Le « contre-feu » vietnamien - article ; n°2 ; vol.18, pg 113-132
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Description

Politique étrangère - Année 1953 - Volume 18 - Numéro 2 - Pages 113-132
20 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1953
Nombre de lectures 24
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Jean Lacouture
Le « contre-feu » vietnamien
In: Politique étrangère N°2-3 - 1953 - 18e année pp. 113-132.
Citer ce document / Cite this document :
Lacouture Jean. Le « contre-feu » vietnamien. In: Politique étrangère N°2-3 - 1953 - 18e année pp. 113-132.
doi : 10.3406/polit.1953.2653
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342X_1953_num_18_2_2653" CONTRE-FEU " VIETNAMIEN LE
Jamais peut-être, fût-ce aux jours les plus sombres qui ont suivi l'aban
don de Cao-Bang et de Lang-Son, la politique française en Indochine n'a
provoqué tant d'angoisses et de critiques. Jamais l'opinion française n'a été
plus sensible aux fautes commises, plus consciente de l'immensité des sacri
fices consentis, plus perplexe quant à la signification et à la justification d'un
combat dont la cruauté lui paraît mal tolerable et le prix démesuré.
C'est la foudroyante campagne du Vietminh au Laos qui était l'occasion
immédiate de ces alarmes. Si elle ne suffisait pas à alerter l'opinion, le grelot
soudain attaché par le roi du Cambodge aurait justifié bien plus qu'une
émotion de circonstance ou des commentaires surpris, car elle manifestait
qu'il ne suffit pas de se battre dans le même camp pour voir se confondre les
aspirations, les intérêts, les conceptions aussi, et que l'excès même de soins
peut menacer ou tuer l'amitié.
L'actualité nous crie : Laos et Cambodge, mais les problèmes vietna
miens sont si parents de ceux qui se posent, aujourd'hui, dans les deux
royaumes de l'Ouest, ils sont si exemplaires et se développent sur une
échelle tellement plus vaste [qu'ils feront l'objet de notre étude et pourront
servir de contribution à l'intelligence des crises laotienne et khmère.
On objectera aussi que le « Blitzkrieg » du Vietminh, de Sam-Neua à
Luang-Prabang,n'a guère de rapport avec le corps-à-corps'dans la boue qui
nous retient, depuis sept ans, dans ce « ring » étroit qu'est le delta du Tonkin.
Je crois pourtant que les développements différents de ces deux situations
relèvent de données communes et d'une conception globale projetée diff
éremment sur ces deux théâtres d'opération.
Stratégie de la guerre révolutionnaire.
En abordant la question militaire, il serait opportun de résumer les
principes de la stratégie de l'adversaire, -car ils dominent à tel point la 114 JEAN LACOUTURE
guerre qu'on ne saurait tenter de comprendre celle-ci sans les énumérer.
Il y a trois principes majeurs de la stratégie du Vietminh. Tous les trois sont
également puisés dans cet extraordinaire bréviaire du chef de guerre asia
tique et communiste qu'est La Stratégie de la guerre révolutionnaire en
Chine, publié par Mao Tsé Toung en 1 936, après quinze ans d'étude des
textes de Lénine et des vieux stratèges chinois, tels que Sun Tzé, et après une
dizaine d'années d'expériences impitoyables sur le terrain chinois.
Le premier principe est exprimé par le traducteur de Mao Tsé Toung sous
cette forme aimable : « L'armée est, dans la population, comme le poisson
dans la mer. » De cette idée, de cette phrase découlent tout le travail poli
tique, les règles de comportement à l'égard de la population et l'organisa
tion du recrutement permanent des combattants au sein même du milieu où
ils vivent. Le second principe est approximativement celui-ci : « Qui tient
les campagnes n'a pas besoin de s'attaquer aux villes, elles tombent d'elles-
mêmes quand la campagne est mûre... » Mûre, même « pourrie », pourrait-on
dire pour employer le langage actuel... D'où cette constatation : jusqu'à
Luang-Prabang, qui n'a d'ailleurs pas été attaqué directement, jamais le
Vietminh, qui a pourtant connu des périodes de réelle supériorité opérationn
elle, ne s'en est pris à des agglomérations importantes. Le jour où des
centres importants seront pris à partie, c'est que l'adversaire se jugera
entré dans la « troisième phase » de la guerre, celle de la contre-offensive
générale (1).
Le troisième principe est le suivant : « Les deux poings ont une égale
importance dans la lutte. » II ne- faut pas avoir le fanatisme ou l'obsession de
la guérilla, mais penser aussi au «corps de bataille». Mao Tsé Toung a consa
cré de nombreuses pages, très ironiques, au « guérillaïsme », à la manie de la
guérilla qu'avaient certains chefs révolutionnaires. Il estimait que c'était
une thèse ruineuse. D'où la création obstinée, depuis trois ans environ,
par l'état-major vietminh, et en partie sous l'impulsion de Giap, de ces
grandes unités, division 308 et autres, que l'on rencontre dans des com
muniqués. La création de ces unités avait paru à l'observateur militaire
français, ignorant des textes communistes chinois, comme des erreurs
(je l'ai, pour ma part, écrit). Cela paraissait être, de la part de Giap et du
commandant vietminh, des « péchés d'orgueil ». On avait l'impression qu'il
voulait opposer de grandes unités à celles de de Lattre, qu'il voulait se don
ner l'apparence d'un grand stratège. En fait, il s'agit bien là d'une vraie
doctrine de guerre qui s'est, aujourd'hui, surtout par la campagne du
(1) Sans doute, le Vietminh s'en est pris à Nam-Dinh, agglomération de 70 000 habitants, grou
pement urbain cotonnier, et le fait de s'attaquer, même par un simple raid, à une grande ville,
indique que chez l'adversaire l'audace a crû en proportion de ses moyens. LE CONTRE-FEU-VIETNAMIEN 115
Laos, admirablement vérifiée et dont la justesse paraît incontestable.
Ayant énuméré ainsi les idées fondamentales et constantes de l'adver
saire, je mentionnerai brièvement les forces en présence.
Les forces en présence.
Les forces de l'Union française se composent, en Indochine, d'environ
60 000 à 65 000 métropolitains, de 40 000 Nord-Africains, 30 000 noirs,
1 5 000 légionnaires, 1 60 000 autochtones engagés dans le corps expéditionn
aire, plus les trois armées nationales du Vietnam, 140 000 à 150 000
hommes, du Cambodge, une vingtaine de mille, et du Laos, une quinzaine
de milliers d'hommes. En y ajoutant les unités de marine et d'aviation enga
gées, on arrive à un total de 500 000 combattants. Je crois que le Chiffre n'a
jamais été fourni, mais le général Salan m'a donné exactement celui de
509000.
De son côté, le Vietminh dispose d'environ 1 50 000 hommes de troupes
régulières, groupés en 6 divisions d'infanterie et une division lourde, et en
régiments autonomes ; d'autre part, de plus de 100 000 combattants de
troupes « régionales », ou provinciales, à peu près aussi bien équipées, mais
liées à un secteur donné et vivant le plus possible de la vie des habitants ;
enfin, d'une masse absolument innombrable, au sens précis du mot, de
troupes « populaires », appelées aussi les « du kich » (1), qui sont des espèces
de F. F. I., de guérilleros de villages, jouant à la fois le rôle d'informateurs,
de cadres politiques, de policiers aussi et, le plus souvent, de combattants.
Apparemment, le rapport des forces penche donc en faveur du général
Navarre et non de son adversaire, le général Vo Nguyen Giap, commandant
en chef des forces du Vietminh. Et cependant c'est ce dernier qui a, incon
testablement, l'initiative militaire, qui impose sa stratégie, le rythme des
combats, le terrain de manœuvre et fait, pourrait-on dire, « sa » guerre.
Pourquoi ?
La première réponse, nous la donnerons en rappelant l'adage de Mao Tsé
Toung que nous citions :« L'armée est dans la population comme le poisson
dans la mer. » Or, au Vietnam, en raison de ce qu'il faut appeler l'intégrité des
fonctionnaires communistes, du travail acharné des propagandistes, travail
du reste appuyé par des méthodes rigoureuses que l'on a vu appliquer
ailleurs, et du fait que les troupes françaises luttent avec des moyens lourds,
artillerie, aviation, chars, qui provoquent des destructions massives, il faut
reconnaître que la « mer » populaire est le plus souvent favorable au «

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