La spécificité tunisienne en question - article ; n°2 ; vol.60, pg 389-402
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Politique étrangère - Année 1995 - Volume 60 - Numéro 2 - Pages 389-402
What Makes Tunisia Different ?, by Nicole Grimaud
Since 1988, Algeria has foundered in an atypical crisis which has been exacerbated by the numerous manipulations of a divided power. Tunisia on the other hand has dealt in a much more thoughtful and original manner with the Islamist threat, present since the time of President Bourguiba. Since 1989 it has managed to develop and experiment with a comprehensive approach that combats Islamism by attacking its underlying causes. A close neighbour of Algeria, Tunisia cannot avoid but be affected by the crisis but its chosen policy should limit most repercussions.
Depuis 1988, l'Algérie se débat dans une crise tout à fait atypique qu'un pouvoir divisé a aggravée par ses nombreuses manipulations. La Tunisie a géré de façon infiniment plus réfléchie une menace islamiste déjà présente à la fin de la présidence Bourguiba. Son originalité, depuis 1989, est d'avoir élaboré et expérimenté une formule globale susceptible de faire régresser l'islamisme en s'attaquant à ses causes profondes. Proche voisine de Algérie, elle ne peut éviter certaines incursions sur son territoire, mais la politique suivie lui confère une relative immunité qui devrait limiter les effets de contagion.
14 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1995
Nombre de lectures 49
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Grimaud
La spécificité tunisienne en question
In: Politique étrangère N°2 - 1995 - 60e année pp. 389-402.
Abstract
What Makes Tunisia Different ?, by Nicole Grimaud
Since 1988, Algeria has foundered in an atypical crisis which has been exacerbated by the numerous manipulations of a divided
power. Tunisia on the other hand has dealt in a much more thoughtful and original manner with the Islamist threat, present since
the time of President Bourguiba. Since 1989 it has managed to develop and experiment with a comprehensive approach that
combats Islamism by attacking its underlying causes. A close neighbour of Algeria, Tunisia cannot avoid but be affected by the
crisis but its chosen policy should limit most repercussions.
Résumé
Depuis 1988, l'Algérie se débat dans une crise tout à fait atypique qu'un pouvoir divisé a aggravée par ses nombreuses
manipulations. La Tunisie a géré de façon infiniment plus réfléchie une menace islamiste déjà présente à la fin de la présidence
Bourguiba. Son originalité, depuis 1989, est d'avoir élaboré et expérimenté une formule globale susceptible de faire régresser
l'islamisme en s'attaquant à ses causes profondes. Proche voisine de Algérie, elle ne peut éviter certaines incursions sur son
territoire, mais la politique suivie lui confère une relative immunité qui devrait limiter les effets de contagion.
Citer ce document / Cite this document :
Grimaud. La spécificité tunisienne en question. In: Politique étrangère N°2 - 1995 - 60e année pp. 389-402.
doi : 10.3406/polit.1995.4417
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1995_num_60_2_4417POLITIQUE ÉTRANGÈRE / 389
Nicole GRIMAUD * La spécificité tunisienne
en question
Que deviendrait la Tunisie si cette Algérie indépendante était dominée par
des extrémistes et non par des nationalistes modérés ? ». En ce début de
1995, la situation périlleuse de l'Etat algérien et l'attaque du petit poste
frontière de Tamerza, le 1 1 février, revendiquée par un Groupe islamique armé
(GIA) donnent un regain d'actualité à l'inquiétude qu'en février 1958, Habib
Bourguiba confiait à Georges Gorse, alors ambassadeur de France à Tunis [1].
En effet, pour la Tunisie, dont toute la stratégie est de contenir fermement ses
propres opposants islamistes, la montée du phénomène à travers le Moyen-
Orient, et tout particulièrement chez sa voisine de l'ouest, aggrave un défi déjà
bien présent. Aussitôt, se profile l'hypothèse d'un possible effet de domino, ou
de tâche d'huile plus insidieuse. A l'examen, on ne peut privilégier l'idée d'inci
dences à sens unique. Dans un contexte de proximité aussi marqué, des rappro
chements s'imposent entre des évolutions similaires parfois décalées dans le
temps ; mais comment mesurer de réelles interférences ? Les cerner au plus près
dans leurs dimensions interne, régionale et internationale fournit un angle d'ap
proche inédit, susceptible d'éclairer une réalité parfois confuse.
Une sécurité extérieure compromise ?
Petit pays qui, au fil des découvertes pétrolières, s'est révélé infiniment moins
bien doté que ses deux grands voisins de l'ouest et de l'est, la Tunisie s'est tou
jours trouvée contrainte de penser sa sécurité d'abord en termes de relations de
proximité.
Tel était déjà le cas quand, au moment de la colonisation, elle apparaît coincée
entre l'Algérie occupée par la France, en 1830, et la Province tripolitaine reprise
en mains par les Ottomans, en 1835. On sait ce qu'il advint et comment la
France, en 1881-1883, presque subrepticement, sous prétexte de réformes
modernisatrices, étendit son protectorat sur la Tunisie.
Plus près de nous, la lutte de libération de l'Algérie a soumis à rude épreuve la
toute neuve indépendance tunisienne. L'enjeu était double : éviter de se laisser
entraîner contre son gré dans une guerre avec la France et entraver la collusion
de l'Armée de libération nationale (ALN) algérienne avec les partisans de Salah
Ben Youssef, rival malheureux mais très actif d'Habib Bourguiba. Ces préoc
cupations sont liées, car partageant le point de vue de Nasser, en faveur d'un
* Centre d'études et de recherches internationales, Fondation nationale des sciences politiques, Paris. 390 / POLITIQUE ÉTRANGÈRE
embrasement général du Maghreb pour hâter le dégagement de l'Algérie, Salah
Ben Youssef s'offrait comme allié aux nationalistes algériens. Très sensible à ce
danger, Habib Bourguiba assortira donc de conditions et contrôles l'assistance
accordée à l'ALN implantée sur son sol. Malgré le sentiment de solidarité fra
ternelle animant le peuple tunisien, une aussi longue cohabitation forcée ne pouv
ait échapper à des périodes de tension conflictuelle, les Algériens avouant
qu'alors ils ne pouvaient s'empêcher d'être « un tantinet yousséjistes »... [2].
Malgré la célébration symbolique de l'incident de Sakiet Sidi Youssef 1 (sans
équivalent du côté marocain), il est demeuré un malaise de part et d'autre. Cette
contribution des Tunisiens à la guerre d'Algérie s'inscrit dans la mémoire natio
nale assortie d'une connotation mitigée. Traités de façon souvent cavalière par
des hôtes imbus du caractère épique de leur révolution, les Tunisiens regrettent
surtout le peu de reconnaissance que leur a valu leur hospitalité. Les lendemains
de l'indépendance algérienne ont été marqués par une vingtaine d'années de rela
tions teintées de méfiance, Ben Bella puis Boumediene appréciant peu l'orienta
tion pro-occidentale de Bourguiba. La dernière séquelle en est le coup de Gafsa,
en janvier 1980, où des « boumediénistes » sont impliqués dans une entreprise
de déstabilisation montée par Kadhafi. Mais c'est aussi un point final. L'ère
Chadli est l'occasion d'un nouveau départ. Le véritable rapprochement survient
en 1983, prolongé par le geste du chef d'Etat algérien, rassurant, à sa demande,
Bourguiba malade en 1984, jusqu'à devenir un quasi-allié de la Tunisie contre la
Libye. Lors de la crise de l'été 1985, l'Armée nationale populaire (ANP) a prêté
main forte à Tunis 2. La menace libyenne est aujourd'hui considérée à son plus
bas niveau, par contre, de force protectrice, l'Algérie est devenue une cause de
perturbation.
Aussi, chaque dégradation de la situation en Algérie a-t-elle été ponctuée de
commentaires, émis de l'extérieur (Jeune Afrique, Le Monde, Le Figaro) et ras
surants sur « la modernisation de l'appareil de sécurité et l'élaboration de plans
de crise constamment actualisés » [3]. La presse tunisienne, elle, restait discrète
sur le sujet, ce qui n'exclut pas que la préoccupation soit bien présente. Comme
l'avoue un editorial en arabe de Réalités, à la fin août : « l'évolution de la situa
tion en Algérie ne nous préoccupe plus, elle nous hante... » [4]. Si cette tension a
eu un effet positif , c'est bien d'avoir poussé les deux gouvernements à faire enfin
aboutir la délimitation matérielle de leur territoire respectif. Sur une frontière de
1 200 km, seule la fraction méridionale descendant de Bir Romane jusqu'à la
Libye, en milieu désertique, avait été définie et matérialisée, en 1968-1970, pour
les besoins de l'exploitation du gisement pétrolier d'El Borma, situé à cheval.
Restaient les 728 km, de Bir Romane à la Méditerranée, dont le tracé avait été
avalisé dans la foulée du Traité de coopération et de fraternité de mars 1983.
Pourtant, la question n'était réglée que sur le papier, la Commission technique
mixte ayant buté sur environ 70 points de contestation, au moment de rentrer
dans le concret, souvenirs historiques et implantations humaines compliquant la
tâche des experts. Après de multiples ajournements, l'urgence faisant loi, un der-
1. En février 1958, l'armée française bombarde un village tunisien situé sur la frontière qui a servi
de base de repli à algérienne

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