsides internationaux.
Politique étrangère
Les attentats du 11 septembre 2001 sont venus ré-internationali-
ser la crise afghane1. Le fait que le gouvernement des Talibans2
abritait une partie des membres du réseau Al-Qaida, dont leur
chef, a servi aux Américains à justifier une série de bombardements
(l'opération Enduring Freedom) destinés à renverser le régime et à
décapiter le réseau terroriste. Sur le terrain, cette opération s'est trou
vée sous-traitée aux moudjahidin de l'Alliance du Nord, dont le chef,
Laurent Gayer est docteur en science politique de l'Institut d'études politiques (IEP) de Paris et enseigne à
l'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO).
Alexandra Novosseloff est docteur en science politique de l'Université Paris II.
1 Ce processus de ré-internationalisation de la crise afghane avait en fait repris dans la seconde moitié des
années 1990, comme le montre J. Goodhand, « Aiding violence or building peace? The role of international
aid in Afghanistan », in S. Barakat (dir.), Reconstructing War-Torn Societies: Afghanistan, Basingstoke,
Palgrave Macmillan, 2004, p. 45.
2. Sur les Talibans, voir P. Centlivres, « Tribus, ethnies et nation en Afghanistan », in H. Dawod (dir.), Tribus
et pouvoirs en terre d'Islam, Paris, Armand Colin, 2004, p. 127-132. 612 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
le commandant Mohammed Shah Massoud, avait été assassiné par le
même réseau quelques jours avant les attaques de septembre.
L'Alliance du Nord a pris le pouvoir à Kaboul en novembre 2001. Un
processus de reconstruction politique s'est alors engagé, réunissant,
sous l'égide de l'Organisation des Nations unies (ONU), toutes les
composantes ethniques afghanes. L'accord de Bonn du 5 décembre
2001 régit depuis les différentes étapes du processus de paix et les
mandats des présences internationales, civiles comme militaires.
À l'approche de l'élection présidentielle de l'automne 20043, l'Afgha
nistan et le processus de paix encadré par la « communauté inter
nationale » depuis l'accord de Bonn se trouvent à la croisée des
chemins face à la persistance de l'insécurité, du trafic de drogue, des
rivalités politiques et des incertitudes de la reconstruction écono
mique. Il ne s'agit plus seulement de mesurer les avancées du process
us, mais de s'interroger sur ses moyens et sur leur efficacité. Ces
interrogations renvoient plus fondamentalement à la pertinence de
l'action de la « communauté internationale » dans un État en voie de
reformation. Une pertinence qui ne peut être évaluée qu'en fonction
du niveau d'« afghanisation » du processus de reconstruction, c'est-à-
dire de son degré d'appropriation par les Afghans. La méthode
appliquée par la « communauté internationale » a-t-elle permis la
promotion de solutions internes avec le soutien international ?
Quelles pourraient être alors les conséquences de ce processus d'ap
propriation à moyen terme ? L'Afghanistan est-il réellement
confronté au dilemme de « la démocratie ou le chaos », si fréquem
ment invoqué ? Le processus de reformation de l'État n'est-il pas
voué à s'opérer dans la conflictualité et, au moins partiellement, à tra
vers des pratiques clientélistes dérogeant aux règles normatives du jeu
démocratique autant qu'aux exigences de transparence des bailleurs
de fonds ?
L'ONU dans la reconstruction politique afghane
L'ONU ne s'est jamais désintéressée de l'Afghanistan depuis plus
d'une vingtaine d'années, malgré le manque de moyens accordés à sa
3. L'élection présidentielle se tiendra le 9 octobre 2004 et les élections législatives en avril 2005. ,
LA RECONSTRUCTION DE L'AFGHANISTAN AURA-T-ELLE LIEU ? / 613
mission4. En 1999, Lakhdar Brahimi a d'ailleurs démissionné de son
poste d'envoyé spécial pour protester contre cet état de fait5. Au le
ndemain du 1 1 septembre, sa bonne connaissance du pays lui a valu de
mettre au point une stratégie de sortie de crise pour un État défaillant
sortant de 22 années de guerre.
Le 13 novembre 2001, après de multiples consultations, Lakhdar
Brahimi présente au Conseil de sécurité un plan fondé sur trois
constats6 :
- PONU ne peut conduire avec succès une action sur le terrain (opé
ration de maintien de la paix ou autre) sans avoir été impliquée dans
l'élaboration d'un cessez-le-feu ou d'un accord

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